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Allemagne: les néo-nazis du NPD concurrencés par d’autres groupes anti-migrants

La Cour constitutionnelle allemande a commencé, le 1er mars 2016, à examiner une demande d'interdiction du parti néo-nazi NPD. En prévenant d'emblée qu'une telle procédure était potentiellement problématique au regard des libertés publiques. Dans le même temps, l’extrême droite, en pleine recomposition, a le vent en poupe avec l’arrivée de nombreux immigrés dans le pays.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
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Dans un meeting du parti néo-nazi NPD à Berlin le 26 avril 2014 (AFP - DPA - HANNIBAL HANSCHKE)
«La barque est pleine», explique l’un des vieux slogans du NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschlands, Parti national-démocratique d’Allemagne), qui se présente comme «Die soziale Heimatpartei», expression mal traduite en français par «parti de la patrie sociale». Aujourd’hui, ladite barque serait pleine en raison des 1,1 million de migrants accueillis dans le pays en 2015.

Le NPD, créé en 1964 par d’anciens fonctionnaires du NSDAP (de l’époque hitlérienne), tente d’en profiter. «Dans les manifestations (…) qui se tiennent chaque semaine à Dresde pour dénoncer ‘‘l’islamisation de l’Occident’’, il n’est pas rare de croiser» certains de ses membres, constate Le Figaro. Problème : la Cour constitutionnelle allemande (Bundesverfassungsgericht), qui siège à Karlsruhe, pourrait prononcer son interdiction.

Interdiction hasardeuse ?
Interdire un parti est «une épée à double tranchant qui doit être maniée avec prudence. Elle limite la liberté pour préserver la liberté», a déclaré, le 1er mars, le juge Andreas Vosskuhle, qui préside l'audience. «Chaque procédure d'interdiction de parti représente un défi pour un Etat libre constitutionnel et démocratique», a-t-il ajouté. La Cour ne devrait pas rendre son avis avant plusieurs mois.

La demande avait été déposée en décembre 2013 par la seconde chambre du Parlement, le Bundesrat, où siègent les représentants des Länder (Etats régionaux). Pour le Bundesrat, le NPD doit être prohibé car il «veut déstabiliser et mettre à bas l'ordre libéral-démocratique (...) de manière agressive et combative».

Depuis 1945, seuls deux formations politiques ont été interdites en Allemagne : un héritier du parti NSDAP, le SRP, en 1952, puis le Parti communiste allemand (KPD), quatre ans plus tard. L'idée de bannir le groupe néo-nazi a ressurgi après la découverte, en 2011, de l'organisation criminelle Clandestinité nationale-socialiste (NSU). Ses membres, proches du NPD, sont accusés d'avoir assassiné dix personnes, la plupart d'origine turque, entre 2000 et 2006.

Manifestation de néo-nazis à Hanovre (nord de l'Allemagne) le 15 novembre 2016 (REUTERS - Fabian Bimme)

Une précédente tentative d'interdiction du parti avait échoué en 2003 et tourné au camouflet pour la coalition des sociaux-démocrates et des verts au pouvoir. La Cour avait alors estimé ne pas pouvoir trancher tant que des informateurs des services du renseignement intérieur (Verfassungsschutz) travaillaient au sein de la direction du NPD. Pour les juges, le risque était trop grand que ces «indics» aient pu agir comme agents provocateurs et amener le parti à enfreindre la Constitution.
              
Contradictions
Si elle est effectivement prononcée, l’interdiction pourrait couper les ailes à une organisation mal en point. Celle-ci a été privée de subventions en février 2013. De plus, électoralement, elle ne compte plus d’élus que dans le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale (est). Et n'a réuni que 1,3% des suffrages aux législatives de 2013, alors qu’il faut 5% des voix pour entrer au Bundestag. En 2016, deux scrutins régionaux à l’est s’annoncent déterminants pour le NPD : en mars en Saxe-Anhalt ; en septembre en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.

Dans ce contexte, le parti est pris entre plusieurs contradictions. D’un côté, il doit présenter une «image respectable» («biederes Image», dixit le Spiegel) devant les juges pour échapper à l’interdiction. Image mise à mal par l’implication de ses militants dans des incidents comme ceux devant un foyer de réfugiés à Heidenau (Saxe) en août 2015. Le Bundesrat met notamment de tels faits en avant pour justifier sa demande d’interdiction.

Dans le même temps, le parti doit aussi conforter ses électeurs et attirer les mécontents de la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel. Si le NPD a longtemps fait figure de «pionnier» dans la lutte anti-immigrés, il est désormais concurrencé sur son terrain de prédilection. D’autres ont pris le relais. A commencer par Pegida (pour Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident), dont les militants manifestent chaque lundi soir à Dresde au slogan de «Wir sind das Volk !» («Nous sommes le peuple»), crié par les manifestants en RDA à l’automne 1989.
 
Il y a aussi l’AfD, Alternative für Deutschland (Alternative pour l’Allemagne). Ou d’autres groupuscules comme «Der III. Weg» (mot-à-mot «La IIIe Voie», pouvant rappeler à certains mauvais esprits… l’expression IIIe Reich), fondé en 2013, et dont le premier point du programme (musclé) est la «création d’un socialisme allemand». Ou encore «Die Rechte» (La Droite), autre groupe extrémiste de droite, fondé en 2013, qui entend «sauvegarder l’identité allemande». Mais aussi «remplacer le NPD», comme le rapporte le Spiegel. Dure époque !

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