A l'hôpital Erasme de Bruxelles, une "chirurgie de guerre" au service des urgences
Le premier patient est arrivé dans l'établissement une heure après les explosions survenues mardi matin. Les victimes se sont succédé toute la matinée, parfois dans un état d'urgence absolue.
Deux soldats barrent l'entrée principale de l'hôpital Erasme de Bruxelles, tandis que des caméras sont postées devant le service des urgences. "Le plan catastrophe a été déclenché aussitôt après les explosions de l'aéroport", commente le docteur Christian Melot, chef du service des urgences. "Nous nous sommes préparés et avons libéré cinq salles d'opération." Le premier patient est arrivé vers 9h30, suivi de tant d'autres, venus tantôt de l'aéroport, tantôt de la station de métro Maelbeek, touchée elle aussi par une explosion.
Au total, quinze victimes ont été admises dans la matinée, dont huit dans un état d'urgence absolue. Le dispositif est rôdé : à leur arrivée, les patients sont pris en charge par un médecin, qui les renvoie vers quatre salles de "déchoquage" équipées de lits, où patientent quatre équipes de trois médecins et deux infirmiers. Les victimes sont ensuite envoyées au bloc opératoire.
Délabrement musculaire, hémorragies, lésions, traumatisme crânien, membres arrachés et même brûlures pour les victimes les plus proches des détonations. Le médecin évoque "une chirurgie de guerre". "La principale difficulté des plaies par explosion, c'est qu'elles ne sont pas nettes", explique Marc Van Nuffelen, chef-adjoint des urgences. Ce qui complique l'hémostase, processus permettant d'interrompre une hémorragie, et nécessite donc des amputations. Le premier patient, lui, est arrivé avec le pied arraché par le souffle d'une des explosions.
Des patients en état de choc
Parmi les huit victimes en urgence absolue, Marc Van Nuffelen n'a réussi à échanger quelques mots qu'avec un Américain fracturé des deux jambes, ce qui lui a permis de prévenir sa famille. Même avec des blessures plus légères, les victimes sont dans un état préoccupant. Particulièrement choquée, une jeune femme a été surprise par les attaques dans le terminal de l'aéroport de Bruxelles, alors qu'elle s'apprêtait à partir en vacances. "Elle a fui la première explosion, mais elle n'est pas allée loin, puisqu'elle a été enfermée par la seconde détonation. De l'enfer à l'enfer." Elle s'en sortira indemne, mais traumatisée.
Comme elle, de nombreux patients manifestent angoisse et d'anxiété. "Ils ont besoin de beaucoup parler, quitte à répéter plusieurs fois la même chose. Nous devons les écouter, sans les interrompre." En fin d'après-midi, plus aucune victime des attentats n'est attendue dans l'hôpital, mais le plan catastrophe n'était toujours pas levé en fin de journée. "Nous sommes encore dans le feu de l'action, mais le dispositif a plutôt bien fonctionné", résume Christian Melot.
Encore marqué par la catastrophe ferroviaire de Buizingen en 2010, il se félicite de la réaction des équipes, qui ont agi "en professionnels". Malgré tout, certaines choses pourraient être améliorées. Fataliste, il anticipe déjà la prochaine attaque et pense notamment, pour ce type de catastrophe, à la mise en place d'une file d'attente dédiée. De l'autre côté du bâtiment, après l'entrée principale gardée par des soldats, personne ne patiente pour donner son sang. L'hôpital Erasme n'en a pas besoin.
Pendant ce temps, la télévision de la salle d'attente diffuse la photo de trois suspects prise à l'aéroport. Avant de regagner son domicile, Marc Van Nuffelen accuse le coup, les traits tirés : "Il ne fallait pas perdre de temps et j'ai eu une grosse décharge d'adrénaline. Je ne suis toujours pas retombé et je ne réalise toujours pas."
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