Christoph Blocher, le populiste milliardaire le plus populaire de Suisse
En 2011, Christoph Blocher annonçait qu’il quittait son poste de député pour ne plus «gaspiller de temps au Parlement». Une phrase très caractéristique de ce personnage de 75 ans à la chevelure argentée qui s’exprime avec fougue et charisme sur les estrades. Même s’il lui aura fallu 32 ans pour émettre un tel jugement : il est en effet devenu député en 1979…
Brillant orateur «dans un pays plurilingue où la réthorique n’est pas la priorité» (Le Monde), il ne s’embarrasse pas de beau langage. Il manie ainsi l’allemand avec quelques accrocs, préférant le dialecte suisse-allemand. Et il écorche le français sans complexe.
Le vice-président de l’UDC joue sans vergogne sur les angoisses sécuritaires de l’opinion, les craintes de ses concitoyens face à la crise des migrants sur le Vieux continent. «L'Europe, Schengen, Dublin ne fonctionnent pas. L'UDC est le seul parti qui peut garantir que l'on peut résoudre le problème avec les demandeurs d'asile, qui peut garantir que l'on peut éliminer le chaos» de l'asile, a-t-il affirmé pendant la campagne, à Lausanne. En «Allemagne, c'est un grand mélange», estime-t-il. Il y a «les réfugiés économiques, les réfugiés de la guerre, les vrais réfugiés, les criminels, les terroristes, tout ceux qui viennent sont des réfugiés. Et Mme Merkel a dit: ‘‘alors, bienvenue !’’», ironise-t-il.
Un «ultra-libéral»
Sa méthode porte visiblement ses fruits: ce défenseur des valeurs patriotiques remporte un franc succès auprès des couches populaires et des jeunes. Au départ, ce n’était pas gagné d’avance… Car Christoph Blocher est lui-même un richissime et brillant homme d’affaires qui a racheté l’entreprise dont il était salarié, EMS Chemie, et dont il a fait une firme rentable. Firme dirigée actuellement par l’une de ses filles, Magdalena, elle-même candidate aux législatives.
«C’est un milliardaire qui a construit sa fortune sur la base d’un capitalisme financier nourri de méthodes américaines», analyse dans L’Obs le réalisateur Jean-Stéphane Bron qui a dressé son portrait dans le documentaire L’expérience Blocher, sorti en 2014. C’est tout le paradoxe de ce populiste dont la seule conviction est d’être «un ultra-libéral», selon ce réalisateur.
Mais voilà, il sait mettre en scène sa propre vie d’autodidacte : septième d'une famille de onze enfants, fils de pasteur élevé à la dure, ancien ouvrier agricole qui s’est enrichi. «Il joue de son image de self-made-man. Il a réussi ses études, son mariage et son ascension dans l’armée, où il est devenu colonel, à une époque où ce statut comptait dans la société suisse», explique dans Le Monde un universitaire de Lausanne, Oscar Mazzoleni. Il n’hésite pas à se faire photographier devant quelques-unes de ses 800 peintures, une des plus importantes collections privées helvètes. Et ça marche !
Le FN, «un parti de gauche»
L’homme a introduit un style politique agressif dans un système habitué au consensus. Il en arrive à tenir des propos ouvertement xénophobes. Dans les années 80, il a défendu des lois favorables à l’apartheid en Afrique du Sud. «En 2006, alors ministre de la Justice, il (a critiqué) l’article du code pénal condamnant le négationnisme», signale Le Monde.
Aujourd’hui, il récuse toute comparaison avec le Front national français. Certes, il admet être proche des positions du FN en matière d’immigration. Mais pour lui, la formation d’extrême droite hexagonale «est un parti de gauche». «Regardez la politique de Mme Le Pen, c'est de la politique de gauche. Nous sommes pour la responsabilité des citoyens, (…) le FN est (...) pour l'influence de l'Etat», a-t-il expliqué à l’AFP. Position logique, au demeurant, vu ses opinions ultralibérales.
Dans le même temps, Christoph Blocher entend lutter pour la souveraineté de la Suisse. En 1986, il mène avec succès la campagne contre l'adhésion du pays à l'ONU (le pays finira par rejoindre l'organisation en 2002). En 1992, il est en première ligne lors de la bataille contre l'adhésion de la Confédération dans l'Espace économique européen (EEE).
En 2003, il fait de l’UDC le premier parti du pays. Il entre alors au Conseil fédéral (gouvernement), qui comprend sept ministres venus de tous les horizons politiques. Mais il joue la confrontation dans ce cénacle qui «prône le compromis pour assumer le pouvoir exécutif en bonne entente» (Le Monde). Résultat : il en est chassé ce qui provoque un séisme politique. Blocher crie alors au déni de démocratie contre sa personne, vainqueur des législatives de 2003.
En 2009, Christoph Blocher parvient à faire interdire, par référendum, la construction de minarets. Et en février 2014, les Suisses acceptent, à nouveau par référendum, la proposition de l'UDC de réintroduire des quotas migratoires pour les Européens, au grand dam de Bruxelles. C’est un nouveau triomphe personnel. Mais son combat est loin d'être achevé. Les électeurs seront ainsi prochainement appelés à s’exprimer sur le renvoi des criminels d’origine étrangère et la politique actuelle en matière d’asile.
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