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Procès d'un ancien garde d'Auschwitz : où en est la traque des derniers criminels nazis ?

Reinhold Hanning, un ancien garde du camp de la mort en Pologne, est jugé depuis jeudi en Allemagne. Il s'agit de l'un des derniers criminels du troisième Reich rattrapés par la justice.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
L'entrée du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne, le 25 janvier 2015. (JOEL SAGET / AFP)

Il est accusé d'être complice de la mort d'au moins 170 000 personnes à Auschwitz (Pologne). Reinhold Hanning, un ancien garde du camp d'extermination, est jugé depuis jeudi 11 février par le tribunal de Detmold, en Allemagne. Il fait partie des derniers criminels nazis à être jugés pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis durant la seconde guerre mondiale. Mais, malgré les efforts de la justice, tous n'ont pas été condamnés pour leurs actes. Francetv info revient sur cette traque menée ces dernières années contre les criminels nazis.

Certains nazis ont été rattrapés par la justice

Plusieurs responsables nazis ont été rattrapés par leur passé ces dernières années. La justice allemande a, en effet, accentué ses efforts afin de faire condamner tous les rouages de la "solution finale", estimant que même les personnes qui n'avaient pas personnellement tué de juifs avaient une part de responsabilité dans les exactions commises, selon Le Parisien.

Oskar Gröning, surnommé "le comptable" du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, a ainsi été condamné par la justice allemande à quatre ans de prison, en 2015. L'accusation lui reprochait d'avoir "aidé le régime nazi à tirer des bénéfices économiques des meurtres" de 300 000 juifs. Il avait aussi assisté à la "sélection" séparant les déportés jugés aptes au travail et ceux qui étaient immédiatement tués, à l'entrée des camps. Le criminel nazi, qui avait demandé "pardon" pendant son procès, ne purgera toutefois jamais sa peine à cause de son âge.

John Demjanjuk, ancien garde du camp de Sobibor (Pologne), a, lui, purgé une partie de sa peine. Il a été condamné en 2011 à cinq ans de réclusion, pour sa complicité dans la mort de plus de 27 000 juifs. Le criminel nazi, qui avait effectué deux ans de prison avant et pendant son procès, a toutefois été remis en liberté. Le tribunal de Munich a, en effet, estimé que John Demjanjuk ne représentait aucun danger et ne risquait plus de se soustraire à la justice, du fait de son âge et de son statut d'apatride, qui l'empêchait de quitter l'Allemagne. Il est mort un an plus tard, à 91 ans, dans une maison de retraite de Bavière, avant le début de son procès en appel.

Deux autres criminels nazis présumés doivent être jugés en 2016. Reinhold Hanning, aujourd'hui âgé de 94 ans, encourt de trois à quinze ans de prison pour son rôle de gardien dans le camp d'Auschwitz-Birkenau. Contrairement aux précédents procès, le membre des SS Totenkopf est non seulement poursuivi pour les meurtres dans les chambres à gaz, mais aussi pour les exécutions sommaires et "l'extermination par les conditions de vie" des déportés, rapporte Le Parisien. Malgré des facultés physiques amoindries, l'ancien infirmier d'Auschwitz Hubert Zafke sera, lui, jugé à partir du 29 février pour complicité dans l'extermination d'au moins 3 600 personnes.

D'autres ne peuvent pas être jugés

A cause de leur état de santé. Gerhard Sommer figure en tête de la liste des criminels nazis les plus recherchés, dressée par le centre Simon-Wiesenthal de Jérusalem. Ce membre de la 16e division d'infanterie SS aurait participé au massacre de 560 personnes, dont une centaine d'enfants, dans le village italien de Sant'Anna di Stazzema, en 1944, selon Le ParisienLe parquet d'Hambourg a entamé des poursuites contre le dernier membre de cette division encore en vie en 2014. Selon les autorités, "l'examen de ce dossier volumineux a conduit à la conclusion que le suspect, s'il était en état d'être jugé, serait accusé avec une forte probabilité". Le criminel présumé ne passera toutefois jamais devant un tribunal : il souffre d'un "état de démence profonde", selon une expertise médicale réalisée en mai 2015.

