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Bruxelles dit avoir affecté "un budget de 17,5 milliards d'euros" pour les "Roms et d'autres groupes vulnérables"

Ce budget porte sur la période 2007-2013.Dans le même temps, la Commission de l'UE, rappelant que l'Union "est fondée sur des valeurs et droits fondamentaux", se dit "pleinement résolue à lutter contre toute forme de discrimination" en fonction des normes fixées par la législation européenne.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Membres de la communauté rom le 18 août 2010 dans un gymnase de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) (AFP - BERTRAND GUAY)

Ce budget porte sur la période 2007-2013.

Dans le même temps, la Commission de l'UE, rappelant que l'Union "est fondée sur des valeurs et droits fondamentaux", se dit "pleinement résolue à lutter contre toute forme de discrimination" en fonction des normes fixées par la législation européenne.


Dossier brûlant... et complexe

La question des Roms est un dossier plus que brûlant au sein de l'UE. Bruxelles a menacé les autorités françaises d'ouvrir une procédure d'infraction contre la politique de Paris dans ce domaine. Procédure qui pourrait à terme porter l'affaire devant la Cour de justice européenne, avec des amendes à la clef.

Une violente polémique a récemment opposé la commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, et le président français, Nicolas Sarkozy. Le 14 septembre, Viviane Reding avait dénoncé en des termes très vifs les renvois de Roms du territoire français. "Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième guerre mondiale", a-t-elle ainsi déclaré. S'expliquant devant des sénateurs UMP sur la crise entre Paris et Bruxelles, Nicolas Sarkozy a rétorqué "qu'il était scandaleux (...) que l'Europe s'exprime de cette façon sur ce que fait la France", a rapporté l'un de ces sénateurs.

Depuis, les deux parties se sont efforcées d'apaiser la situation. Viviane Reding a exprimé ses "regrets" pour la comparaison avec la déportation. L'Elysée en a pris acte.

Au-delà de la polémique, sur quoi se base l'UE pour intervenir dans la politique d'un pays tiers vis-à-vis des Roms ? Comment agit-elle pour mieux intégrer cette catégorie de la population européenne, estimée par Bruxelles "entre 10 et 12 millions de personnes" et qu'elle considère comme la "principale minorité ethnique du continent"?

La réponse n'est pas forcément facile à démêler. D'abord parce que le dossier est traité par plusieurs commissaires. En l'occurrence Viviane Reding qui est, rappelons-le, commissaire à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté. Mais aussi par son collègue à l'Emploi, aux Affaires sociales et à l'Inclusion (terme très eurocratique signifiant en fait "insertion"...). A la Commission, on vous explique d'ailleurs qu'"on acceptera de vous répondre sur les aspects financiers mais pas juridiques en raison de la procédure d'infraction". Très certainement aussi parce qu'on ne tient pas à rallumer la récente polémique avec l'Elysée...

Une autre difficulté se présente pour les aspects financiers. Car en la matière, les circuits de financement de l'UE sont passablement complexes, entre le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). De quoi se perdre dans les méandres et les couloirs des institutions européennes...

Définition du terme "Rom"' retenue à Bruxelles
"Tout en reconnaissant les identités culturelles spécifiques à tous les Roms, les institutions de l'UE utilisent le mot 'Roms' comme un terme générique englobant également d'autres groupes de personnes partageant des caractéristiques culturelles et des antécédents de marginalisation dans les sociétés européennes similaires, comme les Sintis, les Gens du voyage, les Ashkali, les Camminanti, etc". (tiré du document "Le Fonds social européen et les gens du voyage")

La question financière
"L'année 2010 a été proclamée 'Année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale', et les Roms ont été identifiés comme un groupe très exposé au risque de pauvreté", peut-on lire dans un document de la Commission intitulé " Les Roms dans l'UE: quetsions et réponses". "L'intégration économique et sociale des Roms est une question prioritaire pour l'Union européenne", poursuit le document.

