Crise en Catalogne : "On ne l'avait pas anticipée à ce point"
Au lendemain du discours du président catalan Carles Puigdemont, Alain Lamassoure, député européen, a mis en garde contre "un conflit qui va durer longtemps".
Alain Lamassoure, député européen et vice-président de la délégation française du groupe PPE, a déclaré mercredi 11 octobre sur franceinfo "qu'on n'avait pas anticipé à ce point" la crise en Catalogne. La veille, le président catalan Carles Puigdemont a prononcé un discours devant le parlement où il a promis une indépendance à la Catalogne tout en suspendant son application.
franceinfo : rien n'a été réglé sur le fond ?
Alain Lamassoure : Carles Puigdemont a donné l’impression d’un homme accablé par sa victoire qui ne sait pas très bien ce qu’il veut faire et qui n’est pas à la hauteur des événements qu’il a déclenchés. Il annonce l'indépendance, il dit : 'je suspends sa mise en application pour permettre un dialogue sans lequel rien n'est possible.' C'est exactement comme si un conjoint annonçait son intention de divorcer en disant : nous allons divorcer mais je préfère un divorce à l'amiable et je préfère qu'on dialogue sur les modalités du divorce. Il n'y a rien à négocier en réalité.
L'Union européenne ne devrait-elle pas passer à l'action ? Les Catalans ont demandé une médiation.
Il est totalement hors de question que l'Union européenne prenne objectivement le parti des Catalans contre Madrid. Je reprends la comparaison d'un couple qui veut divorcer. Lorsque vous avez des amis, des proches, des cousins qui s'envoient de la vaisselle à la figure, vous les appelez au calme mais vous ne prenez pas le parti de l'un contre l'autre. À ce moment-là, vous êtes démonétisés pour jouer un rôle de médiation. Nous, l'Union européenne, nous avons joué un rôle de médiation lorsque l'on nous l'a demandé et de manière efficace dans la crise irlandaise (...). Monsieur Puigdemont annonce qu'il veut se donner du temps pour une négociation mais il ne dit pas que tout est négociable. Quoiqu'il arrive, quelles que soient les modalités d'une médiation, à la fin des fins c'est le divorce et ça évidemment l'Espagne ne peut pas l'accepter, Madrid ne peut pas l'accepter.
Cette crise catalane peut-elle fragiliser toute l'Union européenne ?
Je ne le pense pas. L’Europe est aussi peu concernée que si la France avait des problèmes avec la Corse où une autre de ses régions. Il n’y a pas dans l’Union européenne de compétences sur l’organisation territoriale de ses États membres. Le rôle de l’Union européenne est de continuer, ce que nous ne cessons de faire depuis 15 jours, à appeler les deux parties à renoncer à la violence, à dialoguer, à trouver une solution démocratique. C’est aussi d’expliquer calmement aux Catalans que, s’ils vont au bout du processus, c’est une folie. (…) Et que, par exemple, l'économie catalane qui profite aujourd'hui d'un marché de 500 millions d'habitants serait rétrécie à un marché de 6 millions d'habitants. C'est la raison pour laquelle les plus grandes entreprises, les grandes banques basées à Barcelone sont en train de quitter la région.
Cette crise catalane avait-elle été anticipée à Bruxelles ?
Non, non, on ne l'avait pas anticipée à ce point. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement espagnol. Et ce sera difficile compte tenu de cette position faussement ouverte à la négociation de la part des Catalans. Je pense qu'il faut s'attendre à un conflit qui va durer longtemps, le gouvernement espagnol ayant le choix entre l'affrontement ou le pourrissement. On verra aujourd'hui puisqu'il y a un Conseil des ministres extraordinaire. Jusqu'à présent Mariano Rajoy n’a pas fait preuve d’une extrême habilité puisqu'il a manié une main de fer dans un gant de fer et je pense qu'il faudrait qu'il passe maintenant à un stade où il manie une main de fer dans un gant de velours.
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