Espagne : "Pedro Sanchez a montré un sens politique extrêmement affirmé"
Le leader socialiste espagnol Pedro Sanchez a remplacé vendredi Mariano Rajoy, chef du gouvernement depuis 2011, renversé par l'adoption de la motion de censure du Parti socialiste.
Après l'adoption de la motion de censure du gouvernement espagnol déposée vendredi 1er juin par le Parti socialiste, son leader Pedro Sanchez a remplacé Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol depuis 2011.
"Pedro Sanchez a montré qu'il avait un sens politique extrêmement affirmé dans son parcours jusqu'à aujourd'hui", a estimé sur franceinfo Hubert Pérès, professeur de sciences politiques à l'Université de Montpellier. Le nouveau président du gouvernement devra gérer "la lutte entre le Parti socialiste qui veut gouverner seul et Podemos qui veut une coalition", ainsi que "la question de la crise catalane".
franceinfo : L'Espagne vient-elle de rentrer dans une période d'instabilité politique ?
Hubert Pérès : C'est possible, mais incertain. Il y a beaucoup de handicaps à ce nouveau gouvernement dont on ne sait pas encore ce qu'il sera. On sait que Pedro Sanchez sera le chef du gouvernement mais Podemos, le parti de la gauche radicale, aimerait également y rentrer. Il y aura dans les prochains jours une lutte, une tension entre le Parti socialiste qui veut gouverner seul et Podemos qui veut une coalition avec le PS. Il y a beaucoup de sujets qui provoqueront énormément de difficultés pour avancer. Néanmoins il y a déjà une garantie extrêmement curieuse, qui est que Pedro Sanchez, pour obtenir les voix du Parti nationaliste basque (PNV) a promis qu'il gouvernerait avec le budget voté la semaine dernière. Il n'y aura donc pas la question budgétaire qui est toujours la question brûlante. En revanche, il se posera le problème de la gestion de la crise catalane car cette motion de censure n'aurait jamais abouti sans l'accord des partis indépendantistes catalans.
Il pourrait alors y avoir un impact sur le feuilleton catalan ?
Oui, mais il est très difficile de prévoir lequel. Tout d'abord, le Parti populaire n'est pas totalement exclu du jeu politique, il conserve même la majorité absolue au Sénat. Cela signifie que toute révision de la Constitution, telle que réclamée par Podemos ou certains partis proches des nationalistes, requiert l'approbation du Sénat et pourrait donc ne pas aboutir. Par contre, il est évident que les partis nationalistes vont essayer d'obtenir un certain nombre d'avantages qui provoqueront des secousses au sein même du Parti socialiste. En effet, le PS est extrêmement divisé entre des partisans plutôt accommodants, dont fait sans doute partie Sanchez et dont le but politique à long terme serait d'aller vers une forme de fédération de l'État espagnol, et d'autres qui seraient au contraire très proches des positions du Parti populaire, qui milite pour une Espagne unitaire et très hostiles aux nationalistes catalans.
Le parcours de Pedro Sanchez, c'est un peu le triomphe de l'obstination ?
C'est le triomphe de quelqu'un qui a su rebondir en politique. Il a d'abord émergé de presque nulle part en devenant Premier secrétaire en 2014, alors que personne ne le connaissait. Il représentait une toute nouvelle génération. Il a ensuite subi deux défaites électorales, en 2015 et en 2016, à la suite desquelles il a démissionné. Il a su rebondir, il est revenu et s'est fait réélire l'an dernier par un référendum interne, à la tête du Parti socialiste. Alors même que son parti est très bas dans les sondages, il se retrouve aujourd'hui président du gouvernement, ce qui était absolument imprévisible. Il est très difficile de dire s'il a les épaules pour le faire, mais il a montré qu'il avait un sens politique extrêmement affirmé. Ce n'est pas la première fois que quelqu'un que personne ne connaissait arrive au pouvoir : c'était le cas de Luis Zapatero, qui a été un très bon dirigeant avant de sombrer avec la crise économique.
En mettant de côté la question de la crise catalane, Pedro Sanchez peut gouverner a minima en faisant en quelque sorte ce que le Parti populaire, qui n'avait pas non plus la majorité, a fait depuis l'an dernier en ne prenant que très peu d'initiatives. Les turbulences, dans un premier temps au moins, pourraient être assez minimes.
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