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Grève générale, déclaration d'indépendance, reprise en main de Madrid ? Ce qui attend la Catalogne après la victoire du "oui" au référendum

Cette confrontation entre Madrid et la Catalogne est considérée en Espagne comme la pire crise politique depuis le coup d'Etat militaire avorté de 1981. Franceinfo vous résume ce qui va se passer dans les prochains jours et les prochaines semaines.

Article rédigé par Raphaël Godet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des militants indépendantistes célèbrent les résultats du référendum interdit en Catalogne, le dimanche 1er octobre 2017, à Barcelone (Espagne). (BURAK AKBULUT / ANADOLU AGENCY)

Jamais Barcelone n'a paru aussi éloignée de Madrid. Et le fossé s'est encore creusé un peu plus, dimanche 1er octobre, après le référendum d'autodétermination en Catalogne : le "oui" l'a emporté à 90%, avec 42% de participation, ont annoncé les autorités locales. Au-delà du résultat, c'est la manière dont s'est déroulé le scrutin – officiellement interdit par l'Etat espagnol – qui interpelle. Selon le gouvernement catalan, près de 900 personnes ont dû être soignées, victimes des charges policières. Que va-t-il se passer à présent ? Franceinfo vous résume les prochaines étapes.

>> Analyses et réactions : suivez notre direct au lendemain du référendum sur l'indépendance en Catalogne

1La rue va continuer à se mobiliser

Après les urnes, la rue. Au lendemain du vote, les partisans de l'indépendance sont appelés à se rassembler sur différentes places de Barcelone, lundi 2 octobre, ainsi que devant "les centres de travail", écrit L'Indépendant. L'objectif est clair : maintenir la pression sur Madrid.

Les bloquages s'annoncent encore bien plus nombreux mardi, avec cette fois un appel à la grève générale lancé par 44 organisations, dont les principaux syndicats catalans.

Nous appelons toute la société, les organisations patronales, les chefs d'entreprise, les syndicats, les travailleurs, les indépendants, les institutions et tous les citoyens de Catalogne à un arrêt du pays.

Les organisateurs de la grève générale du 3 octobre

dans un communiqué

La région devrait donc vivre au ralenti pendant au moins 24 heures, avec un trafic des trains et des transports en commun fortement perturbé. "Les bus et les métros de Barcelone fourniront un service minimum de 50% en heures de pointe et de 25% le reste de la journée", écrit El Periodico (en catalan).  

Et ces premiers blocages post-référendum pourraient bien durer, explique La Vanguardia (en espagnol). "La situation peut encore se détériorer, prévient le journal catalan. Nous entrons dans une phase de grèves et de manifestations de rues, (...) davantage de mouvements, davantage de répression." Si cette grève devait se prolonger, elle pourrait rapidement faire du tort à l'économie espagnole : la Catalogne représente 19% du PIB national.

La Catalogne pourrait déclarer son indépendance 

Avant le référendum, Carles Puigdemont avait prévenu : en cas de victoire du "oui", il déclarerait l'indépendance de la Catalogne. C'est exactement ce que le président de la Généralité de Catalogne a répété, dimanche soir, après l'annonce des résultats : il transmettra au parlement régional les résultats du vote "pour qu'il agisse selon ce que prévoit la loi du référendum", votée le 6 septembre. Cette loi prévoit que le parlement catalan annonce l'indépendance dans les deux jours suivant la proclamation officielle des résultats.

Notre région a gagné le droit d’avoir un Etat indépendant.

Carles Puigdemont, président catalan

après l'annonce des résultats du référendum, dimanche

Une "proclamation d'indépendance unilatérale", appelée également DUI, pourrait donc intervenir dans les prochains jours. Aucune date n'a pour le moment été annoncée. Mais tous les élus catalans ne sont pas d'accord sur la marche à suivre. A commencer par la maire de Barcelone, Ada Colau. Selon elle, une DUI "n'est pas la meilleure manière" de sortir de la crise. Elle appelle donc à la prudence.

La Généralité dispose d'une autre option. Elle peut tout à fait dissoudre le Parlement catalan sans proclamer l'indépendance. Cela donnerait lieu tôt ou tard à de nouvelles élections régionales. Surtout, "les indépendantistes pourraient ainsi espérer rentabiliser les effets de la crise de ces derniers jours et obtenir une plus forte majorité au Parlement régional afin de poursuivre leur lutte pour l'indépendance", explique Rafael Arenas Garcia, professeur de droit à l'université autonome de Barcelone.

3Madrid pourrait suspendre l'autonomie de la Catalogne en réaction

A Madrid, on attend de voir avant de réagir. Mais on préfère prévenir : le gouvernement central fera "tout ce que permet la loi" pour empêcher une déclaration d'indépendance. Comment ? En déclenchant le fameux article 155 de la Constitution espagnole. Il lui permettrait de "prendre la direction d'une communauté autonome en cas de non-respect de la Constitution ou d'atteinte grave à l'intérêt général", explique Le Monde. En clair, l'Etat a la possibilité de suspendre l'autonomie de la Catalogne et donc d'en prendre le contrôle. 

L'Etat de droit reste en vigueur avec toute sa force.

Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol

à la télévision

Le gouvernement central dispose d'une autre possibilité. Il peut tout à fait poursuivre pour "sédition", voire "rébellion" les dirigeants catalans, et notamment le président Carles Puigdemont. Ils encourraient alors de quinze à trente ans de prison et une privation de leurs droits civiques. Madrid osera-t-il en arriver là ? Pas évident. Car l'image de ces indépendantistes encadrés de policiers risquerait de faire le tour du monde. Surtout, elle leur donnerait l'occasion de "passer de la logique de l'indépendance à celle de la défense de la démocratie contre un Etat répressif", estime Gabriel Colomé, professeur de sciences politiques à l'université autonome de Barcelone. 

4L'Europe sommée de réagir

Depuis dimanche et la victoire du "oui" au référendum d'indépendance, les dirigeants européens ne sont pas très bavards. Il faut dire que Bruxelles a toujours fait en sorte de se tenir à distance de ce genre de crises. "La Commission n'a pas à s'exprimer sur les questions d'organisation interne des Etats", expliquait il y a quelques mois le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

L'institution a cependant appelé, lundi, le gouvernement espagnol et les indépendantistes catalans "au dialogue", tout en dénonçant les violences qui ont éclaté pendant le vote. "La violence ne peut jamais être un instrument en politique", a déclaré le porte-parole de l'exécutif européen, Margaritis Schinas, lors d'un point presse à Bruxelles. 

Mais l'Europe va devoir davantage réagir. Les indépendantistes attendent de l'UE qu'elle joue les arbitres avec le gouvernement de Mariano Rajoy. Le président catalan exige même une médiation internationale.

Les Catalans gagnent le droit d’être respectés en Europe (…). L’Europe ne peut plus continuer de regarder ailleurs.

Carles Puygdemont, le président de la Généralité catalane

lors d'une conférence de presse

Lundi, les députés européens ont décidé d'ajouter à leur ordre du jour un débat consacré à la situation en Catalogne. Ce débat d'urgence aura lieu mercredi après-midi à Strasbourg, a annoncé le président du Parlemen européent, Antonio Tajani.

De son côté, lors d'une conversation téléphonique avec le président du gouvernement espagnol, Emmanuel Macron a souligné l'attachement de la France "à l’unité constitutionnelle de l’Espagne et confirmé (...) qu’il n’avait qu’un seul interlocuteur en la personne de M. Rajoy", selon l'Elysée.

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