Résultat: Bruxelles dit avoir consacré "un budget total de 17,5 milliards d'euros" à des "programmes de soutien pour les Roms". Ces programmes ont concerné 12 des 27 Etats membres: Bulgarie, République tchèque, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Pologne, Roumanie, Slovénie et Slovaquie. On constate qu'aucun d'eux n'a vu le jour en France.

A titre d' exemple: l'UE a affecté 1,11 million d'euros à un "projet de renouvellement urbain dans la ville hongroise de Nyiregyhaza, où vit l'une des plus grandes communautés roms du pays". Elle a financé à hauteur de 250.000 euros "un nouveau cursus d'études roms dans les établissements secondaires en Slovaquie". En Espagne, elle a subventionné un programme d'"itinéraires d'insertion individuels". Lequel a concerné, "entre 1999 et 2009, 47.778 personnes, dont 72 % d'origine Rom". Programme qui a permis à "33.827 personnes, dont 70 % de Roms" de trouver un emploi.

Reste à savoir comment est contrôlée l'utilisation de l'argent européen. "Comme c'est toujours le cas avec les fonds de l'UE, il revient aux États membres et aux autorités de gestion de présenter des projets viables", explique le document "Les Roms dans l'UE: questions et réponses". "La pratique constante pour tous les projets veut que les États membres disposent d'autorités nationales de certification et de vérification des comptes et que la Commission effectue des contrôles par échantillonnage pour vérifier que les fonds ont bien été dépensés pour des projets préalablement approuvés", poursuit-il. Reste à savoir si ces contrôles sont suffisants pour justifier l'engagement de 17,5 milliards d'euros sortis de la poche des contribuables européens...

La question juridique
"La position de la Commission européenne est claire. La loi communautaire doit être respectée. L'interdiction de la discrimination basée sur l'origine ethnique est une valeur européenne fondamentale et la Commission fera tout ce qui est en son pouvoir pour s'assurer du respect de ce principe", a déclaré le 15 septembre le président de l'exécutif communautaire, José Manuel Barroso.

Bruxelles se base donc d'abord sur des principes.

"L"Union européenne est fondée sur des valeurs et des droits fondamentaux, dans le respect de la diversité linguistique et culturelle. Au nombre de nos valeurs européennes figurent la protection des personnes appartenant à des minorités, le principe de la libre circulation et l"interdiction de toute forme de discrimination", déclarait Viviane Reding lors d"un discours prononcé le 9 avril à Cordoue (Espagne). Et d"ajouter: "En tant que vice-présidente de la Commission européenne [et commissaire] chargée de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, je m'engage à lutter contre toutes les formes de racisme et de xénophobie, de discrimination et d"exclusion sociale fondées sur l"origine ethnique".

Dans ce contexte, la Commission entend garantir "que tous les Roms jouissent de l'égalité et bénéficient des mêmes possibilités" que les autres citoyens européens. L'article 21 du traité sur le fonctionnement de l'UE dispose que tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve de certaines limitations. Cette liberté de circulation est "l'un des fondements de l'UE et du droit fondamental des citoyens de l'Union", insiste le document "Les Roms dans l'UE: questions et réponses".

En l'occurrence, 10 Etats membres, dont la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, ont édicté des restrictions, notamment pour les travailleurs bulgares et roumains, jusqu'au 1er janvier 2012.

De plus, "des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique peuvent justifier des restrictions de la liberté de circulation et de séjour".

Qu'en est-il pour l'expulsion ?
A la Commission, au terme d'expulsion, on préfère le terme plus soft de "décision d'éloignement". Une telle décision "à l'encontre d'un citoyen de l'Union ne doit pas être prise inconsidérément", explique le document cité ci-dessus.

"La législation européenne prévoit des garanties qui assurent le caractère équitable de la décision finale". Celle-ci "doit être fondée exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné. Cela signifie que le comportement personnel doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société". "Dans le cadre de cette appréciation individuelle, l"État membre d"accueil doit tenir compte notamment de la durée du séjour de l'intéressé sur son territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l'État membre d'accueil et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine", poursuit le document de la Commission de Bruxelles.

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