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Décès d'Helmut Kohl : Jacques Attali garde l'image d'un homme conscient de la "tragédie de l'histoire allemande"

L'ancien conseiller spécial de François Mitterrand, Jacques Attali, se souvient d'un homme "sans cesse en éveil".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Jacques Attali, le 21 avril 2017. (JULIEN DE ROSA / EPA)

Au lendemain de la disparition de l'ancien chancelier allemand Helmut Kohl, à l'âge de 87 ans, l'ancien conseiller spécial de François Mitterrand, Jacques Attali, est revenu samedi 17 juin sur franceinfo sur la carrière de ce pilier de la construction européenne, qu'il a rencontré plus d'une centaine de fois.

L'ancien conseiller spécial de François Mitterrand, chargé de la préparation des rencontres internationales conserve l'image d'un "bon vivant" qui aimait "emmener ses hôtes dans tous les restaurants possibles de l'Allemagne". Un homme "sans cesse en éveil" qui fourmillait d'idées, grand artisan du rapprochement franco-allemand plus que de la réunification de son pays, selon Jacques Attali.

franceinfo : Comment avez-vous réagi à la disparition d'Helmut Kohl?

Jacques Attali : J'ai eu le privilège de le rencontrer pratiquement tous les mois pendant dix ans, avec ou sans François Mitterrand, au moment de cette amitié franco-allemande que nous essayons de construire et de transformer en une construction européenne, et ce fut des moments exceptionnels parce que c'était un homme qui a beaucoup évolué au cours de cette période. Il était d'abord un provincial allemand peu intéressé par les questions internationales, sauf qu'il était obsédé par l'Europe de l'Est, dont il était persuadé dès 1983 ou 1984 qu'elle allait changer. Il ne pensait pas à la réunification d'aucune façon, il était vraiment un grand européen. Ce qui le caractérise le plus, en dehors de sa taille, son appétit pour la nourriture, son caractère bon vivant que tout le monde connaît, c'était sa conscience de la tragédie de l'histoire allemande, et le fait qu'il était le dernier chancelier allemand à avoir un lien avec la seconde guerre mondiale et la Shoah, dont il se sentait profondément responsable, puisqu'il avait des membres de sa famille qui avaient été dans l'armée allemande et des victimes, aussi, de la barbarie nazie. Cela avait créé chez lui une sorte de responsabilité dont il parlait sans cesse.

Une photo a marqué l'histoire de l'amitié franco-allemande, quand François Mitterrand et Helmut Kohl se prennent la main, près de Verdun, en 1984, pour les commémorations des victimes de la Grande guerre. Ce n'était pas prévu pourtant...

Ce n'était pas prévu, non. C'est une initiative de François Mitterrand, qui allait très naturellement vers le chancelier allemand. Pourtant c'était deux hommes très pudiques, qui avaient tout pour ne pas s'entendre, car ils n'étaient pas du tout du même bord politique, qui n'avaient pas du tout la même culture, qui ne parlaient pas de langue commune. Ils se sont retrouvés dans une alchimie commune assez forte qui était liée à leur méfiance commune à l'égard de leur capitale, des technocrates, de tout ce qui incarnait le pouvoir de l'argent. Ils se sont retrouvés très très proches, et très vite, il y avait entre eux le sentiment qu'il leur appartenait définitivement de tourner la page de la seconde guerre mondiale et de construire une Europe de Paix. Ils ont construit ensemble beaucoup de choses: l'euro, c'est eux, Erasmus, c'est eux, Schengen, c'est eux, le début du balbutiement d'une armée européenne, c'est eux. Beaucoup plus que la réunification allemande, dont tout le monde parle, qui est en fait non pas quelque chose qu'on doit à Helmut Kohl, mais à Mikhaïl Gorbatchev [dirigeant de l'URSS de 1985 à 1991]. Sans lui il n'y aurait pas eu de réunification allemande, et Helmut Kohl a eu la chance de se trouver là au bon moment.

On dit qu'Helmut Kohl fourmillait d'idées, est-ce vrai ?

Oui, sans cesse. Il était sans cesse en éveil, très intéressé tout de suite par ce qu'il se passait en Europe de l'Est. Dès 1982 - 1983, en plein milieu de la guerre froide, à un moment où c'était très tendu, il voyait les signes en Roumanie, en Pologne, en Hongrie, de ce qui allait changer. C'était aussi un grand mangeur qui aimait nous emmener dans tous les restaurants possibles de l'Allemagne avant de partir faire ses célèbres cure de jeûne et de désintoxication, qui le ramenaient en situation de se sentir moins coupable quand il mangeait, car il mangeait vraiment beaucoup !

Jacques Attali : "Il était vraiment un grand européen"

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