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Au Portugal, Lisbonne et Porto manifestent contre la gentrification : "Toutes ces villes craignent le syndrome Airbnb"

Yves Léonard, historien, explique les raisons des manifestations prévues samedi dans les deux grandes villes du Portugal pour réclamer "un droit au logement". 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Vue générale sur Lisbonne et le Tage le 17 août 2018. (STEPHANE MILHOMME / RADIO FRANCE)

"Un certain nombre de Lisboètes historiques ne peuvent plus vivre en ville" à cause du phénomène de gentrification, a estimé sur franceinfo, samedi 22 septembre, Yves Léonard, historien, enseignant à Sciences Po et spécialiste de l'histoire contemporaine du Portugal. Des manifestations sont prévues aujourd'hui à Lisbonne et à Porto pour dénoncer ce phénomène qui désigne une tendance à l'embourgeoisement d'un quartier populaire.  "Il y a un boom touristique impressionnant et une spéculation immobilière", assure-t-il, qui entraînent "une montée des prix de l'immobilier"

franceinfo : Comment expliquer cette gentrification ?

Yves Léonard : Depuis quelques années, il y a un boom touristique impressionnant et une spéculation immobilière, que connaissent Lisbonne, la capitale, et, dans une moindre mesure, Porto. C'est relativement nouveau parce qu'il y avait auparavant un système assez réglementé, assez encadré, notamment avec des loyers qui ne devaient pas augmenter d'une certaine manière. Tout cela a été chamboulé depuis 2012 et, parmi les conséquences, il y a eu une montée des prix de l'immobilier donc un phénomène de gentrification dans les centres-villes. Un certain nombre de Lisboètes historiques ne peuvent plus vivre en ville parce que les prix des loyers sont devenus trop élevés et l'acquisition immobilière n'est pas dans leurs moyens. C'est relativement récent.

En 2011, la crise économique a frappé le Portugal. Depuis 2012, plusieurs dispositifs attirent les résidents étrangers, les retraités ou encore les professions libérales. Ont-ils joué un rôle dans cette gentrification ?  

Cela a été incitatif, notamment pour le visa "gold", le visa doré, qui permettait à un certain nombre d'investisseurs étrangers d'avoir un permis de résident et des facilités en termes de passeport pendant quelques années dès lors qu'ils investissaient au moins 500 000 euros dans l'immobilier au Portugal. Toutes ces mesures ont cependant eu plus de succès que prévu et cela a provoqué une explosion des prix de l'immobilier. À tel point que, ce samedi, une manifestation est organisée pour dénoncer la spéculation immobilière. Toutes ces villes craignent le syndrome Airbnb.  

La plateforme de location immobilière a-t-elle amplifié cette tendance de gentrification dans les quartiers populaires de Bairro Alto ou de l'Alfama à Lisbonne, comme c'est le cas dans le Marais à Paris ?  

Dans l'Alfama, c'est tout à fait sensible et c'est un des enjeux des réflexions en cours pour modifier et améliorer les lois sur l'habitat. Récemment, le président de la République a opposé son veto à une loi qui introduisait une clause sur la préférence pour permettre aux locataires de rester en cas de vente du bien immobilier, de façon à éviter selon lui que les locataires sous-louent ou utilisent les facilités Airbnb. Le sujet est donc assez complexe et c'est vrai qu'à Lisbonne aujourd'hui, tout comme ça a été le cas à Barcelone et dans d'autres villes, il y a ce sentiment dans certains quartiers de voir se multiplier des flots de touristes.  

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