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Autriche : la campagne présidentielle vue par les affiches

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Le 2e tour de la présidentielle en Autriche, qui a lieu le 22 mai 2016, voit s’opposer le candidat d’extrême droite, Norbert Hofer (35% des voix au 1er tour), et un écologiste, Alexander van der Bellen (21,3%). Pour la première fois depuis la guerre, l’extrême droite est en mesure de prendre la présidence du pays. Retour en images sur les affiches de campagne des deux candidats.

Affiches électorales pour le 2e tour de la présidentielle en Autriche. A gauche, celle du candidat écologiste, Alexander van der Bellen qui explique: «Faisons ensemble un bout de chemin». A droite, celle du candidat d'extrême droite, Norbert Hofer, qui s

Alexander van der Bellen, né le 18 janvier 1944 à Vienne, apparaît sur cette affiche comme un personnage sympathique et réfléchi. A la télévision, quand on lui pose une question, il lui arrive de dire: «Laissez-moi réfléchir». Il se tait. Et répond au journaliste au bout de cinq secondes, une éternité au petit écran… Ce député, ancien professeur d’université en économie à la retraite, est entré en politique sur le tard en 1997 chez les Verts, dont il fut le porte-parole jusqu’en 2008. Visiblement, sa candidature ne plaît pas à tout le monde. Sur le graffiti écrit à la main sur plusieurs affiches près du Parlement de Vienne, on peut lire : «Baltischer Jud», «juif baltique». Sa famille, issue de la bourgeoisie russe avec des ascendances néerlandaises, avait fui la révolution soviétique en se réfugiant en Estonie. S’il ne s’agit en aucun cas de généraliser, ce graffiti montre que les vieux démons antisémites et xénophobes n’ont pas totalement disparu en Autriche. Malgré le nazisme... Le parti FPÖ de son adversaire, Norbert Hofer, a souvent été taxé d’antisémitisme avant de modérer son discours. (photo prise le 8 mai 2016). (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)
Le candidat du FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs, Parti libéral d’Autriche), Norbert Hofer, a tenté d’imposer une image de discrétion. Ingénieur aéronautique de formation né le 2 mars 1971 dans le Burgenland, province la moins prospère du pays, il est vice-président du Parlement. Toujours souriant, il possède des qualités d’écoute et de courtoisie reconnues par ses adversaires. Il est resté partiellement handicapé à la suite d’un accident de parapente en 2003. Sa discrétion lui a permis de se présenter comme quelqu’un de «neuf», malgré plus de 20 ans de responsabilités politiques. Elle ne l’empêche pas de dire, comme sur cette affiche, qu’avec lui, on peut «montrer son drapeau». En clair, d’afficher ses convictions en votant pour lui. (AFP - Dieter Nagl )
Pour un candidat vert, il est logique de s’afficher… en pleine nature. Sur la première affiche, à gauche, Alexander van der Bellen, se montre dans un beau paysage alpestre, paysage typiquement autrichien. Un peu comme le Mitterrand de 1981 avec sa « force tranquille» au milieu d’un paysage du Morvan. Il se veut rassurant. C’est d’ailleurs ce que souligne le slogan : «Celui qui aime notre patrie (au sens du pays natal), ne le divise pas». Sous-entendu comme le font, selon leurs adversaires, Norbert Hofer et l’extrême droite. Il s’agit aussi de ne pas laisser à ces derniers les thèmes patriotiques. Dans la seconde affiche (montrant un champ de blé dont on ne dit pas s’il est bio), il s’agit d’exprimer la confiance : «Croyons en notre force». Sous-entendu celle d’un pays de 8,9 millions d’habitants qui a confiance en lui. Et ne suivra pas un candidat d’extrême droite qui fait campagne avec un révolver en poche… (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)
Le FPÖ a su attirer à lui de nombreuses voix des milieux populaires. Aussi se présente-t-il en haut à droite de ces deux affiches, comme le «Parti social de la Heimat» (le pays natal, qu’on peut aussi traduire par patrie). Mais là, il faut faire sérieux pour séduire les électeurs modérés sans qui son candidat, Norbert Hofer, ne pourra pas accéder au pouvoir. Pour cette raison, le parti d’extrême droite a poli son discours. Exit, donc, en principe, les expressions ouvertement xénophobes et antisémites. Même s’il a mené une campagne largement axée sur la crise migratoire. Ici, le candidat a donc, comme toujours, une mise impeccable. Il s’agit d’incarner le slogan (en rouge) de l'affiche de gauche, un tantinet populiste, qu’en démocratie, «le droit émane du peuple». Tout en soulignant qu’il incarne «une nouvelle conception de la manière d’administrer». Norbert Hofer se veut aussi «la voix de la raison», comme l’affirme le slogan (en rouge) de l’affiche à droite. Sur celle-ci, il se présente par ailleurs comme «quelqu’un qui vit au milieu des autres». Autrement dit, «c’est un homme comme les autres qui connaît les difficultés de tout un chacun».  (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)
Le candidat Van der Bellen entend être un candidat du consensus, un candidat au-delà des clivages créés par l’extrême droite qui a souvent fait campagne sur l’affaire des migrants et des réfugiés. Sur l‘affiche de gauche, on voit à nouveau le représentant des Verts en pleine nature (cette nature chère à Goethe jeune et aux romantiques germaniques en général). Avec une référence «humanisante» : un petit chien (en bas à droite)... Slogan de l’affiche à gauche : «Faisons ensemble (écrit en gros) un bout du chemin». Le slogan de l’autre affiche explique : «Un président qui crée du lien.» On pourra trouver curieux qu’un escalier soit censé symboliser le lien en question…

 (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)
Comme on l’a vu, les deux candidats se sont affrontés sur leurs affiches à fleurets mouchetés. Leurs communicants ont donc exclu expressions agressives et attaques personnelles. Il faut montrer qu’on est tolérant et raisonnable. Bref, qu’on est en démocratie. Alexander van der Bellen et Norbert Hofer n’hésitent donc pas à s’afficher ensemble, comme ici, le 24 avril 2016, dans un studio de télévision. Le second fait tout pour séduire les modérés. S’il est élu, il assure être prêt à nommer un chancelier social-démocrate. «Je le ferai dans tous les cas, car il est aussi de mon intérêt que l'Autriche soit mieux gouvernée», a déclaré le candidat FPÖ. Il a aussi pris ses distances avec les identitaires, frange la plus extrême de son parti. En soulignant qu’il n’avait «rien à voir à faire avec eux». Il a également affirmé son attachement à l'appartenance de l'Autriche à l’UE. Sans toutefois exclure un référendum d'initiative populaire sur la question. Les deux candidats sont au coude-à-coude dans les sondages. (AFP – Harald Schneider)

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