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La diplomatie à l’épreuve de la visio : “Impossible de négocier avec 27 vignettes sur un écran”

Les ministres des affaires étrangères du G7 se retrouvent ce lundi à Londres, pour la première fois "en présentiel” depuis le début de la pandémie. Ils vont cette fois se parler sans écran interposé. 

Article rédigé par Louise Bodet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une session au Parlement européen à Bruxelles, le 26 avril 2021, devant une assemblée est vide. (DURSUN AYDEMIR / ANADOLU AGENCY VIA AFP)

"Une impression, orwellienne, vraiment surréelle", se souvient Éric Tistounet. Au Conseil des droits de l'Homme, fin février à Genève, ce haut fonctionnaire de l'ONU s'est adressé à une salle de 1 500 sièges... vides, aux premières loges pour mesurer l’impact de la diplomatie virtuelle. C'est la norme depuis plus d’un an. D’ailleurs, les ministres des Affaires étrangères du G7 se retrouvent ce lundi 3 mai à Londres pour la première fois "en présentiel" depuis le début de la pandémie.

À Bruxelles, par exemple, il n’y a plus qu’une ou deux réunions mensuelles de ministres européens, contre une douzaine avant. C’est peut-être le début d’un retour à la normale, après des mois de distanciation forcée. Ce qui prive les diplomates, d'une dimension essentielle dans leures échanges, raconte Éric Tistounet : "Quand vous rencontrez votre copain délégué d’un autre pays, vous lui demandez comment il va, comment vont ses enfants... On s'assied, on discute, on essaie de se mettre d’accord... Tout cela a disparu. On rentre dans une diplomatie qui devient un peu formelle. Résultat des courses : davantage de tensions, et des initiatives qui peuvent être abandonnées."

"Un consensus un peu mou"

Et c'est sans doute à Bruxelles que c'est le plus compliqué, au cœur de cette machine européenne où tout doit être négocié à 27, entre la Commission, les gouvernements, le Parlement. Geoffroy Didier, eurodéputé, avoue qu’il est compliqué de mener certains débats : "Il y a beaucoup de textes qui ont été adoptés, et fort heureusement car les enjeux sont majeurs en Europe, notamment du fait de la crise sanitaire. Mais tout cela est adopté dans un consensus un peu mou. Il n’y aura pas eu en amont de véritable débat de fond. Débattre en Zoom, c’est impossible."

"Impossible de négocier avec 27 vignettes sur un écran" confirme un diplomate européen. Les dossiers les plus brûlants sont abordés les yeux dans les yeux, comme ces cinq jours de huis clos et de nuits sans sommeil pour adopter le plan de relance européen l’été dernier. Le plan de relance européen a ainsi donné lieu à cinq jours de huis clos et de nuits sans sommeil pour être adopt, l’été dernier. Les discussions sur le nucléaire iranien, menées à Vienne, le sont évidemment sur place. Et il n’est pas question non plus d’évoquer en visio les tensions avec la Russie.

Sur tous ces sujets, c'est aussi une question de confidentialité. En novembre dernier, un journaliste néerlandais est parvenu à s’introduire dans un Conseil de défense des 27 en visioconférence. À l’origine du hacking, un bout de code confidentiel vu sur une photo tweetée par un participant. "Quand vous êtes sur un écran, vous n'avez aucune idée de qui vous écoute, car il y a des grandes oreilles. Cela devient forcément beaucoup plus formel" explique le diplomate Éric Tistounet. Un formalisme incompatible avec certains dossiers, confirme à Paris le Quai d’Orsay. Les ministre des Affaires étrangères et européennes sont d’ailleurs ceux qui vont le plus souvent à Bruxelles. Toutefois, Jean-Yves Le Drian ne fait plus un tour du monde par mois, comme avant la crise. Le ministère promet à ce sujet une réflexion sur l’empreinte carbone de la diplomatie française.

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