Halal et casher : qu'en disent nos voisins européens ?
Le débat autour de l'abattage rituel des animaux n'en finit pas en France. FTVi s'est penché sur la législation européenne et les nombreuses dérogations en vigueur dans les pays de l'Union.
Deux semaines que la polémique sur l'abattage rituel des animaux continue d'agiter le monde politique français. FTVi se penche sur les positions des autres pays européens en la matière.
1. Une réglementation à l'échelle européenne
L'abattage des animaux est soumis au règlement du Conseil de l'Union européenne voté en septembre 2009. Ce dernier doit remplacer la directive 93/119 de 1993 dès le 1er janvier 2013.
Les textes préconisent l'étourdissement pre-mortem des bêtes, c'est-à-dire qu'elles soient rendues inconscientes avant leur mort. Mais ils laissent aux pays la possibilité de déroger à cette obligation, en vertu du respect de la liberté de religion et du droit de la manifester par des rites. Ainsi, la législation entourant l'abattage rituel varie fortement d'un Etat à l'autre.
Le point sur ces pratiques avec Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue et sociologue à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (Iremam) d'Aix-en-Provence et membre du projet européen Dialrel, qui entend encourager le dialogue entre tous les acteurs sur le sujet du bien-être animal.
2. De nombreuses dérogations
Etourdissement obligatoire. C'est le cas en Suisse, au Liechtenstein, en Islande, en Norvège et en Suède. "Techniquement, ces pays n'interdisent pas les abattages rituels, nuance la sociologue. Mais c'est perçu de cette façon par les communautés juives et musulmanes."
Etourdissement pre-mortem sauf pour les rites religieux
• La France, la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas acceptent que l'animal ne soit pas rendu inconscient avant sa mise à mort lorsqu'il s'agit des rites juif ou musulman, et n'opposent aucune recommandation spécifique en plus.
• Certains régions allemandes et provinces autrichiennes pratiquent aussi cette dérogation mais observent une méthode de quotas. "On va pouvoir abattre les animaux sans étourdissement sur la base du nombre de musulmans et de leurs besoins. Cette restriction vise à éviter que les viandes ne soient commercialisées dans les circuits classiques. Elle empêche aussi les exportations de viandes d’animaux tués sans étourdissement", explique Florence Bergeaud-Blackler.
Etourdissement après la saignée. L'Autriche, l'Estonie, le Danemark et la Finlande prévoient une dérogation à l'étourdissement préalable pour les rites religieux. Ils permettent cependant l'étourdissement juste après la saignée de l'animal.
Pas d'étourdissement pour les moutons. L'Espagne autorise l'abattage selon des rites religieux pour les ovins seulement.
Une différenciation entre religions musulmane et juive. Le Danemark distingue l'abattage casher (selon le rite juif) et l'abattage halal (rite musulman). Copenhague demande ainsi l'étourdissement pre-mortem pour les viandes musulmanes, mais ne l'exige pas pour les animaux tués selon le rite juif. Pourquoi ? Le rite casher se pratiquait déjà bien avant les premières règlementations européennes et la dérogation a été faite à la demande de la communauté. "Les musulmans, immigrés plus tardivement, ont bénéficié de cette dérogation par extension automatique dans certains pays, mais pas dans d’autres comme l’Allemagne jusqu'en 2002 ou le Danemark", précise Florence Bergeaud-Blackler.
3. Des débats publics récurrents
Comme en France, le sujet de l'abattage rituel s'invite régulièrement dans le débat public au Royaume-Uni ou en Belgique. Ainsi, la question de l'étiquetage, comme le souligne The Daily Telegraph (en anglais), ou du traitement des animaux à l'approche de l'Aïd al Kabir (la fête du sacrifice dans la religion musulmane) reviennent souvent sur le devant de la scène.
Mais la polémique la plus vive, et la plus récente, concerne les Pays-Bas. En juin 2011, les députés néerlandais ont voté un projet de loi visant à interdire les abattages sans étourdissement. Les sénateurs s'y disent opposés, assure La Croix.fr, mais l'idée a fait bondir les communautés juive et musulmane, souligne le quotidien néerlandais Trouw traduit par Courrier International. Et la question est loin d'être réglée, un accord doit être trouvé entre les différents acteurs. Reste à voir si, en France, la polémique survivra à la campagne présidentielle et donnera lieu à une proposition de loi.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.