Réseaux sociaux et politique: les USA ont une longueur d'avance sur l'Europe
Pourquoi les Européens ont-ils tant de mal à se laisser aller à un peu de spontanéité en politique? La réponse la plus logique serait qu'une fonction sérieuse réclame un comportement sérieux. La crise économique qui touche le Vieux continent depuis 2008 a ajouté de la gravité à la fonction des dirigeants, de l'Espagne à la Suède.
Mais la crise a aussi frappé outre-Atlantique. Et si Barack Obama a littéralement changé de visage et pris un certain nombre de cheveux blancs en six ans, il n'en est pas moins resté... américain. Avec plus de 44 millions de followers sur Twitter et 41 millions de likes sur Facebook, son équipe de communication doit faire preuve d'un certain talent pour informer et séduire les «fans» de l'ancien sénateur de l'Illinois.
Communication à l'européenne
En France, l'Elysée a ouvert un site peu de temps après l'élection de François Hollande et tient des comptes Facebook et Twitter. Mais tout le monde ne suit pas le mouvement. Le Premier ministre Manuel Valls n’utilise plus son compte Twitter depuis plus de deux ans et Michel Sapin, le ministre de l'Economie, n'en a pas.
Si le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, et le Premier ministre du Royaume-Uni, David Cameron, ont tous deux des comptes Twitter certifiés, leurs équipes de communication ne se risquent pas à sortir des sujets politiques.
En Allemagne, Angela Merkel n’a pas, non plus, de compte à son nom. En 2012, Europe 1 affirmait qu’elle avait confié la gestion du site de micro-blogging à son porte-parole, Steffen Seibert.
L’équipe chargée de la communication de François Hollande a obtenu la certification du Twitter présidentiel, mais peu de mini-messages ont été postés depuis le 1er janvier 2014. Depuis la coupe du Monde de football au Brésil, le sport est le thème principalement abordé.
— François Hollande (@fhollande) July 4, 2014
Communication démesurée
Avec plus de 12.000 tweets envoyés, le staff de Barack Obama a, depuis longtemps, passé la vitesse supérieure. Ne sont plus relayés sur les réseaux sociaux les seuls événements politiques, mais aussi l’anniversaire du président, celui de sa femme, un dîner à la Maison Blanche avec des Américains, un match de basket entre deux réunions, un jogging avec le vice-président…
— Barack Obama (@BarackObama) May 19, 2014
Le secret des personnalités politiques américaines pour paraître cool serait finalement de parvenir à mixer savamment images de leur rôle politique et preuves d'une vie privée «normale».
— Barack Obama (@BarackObama) June 15, 2014
Multiplier les images
Quelle est la principale différence entre les comptes Facebook de Barack Obama et de François Hollande ? Vous ne trouverez aucune photo de François Hollande en train de jouer au billard ou de chercher des œufs dans le jardin de l’Elysée aux côtés de petits Français. La plupart des messages du président français, qui se voulait «normal» lors de son élection, concernent les invités de l’Elysée et son emploi du temps.
La communication de son homologue américain est plus visuelle. Le «mur» Facebook du président des Etats-Unis regorge de photos et de slogans sur les grandes lignes de la politique en cours.
En janvier 2014, par exemple, l’objectif était d’inciter un maximum de personnes à souscrire à une assurance maladie. Les images sous forme d’infographies et les témoignages de citoyens s'étaient alors multipliées sur les différents comptes du président. En terme de communication: pédagogie, clarté et efficacité semblent bien être les maîtres mots de la manière américaine.
Donner à voir, voilà le but de la manœuvre. Barack Obama l'a bien compris. Un président qui joue avec son chien, câline ses filles et rit de bon cœur une bière à la main a l'air plus humain, plus sincère.
En Europe, certains tentent bien la décontraction, mais elle reste souvent légère. Enda Kenny, le Premier ministre irlandais, et James Cameron, le Premier ministre britannique, semblent tout de même avoir un certain goût pour le «high five» et autres gestes de camaraderie.
Fonction présidentielle
Pour François Durpaire, historien spécialiste des Etats-Unis et auteur de la première biographie en français de Barack Obama, la fonction présidentielle n'a pas le même sens aux Etats-Unis et en Europe. «Il y a (outre-Atlantique) une incarnation de la nation dans son président. C'est un régime totalement présidentiel alors qu'en France, il existe un fond de de démocratie parlementaire», explique-t-il. La séparation, très chère aux Français entre vie publique et privée, n'apparaît pas non plus aux Etats-Unis.
Pour le chercheur, cette distinction est très claire: «Pour les Américains, si le président trompe sa femme, c'est avec le pays tout entier qu'il est malhonnête.» Quantitativement et qualitativement, les Américains seraient aussi bien plus professionnels que les Européens en matière de communication. «L'équipe de Hollande s'arrange avec les petites blagues qu'il fait naturellement (...), alors que pour le dîner annuel de Barack Obama avec la presse, son discours est écrit par des humoristes professionnels», précise François Durpaire.
La différence principale résiderait plutôt dans la façon qu'ont les citoyens d'appréhender les différentes communications présidentielles. Un chef d'Etat américain qui ose se montrer en train de plaisanter ou de faire du sport donne l'image d'un homme qui gère le poids de la responsabilité. A l'inverse, les Européens auraient plutôt tendance à interpréter une telle attitude comme un manque de sérieux et de concentration.
Mais une communication séduisante et innovante met-elle à l'abri de l'impopularité? Pas sûr. Avec 39% d'opinions favorables, Barack Obama avait atteint en 2013 son plus bas niveau de popularité. Remonté lors des trois premiers mois de l'année 2014, celui-ci a à nouveau perdu cinq points en avril pour atteindre les 41%. Avec 78% d'opinions défavorables, François Hollande s'en contenterait sans doute.
Contre-exemple s'il en est un: Angela Merkel. La chancelière communique extrêmement peu sur sa vie privée. Mais avec 72% d'opinions favorables, la femme la plus puissante du monde, selon le magazine Forbes, ne semble pas avoir besoin de dévoiler des photos d'elle trop originales.
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