Cet article date de plus de deux ans.

Traité migratoire entre l'UE et le Royaume-Uni : Gérald Darmanin cherche à "européaniser la question" selon un historien

Le ministre de l'Intérieur a demandé samedi la création d'un traité sur la question migratoire. Selon l'historien-géographe Sylvain Kahn, Gérald Darmanin cherche avant tout à interpeller ses 26 collègues de l'UE.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin, quitte l'Elysée après le Conseil des ministres du 7octobre 2021. (DANIEL PIER / NURPHOTO)

"Si le ministre de l'Intérieur évoque cela, c'est une manière pour lui d'en appeler à ses 26 collègues de l'Union européenne pour européaniser la question", a affirmé dimanche 10 octobre sur franceinfo Sylvain Kahn, professeur à Sciences Po Paris. L'historien-géographe réagissait à la demande de Gérald Darmaninsamedi 9 octobre, de mettre en place un traité sur la question migratoire entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Le ministre de l'Intérieur a également appelé le gouvernement britannique à "tenir sa promesse" de financement pour lutter contre le trafic migratoire sur les côtes françaises. Selon Sylvain Kahn, Gérald Darmanin estime que Boris Johnson "essaye de détourner l'attention des difficultés internes liées au Brexit par des questions géopolitiques".

Gérald Darmanin s'est également exprimé au sujet de l'ancien commissaire européen Michel Barnier. Selon lui, le négociateur du Brexit aurait dû inclure la question migratoire au traité. A propos de cette déclaration, Sylvain Kahn juge que le ministre de l'Intérieur "fait de la politique intérieure" parce que Michel Barnier est candidat à la candidature LR pour la présidentielle.

franceinfo : Est-ce qu'il faut un traité, une voie légale entre l'Europe et la Grande-Bretagne pour faire respecter les engagements financiers sur les questions migratoires ?

Sylvain Kahn : Ce serait étonnant que les gouvernements de nos deux pays, la France et le Royaume-Uni ne parviennent pas à un accord directement. A priori, il n'y a pas besoin du traité. Je pense que si le ministre de l'Intérieur évoque cela, c'est une manière pour lui d'en appeler à ses 26 collègues de l'Union européenne pour européaniser la question. Maintenant, il s'agit autant de la frontière entre la France et le Royaume-Uni que de la frontière entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Aujourd'hui, est-ce que c'est la question financière qui cristallise les choses ? Parce que, de fait, actuellement, c'est la France qui paye le déploiement des forces de l'ordre sur ses côtes.

En effet, c'est un dispositif qui est en place depuis une vingtaine d'années. Il y avait un accord entre deux Etats membres de l'Union européenne. Maintenant, ce n'est plus le cas. Et ce que demande le ministre de l'Intérieur c'est la prolongation, la pérennisation des accords qui avaient été passés, des accords opérationnels, techniques et financiers. On voit bien que le gouvernement britannique de Boris Johnson est en difficulté. Donc ce gouvernement essaye de détourner l'attention des difficultés internes liées au Brexit par des questions géopolitiques en disant qu'il y a des problèmes avec la France pour les pêcheurs, qu'il y a des problèmes avec les migrants...

"Je suis assez confiant dans le fait que cela va se régler. Cela ne sert à rien de dramatiser"

Sylvain Kahn, historien

à franceinfo

Comment peut-on faire pour faire respecter les engagements financiers ?

On peut faire ça en tapant du poing sur la table, en roulant des mécaniques et en disant qu'on va priver les Britanniques de Jersey d'électricité. Cela ne me paraît pas très intelligent. On peut avoir du sang-froid, être un peu patient, continuer à discuter et faire en sorte que ça arrive, et en attendant, avancer l'argent. Il n'y a pas de raison qu'à un moment donné, les Britanniques n'honorent pas leur part du contrat. Ils savent très bien que, si à un moment la corde casse entre les Français et les Britanniques, cela veut dire que les Français n'assureraient plus ce à quoi ils se sont engagés pour leur part, c'est-à-dire à contrôler les flux migratoires de manière à ce qu'il n'y ait pas trop de personnes migrantes qui cherchent à traverser la Manche. Personne n'est gagnant, parce que les gens qui traversent la Manche, ils le font sur des bateaux de fortune. Ensuite, ce sont des drames humains, il y a des gens qui meurent.

Gérald Darmanin tacle même Michel Barnier, qui a négocié le Brexit. Le ministre de l'Intérieur dit qu'il y a une carence sur le financement de la lutte contre le trafic migratoire, que cela ne fait pas partie des accords du Brexit. Est-ce que c'était une erreur ?

Non, je ne crois pas. Je pense que le Brexit s'est passé le mieux possible. Je trouve que les Européens et Michel Barnier en tête, ont fait preuve de beaucoup de sang-froid. Monsieur Darmanin sait que monsieur Barnier fait partie des trois candidats à la candidature à la présidentielle côté républicain, donc côté droite. Et en réalité, il fait de la politique intérieure. Je pense que si Michel Barnier, ancien collègue de monsieur Darmanin du temps où ils étaient tous les deux aux Républicains, n'était pas candidat à la présidentielle, il ne chercherait pas du tout à l'attaquer.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.