Faute de preuves. Si Werner Christukat était encore apte à être jugé en 2014, le tribunal de Cologne (Allemagne) a fini par abandonner toutes poursuites contre lui. En cause : le manque de preuves contre l'ancien SS de la division blindée Das Reich, accusé d'avoir pris part au massacre d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), en juin 1944. Selon le parquet allemand, Werner Christukat a participé au meurtre à la mitraillette de 25 jeunes hommes, dans une grange du village français. Il aurait ensuite apporté du combustible et "assuré une garde à proximité de l'église" pendant que le bâtiment brûlait, avec des centaines de victimes à l'intérieur. S'il reconnaît avoir été présent sur les lieux du massacre, Werner Christukat affirme ne pas avoir pris part aux exactions. Aucun témoin n'a pu contredire sa version.

Pour des problèmes diplomatiques. D'autres criminels nazis continuent d'échapper à la justice car les pays où ils se trouvent refusent de les extrader. Charles Zentai est dans ce cas. Cet ancien militaire hongrois de 93 ans figurait sur la liste du centre Simon-Wiesenthal pour avoir participé à la torture et au meurtre de Peter Balasz, un jeune juif de 18 ans assassiné à Budapest en 1944, rappelle 20 MinutesCharles Zentai a quitté la Hongrie pour l'Australie en 1950. Canberra a approuvé son extradition en 2009, mais il n'a finalement jamais été expulsé. En août 2012, la Haute cour australienne a, en effet, rejeté la procédure pour un motif technique, en rappelant que les crimes de guerre n'existaient pas en Hongrie au moment des faits.

Helmut Oberlander cherche, lui, à éviter l'extradition depuis plus de vingt ans. L'Allemand de 90 ans est soupçonné d'avoir fait partie de l'Einsatzgruppe D, un escadron nazi qui a tué par balles près de 23 000 civils en Ukraine, entre 1941 et 1943. Naturalisé canadien en 1960, il est engagé dans une bataille judiciaire avec Ottawa depuis 1995, selon le Toronto Star (en anglais). Le gouvernement fédéral a déjà déchu Helmut Oberlander de sa nationalité canadienne à deux reprises, en 2001 et 2007. A chaque fois, le décret a été annulé par la cour fédérale. La troisième tentative d'Ottawa d'expulser le criminel nazi présumé vers l'Allemagne pourrait toutefois aboutir : la cour fédérale a rejeté le recours d'Helmut Oberlander contre cette procédure, en août 2015. Selon le Toronto Star, l'affaire pourrait être portée devant la cour suprême du Canada.

Et il y a les nazis dont on a perdu la trace

Le doute subsiste toujours sur le devenir de certains criminels du troisième Reich. A commencer par celui d'Aloïs Brunner, ancien bras droit de "l'architecte de la solution finale", Adolf Eichmann. Ce capitaine SS est directement responsable de la mort de 128 000 juifs originaires de France, d'Autriche, de Grèce et de Slovaquie, selon L'Express.

Aloïs Brunner a fui l'Europe en 1954 et rejoint la Syrie, où il a servi auprès d'Hafez Al-Assad, le père de Bachar Al-Assad. Damas a toutefois toujours nié sa présence sur le territoire. Impossible donc pour la France de faire extrader l'ancien nazi. La Cour d'assises de Paris l'a condamné par contumace à la réclusion à perpétuité, en 2001, pour avoir organisé la déportation de 345 enfants juifs lorsqu'il était à la tête du camp d'internement de Drancy (Seine-Saint-Denis).

Aloïs Brunner serait mort de cause naturelle, en 2010, selon un ancien agent des services de renseignement allemand. "Nous ne sommes pas sûrs à 100%, nuance le directeur du centre Simon-Wiesenthal à Jérusalem, interrogé par Le Figaro. Mais je dirais que quelqu'un qui a été blessé par deux bombes postales [du Mossad] et qui est né en 1912 est sans doute mort."

La mort d'Aribert Heim a, elle aussi, été très difficile à confirmer. Surnommé "le docteur de la mort", il a torturé des centaines de déportés lorsqu'il était médecin-chef du camp de concentration de Mauthausen (Autriche). Aribert Heim a notamment pratiqué de nombreuses expériences sadiques, en injectant du poison à ses victimes pour observer la durée de leur supplice ou en pratiquant des opérations et ablations sur des personnes éveillées, précise le Daily Mail (en anglais).

Les autorités allemandes ont perdu sa trace en 1962, alors qu'elles étaient sur le point de l'arrêter. Selon Le Figaro, il aurait rejoint L'Egypte, où il se serait converti à l'islam et aurait pris le nom de Tarek. Le "boucher de Mathausen" serait mort en 1992 d'un cancer de l'intestin, mais son corps n'a jamais été retrouvé. La justice allemande a néanmoins confirmé sa mort en 2014.

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