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"C'est plus que de simples mots" : après les attentats, les Barcelonais se pressent autour des registres de condoléances

Plus de 2 000 personnes se sont déjà rendues à la mairie pour exprimer leur solidarité à l’égard des victimes de l'attentat. Les registres sont ouverts au public jusqu'à dimanche soir.

Article rédigé par Raphaël Godet - Envoyé spécial à Barcelone (Espagne)
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Habitants et visiteurs signent les registres de condoléances en hommage aux victimes des attentats en Catalogne, dans la mairie de Barcelone (Espagne), le 19 août 2017. (SENHAN BOLELLI / ANADOLU AGENCY / AFP)

A l’entrée, le policier en képi n’a même pas besoin de faire respecter le silence. Les gens se taisent tous seuls, dès lors qu’ils franchissent le porche de la mairie de Barcelone. Il faut ensuite monter les escaliers jusqu’à la salle où ont été déposés les registres de condoléances pour rendre hommage aux victimes de l'attentat de jeudi. Là aussi, pas un bruit. Quelques chuchotements tout au plus. Si bien qu'un homme semble presque gêné de devoir se baisser pour refaire ses lacets.

>> Attentats en Catalogne : suivez les cérémonies d'hommage aux victimes dans notre direct

Surtout, pour une fois, personne ne s'agace de devoir faire la queue. Au fur et à mesure de la journée, le délai d'attente est pourtant allé crescendo, samedi 19 août. "On a eu une demi-heure, puis quarante-cinq minutes, et enfin presqu’une heure", calcule une employée de la mairie qui n'avait "jamais vu autant de monde". 

"Moi, je suis né dans une dictature"

Azun patiente. Elle est venue à pied depuis son appartement à proximité de La Rambla : "Bon, je n’ai rien écrit d’original, raconte la vieille dame à franceinfo. J’ai juste écrit ce que j’avais sur le cœur, un mélange d'écœurement, de colère et de tristesse." Puis c’est au tour d’Angela d’avancer vers l’estrade. Avant de se saisir du stylo, elle prend quelques secondes pour réfléchir. A la sortie, les yeux rougis par l’émotion, l’étudiante en économie explique ne pas avoir fait long. Ce drame, dit-elle, c’est comme si "tout le monde avait perdu quelqu’un", raconte la jeune femme originaire de Cambrils, là où la seconde attaque a eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi.

Michael est venu accompagné de ses nièces. Dans la conversation, ce Catalan insiste à plusieurs reprises sur la notion de "peur", "miedo" en espagnol. "Il ne faut pas avoir peur, dit-il. Moi, je suis né dans une dictature, je suis né dans une Espagne sous le Franquisme, où tout le monde était très méfiant, explique-t-il. C’est pour ça que j’ai envie de ne pas éprouver cette méfiance. J’ai vécu dans un régime qui s'appuyait sur la méfiance. Je sais que ça ne donne rien."

On ne doit pas sentir de la haine, c’est ce que les terroristes veulent de nous. C’est important de ne pas avoir de la méfiance. On est une société très diverse à Barcelone. On vit avec des bouddhistes, des musulmans, des chrétiens... Moi-même je suis athée.

Michael

à franceinfo

Dans la file d'attente, beaucoup sont originaires de Barcelone ou de sa région. Jordi, chargé de faire avancer les gens au compte-goutte dans la salle des registres, dit avoir aussi entendu parler "anglais, français et polonais". Il y a également quelques Italiens, à l'image de Massimo, originaire de Rome : "Je ne connaissais pas les victimes, je n’étais pas sur la Rambla jeudi, j'aurais très bien pu rester à l'hôtel. Mais venir ici, c’est ma manière de soutenir la ville et le pays. Ces registres, c’est beaucoup plus que de simples mots."

Des anonymes viennent écrire quelques mots dans les registres de condoléances à la mairie de Barcelone (Espagne), le 19 août 2017. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

"Nous n'avons pas peur", écrit le roi d'Espagne

Sur les pages noircies par l'encre, on peut reconnaître l'écriture de la maire de Barcelone. Ada Colau raconte à franceinfo avoir utilisé "des mots très simples ".

J’ai écrit que la ville a reçu un coup très dur, qu’on ressent une profonde douleur, mais qu’il faut qu’on soit forts (…). Mes pensées sont pour les victimes et leurs proches. Je veux qu’ils sachent que Barcelone sera toujours leur maison.

Ada Colau, maire de Barcelone

à franceinfo

En fin de journée, la file d’attente s’est de nouveau interrompue pour laisser entrer le roi Felipe d’Espagne accompagné de son épouse, la reine Letizia. "Le terrorisme nous menace tous et il ne connaît pas de frontières, mais nous n'avons pas peur", a-t-il écrit tout en condamnant des "attaques criminelles".

Suivi par une nuée de caméras, le couple royal est resté sur place une dizaine de minutes, avant de s'engouffrer dans un escalier privé. Celui réservé au public, lui, était toujours bondé. Initialement, la clotûre des registres devait avoir lieu dimanche soir à 20 heures, mais face à l'affluence, la mairie a décidé de les laisser à la disposition des habitants jusqu'à la fin de la semaine prochaine.

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