: Édito L'Angle éco : "La chute du mur de Berlin et les dérapages de la mondialisation"
Il y a 25 ans le mur de Berlin tombait, et avec lui l'affrontement entre deux systèmes économiques. Mais 25 ans après, la mondialisation s'est-elle nourrit de ses excès, jusqu'à déjanter ? C'est l'édito de François Lenglet.
Si la chute du Mur, il y a exactement un quart de siècle, a été un événement politique considérable, on oublie qu'elle a été aussi un bouleversement économique comme il ne s'en produit qu'un ou deux par siècles, comparable, dans son ampleur et ses conséquences, à une guerre mondiale.
De la naissance de la mondialisation...
Du jour au lendemain ou presque, le "contre-capitalisme" qu'était le socialisme réel a implosé, laissant le champ libre à une économie de marché planétaire. Dès l'effondrement du rempart de béton sale, c'est la ruée de l'Ouest : les entreprises multinationales occidentales se précipitent sur les nouveaux territoires libérés, pour y vendre leur produits, les fabriquer ou acheter des matières premières. Le marché et la démocratie annexent l'Est d'un même pas, au point que Francis Fukuyama y voit La Fin de l'histoire, titre d'un essai qu'il publie alors.
La mondialisation moderne naît donc le 9 novembre 1989. Peu à peu, la quasi-totalité des pays abaissent leurs frontières pour les marchandises et les capitaux. Le monde semble devenu durablement sûr. Dans le sillage des entreprises mondialisées, la finance connaît un essor extravagant, porté par les innovations des technologies de l'information. L'argent voyage toujours à la vitesse de l'information - plus celle-ci circule facilement, plus la finance se porte bien. De gigantesques transferts d'activité s'opèrent, avec l'ouverture des frontières et les délocalisations. Les usines migrent sur la planète, dans les nouveaux pays d'Europe et en Asie. L'Occident transfère ses emplois et sa croissance dans ces contrées que l'on va bien bientôt appeler "émergentes".
... aux dérapages de la mondialisation
Autre révolution, le rapport de force entre le capital et le travail s'inverse. Avant novembre 1989, les travailleurs profitaient indirectement de la crainte du communisme - pour limiter les risques de révolution, les entreprises et les Etats consentaient des augmentations de salaires régulières et des droits sociaux étendus. Tout d'un coup, cette crainte disparaît. Pire, les non qualifiés occidentaux sont mis en concurrence avec les non qualifiés slovaques ou chinois, cinquante fois moins bien payés. Et c'est au contraire le détenteur de capital qui profite d'un monde ouvert, dans lequel il peut faire circuler son argent comme bon lui semble pour profiter des opportunités de rendement ou de taxation favorables. La chute du Mur a signé la victoire du rentier.
Une victoire provisoire, car le système mondialisé a déjanté, comme toujours : la crise de 2008-2009 est la lointaine résultante de la chute du Mur, vingt ans auparavant, et des libertés excessives que la finance a conquises à la faveur d'une longue période libérale. Tout comme le krach de 1873 avait ponctué, lui aussi, un quart de siècle libéral commencé avec les révolutions politiques de 1848, qui avaient mis a terre presque tous les gouvernements d'Europe.
Exactement comme entre 1873 et la fin du 19ème siècle, dans cette période qu'on appelle la Grande Dépression, nous sommes aujourd'hui à la recherche de nouveaux équilibres, de nouveaux réglages pour l'économie. Pour faire la part entre l'état et le marché, entre le capital et le travail.
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