Avec une patrouille Frontex à la chasse aux cargos poubelles
Bienvenue à bord de l'Icelandic Tyr, un navire islandais, de 71 mètres de long, prêté par l'Islande, puisque Frontex ne possède pas de bateau. Le bateau transporte 110 tonnes d'eau, de la nourriture pour bébé, et des médicaments pour les opérations de sauvetage. Avec l’équipage, nous quittons le port de Pozzallo, dans le sud de la Sicile, pour patrouiller en Méditerranée. Au bout de quelques heures, la marine italienne nous demande de mettre le cap à l'Est, un cargo suspect vient d'être repéré. Finalement ce sera une fausse alerte.
C'est un peu ce genre de scénario qu'a vécu Andri Johnsen, le 3 janvier dernier. Sauf que lui a découvert des migrants entassés dans une bétaillère. Ce jeune matelot de 26 ans était le premier à bord du cargo Ezadeen, abandonné par son équipage. Il raconte la scène, surréaliste.
"Quand vous montez à bord d'un cargo comme l’Ezadeen, il y a environ 360 personnes. Il fait noir, le temps est mauvais et eux ils s'approchent de vous avec leur valise. Certains se sont fabriqué des gilets de sauvetage avec du plastique. Ils vous disent qu'ils veulent de l'eau, qu'ils ont besoin d'un docteur. Mais quand ils réalisent qu'on va les aider, qu'on ne va pas les laisser là, ils sont soulagés"
Ce phénomène des cargos poubelles comme l'Ezadeen inquiète de plus en plus les autorités, à tel point que toute une zone au sud-est de la Sicile est désormais surnommée le cimetière des cargos poubelle. Quand les trafiquants arrivent dans les eaux italiennes, ils bloquent les moteurs du cargo, avant de s'enfuir, et laissent les migrants livrés à eux-mêmes. C'est là qu'on a retrouvé l'Ezadeen. Un phénomène récent et très problématique, selon Einar Valsson, le capitaine du Icelandic Tyr :
"Nous on patrouille dans la Méditerranée depuis 2010. Avant c'était des petits bateaux et maintenant ce sont des gros cargos, et ça nous pose beaucoup plus de problème qu'avant. Mon équipage c'est 18 personnes, alors quand il faut secourir plus de 400 personnes comme c'est parfois le cas, ça prend plus de 8h pour les faire monter sur notre navire"
Frontex assure agir à la source de ce phénomène, en essayant de démanteler les réseaux de trafiquants, notamment en Turquie. C'est en tout cas ce qu’affirme le nouveau patron de Frontex, le Français Fabrice Leggeri, en poste depuis seulement 15 jours. Pour sa première mission sur le terrain, il est monté à bord de la patrouille Frontex. "C'est vrai qu'un grand nombre de ces cargos fantômes est parti du Sud-Est de la Turquie. Mais on a le sentiment que les choses ont été identifiées côté turque. En tout cas ça fait partie de ma priorité la Turquie".
Agir à la source, empêcher les Syriens de débarquer illégalement en Europe, ce n'est pas la solution estime Carmen Cordaro, avocate à Messine en Sicile et membre du réseau Migreurop qui vient en aide aux réfugiés. Pour elle l'attitude de l'Europe est une honte : "C'est une honte pour le monde et pour l'Europe en particulier. Pas même pour les Syriens on fait quelque chose, des visas ou des demandes d'asile dans les ambassades".
Depuis le début de la guerre en Syrie, seul 4% des 3 millions de réfugiés syriens ont trouvé asile en Europe. Alors que chaque jour 465 migrants continue d’arriver par bateau sur les côtes italiennes.
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