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Fin de l’éruption du volcan de La Palma : "On sera tranquille en moyenne pour un demi-siècle", prévoit un volcanologue

Alors que l'éruption du volcan Cumbre Vieja sur l'île de La Palma (Canaries, Espagne) a été officiellement déclarée terminée samedi, un volcanologue a expliqué sur franceinfo que "les probabilités [d'une nouvelle éruption] sont faibles".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le volcan Cumbre Vieja en pleine éruption à La Palma, aux Canaries (Espagne), le 28 novembre 2021. (LUISMI ORTIZ / UME)

Le volcan Cumbre Vieja, sur l’île espagnole de La Palma (Canaries), s’est calmé après trois mois d'activité intense. L’éruption est officiellement terminée depuis samedi 25 décembre 2021. Même si le volcan "reste actif", il va "se reposer un certain temps", probablement "un demi-siècle", prévoit Jacques-Marie Bardintzeff. Sur franceinfo, ce volcanologue et professeur à l’université Paris-Saclay a expliqué que la langue de terre qui s’est formée après les coulées de lave devrait être habitée par des végétaux et des animaux "dès l’an prochain". Il s’agit selon lui d’un cas d’école "intéressant", qui a pu être bien étudié grâce aux technologies modernes.

franceinfo :Comment peut-on expliquer une telle durée d’éruption ?

Jacques-Marie Bardintzeff : C'est ce qu'on appelle la productivité de magma en profondeur. Sous le volcan, il y a des poches de magma qui se forment et qui s’expulsent régulièrement. À La Palma, il y a une éruption en moyenne tous les siècles, parfois deux fois par siècle, parfois zéro. On va donc dire que tous les demi-siècles, le volcan de La Palma a une réserve de magma suffisante pour créer une éruption. Là, il y a encore du magma sous l’île mais une partie a été évacuée. En général, on considère qu’une éruption vidange 10% du magma excédentaire. Il en reste encore beaucoup. Ce volcan reste donc bien sûr actif. Mais il va peut-être se reposer un certain temps pour le plus grand bien des habitants.

Il existe des répliques sismiques. Est-ce que, de la même manière, il existe des répliques volcaniques ?

C'est vrai que le volcan a encore quelques soubresauts. On peut comparer cela à un dormeur humain qui se réveille dans la nuit puis qui se rendort. Il y avait quand même pas mal d'éruptions, en moyenne 100 séismes par jour. Le record, c'était 376 séismes en une seule journée. On est retombé à moins de 20. Jeudi, il y a eu 11 séismes et samedi, neuf. C'est donc plutôt bon signe. Mais ce n'est pas zéro et le risque zéro n'existe pas. Dans ce cas-là, il faut prendre une décision. Mes collègues espagnols ont donc décidé - et ils ont raison - que l'éruption était terminée. Si ça recommence, ce sera donc une nouvelle éruption. Les probabilités sont faibles mais elles ne sont pas nulles. Plus le volcan va s'endormir pendant un certain temps, plus on sera tranquille, en moyenne pour un demi-siècle, de façon statistique, bien sûr.

En 85 jours, la géographie de l'île a changé avec cette lave qui s'est écoulée dans l'océan et qui s'est solidifiée. Cela a créé une langue de terre émergée supplémentaire d’environ 43 hectares. Cette langue de terre nouvelle est-elle un lieu d'étude intéressant pour un volcanologue ?

Bien sûr. Cela va intéresser tous les géologues, les biologistes... Comment une terre qui part de zéro va être colonisée par des insectes, des pollens, des oiseaux et des mammifères ? C'est le bon côté du volcanisme. Cette île de La Palma a été créée grâce au volcan. S'il n'y a pas de volcans, il n'y a pas d'îles. On se rend donc compte que le volcan n'est ni gentil ni méchant. Il a des colères qui sont bien sûr bien dramatiques pour les gens qui habitent l'île. Inversement, le reste du temps, il donne une ville qui est agréable à vivre et qui est également à visiter pour les touristes.

Combien de temps faut-il avant que la végétation ne pousse sur cette nouvelle langue de terre formée ?

Ces terrains volcaniques sont très fertiles, mais tout dépend du climat. À La Palma, il fait chaud et humide, donc ça va aller très vite. Dès l'an prochain, il y aura des végétaux. Sur l'île de La Réunion - qu’on connaît bien - il y a des vanillées qui poussent, des orchidées et des fougères. Et puis, dès qu’il y a des végétaux, il y a des animaux. Il y aura des campagnols, des musaraignes, des rongeurs, des insectes, des oiseaux, des mammifères, des reptiles, des lézards... Et La Palma va retrouver sa beauté naturelle qu'elle a perdue sur un secteur. C'est ambivalent parce que c'est vrai qu'on détruit quand même pas mal de choses, dont des niches écologiques, mais elles recommencent assez vite. C'est donnant-donnant. On va dire que le volcan fait partie de l'écosystème. On fait avec. Et aux Canaries, toutes les îles sont des îles volcaniques.

Que cette éruption comportait-elle d'intéressant ?

C'est un cas d'école intéressant qui a fait des dégâts matériels et qui a pu être très bien étudié donc c'était intéressant au niveau scientifique. La dernière éruption remontait à 1971. Les techniques ont tellement évolué qu'on a pu longuement suivre cette éruption de façon parfaite, avec des drones, des images satellites, des enregistrements, des échantillons et des captages de gaz. Lors de la dernière éruption, on avait des photos qui n’étaient pas très nettes, qui étaient floues. On a des techniques tellement nouvelles que l'on a pu vraiment avoir une éruption qui a été suivie du début jusqu'à la fin, pendant trois mois, de la façon la plus précise possible, avec les moyens les plus modernes possibles.

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