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Brexit : cinq questions sur les ultimes négociations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne

Les deux parties entament une dernière session de négociations, jeudi. Elles disposent d'une dizaine de jours pour éviter une sortie sèche du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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David Frost et Michel Barnier, les négociateurs du Royaume-Uni et de l'UE, le 21 août 2020, à Bruxelles. (YVES HERMAN / AFP)

Le sprint final. Après une semaine de blocage, le Royaume-Uni et l'Union européenne ont repris, jeudi 22 octobre à Londres, les négociations commerciales post-Brexit. Il leur reste quelques jours pour tenter de combler d'importantes divergences afin d'échapper au "no deal". Franceinfo fait le point sur ce dossier crucial pour les économies européennes.

Combien de temps reste-t-il ?

Il reste en principe une dizaine de jours aux négociateurs pour trouver un terrain d'entente. Les Européens ont prévenu qu'un compromis devait être trouvé avant la fin octobre pour qu'un accord de libre-échange soit en place le 1er janvier prochain.

Le Royaume-Uni avait de son côté annoncé fin juin qu’il ne souhaitait pas prolonger la période de transition, qui s’achèvera donc le 31 décembre. Pendant cette transition, prévue lors du divorce historique du 31 janvier dernier, les règles européennes continuent de s'appliquer sur le territoire britannique.

Comment vont se dérouler ces négociations ?

Une équipe de négociateurs européens est arrivée jeudi à Londres. Des discussions doivent se dérouler dans la capitale britannique jusqu'à dimanche. Ensuite, elles auront lieu en personne ou par visioconférence, selon ce qui sera décidé. Elles sont prévues de manière quotidienne, week-end compris, sur tous les sujets en parallèle, et sur la base de textes légaux, comme le voulait Londres, sans attendre un compromis de principe.

Quels sont les points de blocage ?

Les discussions butent toujours sur trois principaux sujets : l'accès des pêcheurs européens aux poissonneuses eaux britanniques, les garanties réclamées à Londres en matière de concurrence, et la manière de régler les différends dans le futur accord.

Les négociateurs vont devoir par exemple se mettre d'accord sur l'alignement avec les règles de l'UE consenti par Londres pour accéder au marché européen sans quotas ni droits de douanes. Devant les eurodéputés mercredi, le président du Conseil européen, Charles Michel, a reproché à Londres de vouloir accéder au marché unique européen "tout en étant capable de s'écarter de nos normes et réglementations, quand cela lui convient".

"Notre principal problème sont des règles de concurrence loyale, a expliqué de son côté Emmanuel Macron. L'UE propose au Royaume-Uni le même accord que celui signé avec la Suisse, c'est-à-dire "l'accès au marché unique en contrepartie du respect de nos règles sanitaires, environnementales, sociales, en matière d'aides d'Etat".

La proposition des Britanniques est l'accès au marché unique sans respect des règles. C'est inacceptable.

Emmanuel Macron

"Nous ne pouvons pas non plus accepter un Brexit qui sacrifie les pêcheurs européens, à commencer par les pêcheurs français", a-t-il également prévenu. L'accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques est actuellement menacé par la position de Londres dans les négociations. Emmanuel Macron s'est dit prêt à réduire l'accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques, à condition d'une visibilité sur la durée et d'une réciprocité.

Quelles sont les chances de succès ?

De chaque côté, les déclarations alternent entre pessimisme et volonté de trouver un accord. Malgré l'urgence de la situation, les deux parties ont passé la dernière semaine à se livrer à un jeu de ping-pong, exigeant de l'autre de faire le premier pas, après un sommet européen marqué par la fermeté des 27. Boris Johnson avait alors déclaré les pourparlers "terminés" et demandé à son pays de se préparer à un "no deal". "Clairement, des différences significatives demeurent entre nos positions sur les sujets les plus difficiles, mais nous sommes prêts avec l'UE à voir si c'est possible de les rapprocher lors de discussions intensives", a indiqué un porte-parole du Premier ministre Boris Johnson dans un communiqué.

Il est tout à fait possible que les négociations échouent.

porte-parole de Boris Johnson

Pour débloquer la situation, le négociateur européen Michel Barnier et son interlocuteur britannique David Frost ont échangé par téléphone tous les jours depuis le début de semaine. Dans une apparente concession aux Britanniques, Michel Barnier s'est dit, devant les députés européens, prêt à rechercher "les compromis nécessaires, de chaque côté". Dans un geste d'apaisement, il a assuré qu'un accord se ferait "dans le respect de la souveraineté britannique".

"Croisons les doigts pour que cette nouvelle intensification des discussions aboutisse", a déclaré le secrétaire d'Etat chargé de la Sécurité publique, Kit Malthouse, sur la chaîne Sky News. "Les négociations impliquent souvent un peu de mauvaise humeur et de tension, et des portes qui claquent et le fait de partir. C'est dans la nature d'une négociation que les choses se tendent, surtout vers la fin quand vous êtes confrontés à une date butoir."

Les Européens gardent malgré tout en mémoire le projet de loi controversé qui revient en partie sur le traité encadrant la sortie de l'Union européenne du Royaume-Uni. Ce texte sur le marché intérieur revient, en violation assumée du droit international, sur des dispositions pour la province britannique d'Irlande du Nord, prévues afin d'éviter le retour d'une frontière avec la République d'Irlande. L'Union européenne a d'ailleurs lancé une procédure d'infraction contre Londres en raison de ce texte, qui a porté un coup à la confiance mutuelle.

Que se passe-t-il en cas de "no deal" ?

Sans accord, les échanges entre les deux parties seront, dès le 1er janvier, régis par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douanes élevés. Même en cas de compromis évitant cette brusque rupture, les entreprises doivent se préparer à des démarches chronophages pour exporter et à se plier aux normes respectives.

Les entreprises britanniques doivent se préparer dans l'urgence à un échec des négociations et les milieux d'affaires se trouvent dans le flou total. Les grands patrons britanniques n'ont pas été vraiment rassurés par un échange téléphonique mardi avec le gouvernement, qui a laissé apparaître de fortes tensions. Les entreprises ont regretté en particulier l'absence d'informations sur ce qui les attend, tant en matière de formalités douanières que dans les relations avec leurs fournisseurs de l'autre côté de la Manche.

La perspective d'un "no deal" est présentée comme potentiellement dévastatrice pour l'ensemble des économies européennes, déjà ébranlées par la pandémie de Covid-19. Un Brexit sans accord pourrait coûter 33 milliards d'euros aux exportations européennes en 2021, et pénaliser d'abord l'Allemagne, les Pays-Bas et la France, selon une étude d'Euler Hermès publiée mardi. La note serait bien moins salée en cas de sortie ordonnée du Royaume-Uni de l'Union européenne, le manque à gagner pour les exportateurs européens étant estimé dans ce cas à 18 milliards d'euros, analyse l'assureur-crédit.

Dans un communiqué, l'organisation patronale européenne BusinessEurope en a appelé à la responsabilité des négociateurs pour "trouver un accord", "la seule manière d'éviter l'incertitude et une perturbation majeure".

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