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La question des travailleurs détachés en débat à Bruxelles

Les ministres du Travail de l'Union européenne se réunissent ce lundi pour tenter de trouver un accord sur les travailleurs détachés. La France en a fait son cheval de bataille et demande un renforcement des contrôles pour endiguer les fraudes massives. L'occasion de revenir en cinq questions sur ces salariés au cœur de la polémique. 
Article rédigé par Juliette Deborde
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Maxppp)

Ce sont les nouveaux "plombiers polonais". Les travailleurs détachés sont au cœur d'un projet de réforme européen pour cause d'abus et de dérives. Mais qui sont vraiment ces salariés "low cost" ?

Qui sont les travailleurs détachés ?

Un travailleur est dit "détaché" quand une entreprise
l'envoie provisoirement travailler dans un autre État membre de l'Union européenne.
Comme le stipule la directive européenne de décembre 1996, la mission doit
forcément être ponctuelle : il faut donc distinguer un salarié détaché d'un
travailleur expatrié ou migrant.

Ce sont les salaires et les conditions de travail du pays d'accueil
qui s'appliquent, en revanche les cotisations sociales doivent être acquittées
dans le pays d'origine.

D'où viennent-ils?

En France, les travailleurs détachés sont majoritaires polonais
(18%), portugais (15%) et roumains (13%), souligne un rapport du Sénat. La France
accueille en très grande majorité (80%) des ouvriers, qui travaillent dans le
secteur du bâtiment (40%). Viennent ensuite le travail temporaire, l'industrie
et l'agriculture.

Mais à l'échelle européenne, presque la moitié (47%) des travailleurs
détachés provient des États "fondateurs" de l'Union européenne. Contrairement
aux idées reçues, la France est d'ailleurs la troisième "exportatrice"
de salariés détachés, après la Pologne et l'Allemagne.

Combien sont-ils en France ?

Officiellement, ils étaient plus de 200.000 cette année, soit
23% de plus qu'en 2012. Mais il ne s'agit que des salariés déclarés. Le ministère
du Travail considère qu'un travailleur détaché sur cinq ne serait pas déclaré, et
évoque le chiffre de 350.000 travailleurs.

Sur le territoire européen, les travailleurs détachés
seraient par ailleurs 1,5 million estime Bruxelles.

Que reproche-t-on à cette pratique ?

Le
détachement est accusé de favoriser une forme de "dumping social",
du fait de l'écart entre les couvertures sociales à l'échelle européenne. Opter
pour un ouvrier polonais plutôt que pour un ouvrier français permettrait ainsi
à une entreprise de BTP de faire 30% d'économies, estime le Sénat.

Absence de papiers, dépassement des durées de travail, non-respect
des normes d'hygiène, de sécurité et du SMIC : les fraudes sont aussi nombreuses. En 2012, sur 65.000 entreprises contrôlées, près de 19% était
en infraction. Le travailleur salarié "low cost" est le "nouvel
esclave moderne"
, écrivaient même les députés dans un rapport paru en mai.

Quelles sont les mesures envisagées ?


La majorité des pays européens, Paris et Berlin en tête, veulent
renforcer l'arsenal législatif : ils réclament un renforcement des contrôles
via l'inspection du travail et un plan de lutte contre les dérives. Plusieurs
options ont été évoquées : l'établissement d'une liste noire des
entreprises fraudeuses, la mise en place de seuils pour diminuer la durée des prestations
à l'étranger ou encore l'instauration d'un salaire minimum européen
commun.

La France a fait savoir qu'elle n'acceptera pas un compromis
a minima, mais risque de se heurter à la résistance de la Grande-Bretagne libérale
et des pays de l'Est, qui pourrait faire valoir le principe de la libre
circulation des travailleurs.

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