: Enquête France 2 De fausses entreprises vous débarrassent de vos déchets... pour les jeter dans des décharges sauvages
Sur les sites de petites annonces, certains proposent d'évacuer vos gravats à des prix défiant toute concurrence. Sauf que ces rabais s'expliquent par des méthodes peu scrupuleuses, notamment en matière de gestion de déchets dangereux, comme l'amiante.
A 30 km de Paris se trouve une immense décharge sauvage, que vous avez été plusieurs à nous signaler via notre opération #AlertePollution. A Carrières-sous-Poissy (Yvelines), pendant des mois, des camionnettes se sont succédé pour décharger des déchets en toute illégalité et sans rien débourser pour leur traitement. "Il y a une volonté de faire du profit au détriment de la protection de l'environnement", dénonce Christophe Delrieu, le maire (DVD) de la commune.
Certains se sont engouffrés dans ce trafic lucratif. Sur le site leader des petites annonces en France, en entrant le mot-clé "déchets", 18 000 offres apparaissent, dont près d'un quart issues de particuliers. La plupart proposent d'évacuer vos gravats à des prix défiant toute concurrence. "Pour 10m3, il faut compter dans les 400 euros madame, explique l'un d'entre eux à France 2. S'il faut des factures, je fais des factures. Sinon, on peut s'arranger."
Sans surprise, ces rabais s'expliquent par des méthodes peu scrupuleuses, notamment en matière de gestion de déchets dangereux, comme l'amiante. "Je vais vous dire la vérite, il y en a beaucoup qui ferment les yeux, poursuit notre interlocuteur. J'arrive en décharge, je connais un gars, il me laisse passer ça."
Une activité normalement très encadrée
Pourtant, les règles sont très strictes, comme l'explique Servipac Salazie, une entreprise installée au nord de Paris, spécialisée dans le courtage des déchets. En clair, c'est un intermédiaire entre ceux qui produisent des déchets et ceux qui les traitent. Une activité très encadrée qui nécessite d'abord des agréments.
Pour les déchets dangereux pour l'amiante, il faut même établir un bordereau de suivi. "Pour chacune des collectes, vous avez la traçabilité, vous savez d'où provient le déchet qui l'a collecté, où il a été entreposé pour être trié et où il va être détruit", explique le directeur général Arthur Di Montagliari. En cas d'infraction, les sanctions vont jusqu'à deux ans de prison et 75 000 euros d'amende.
"Nous n'intervenons pas", se défend Le Bon Coin
Mais pour éviter toutes ces formalités, certains annonceurs vont même jusqu'à usurper les numéros de Siren, les codes d'identification des entreprises, comme l'a découvert le journaliste Olivier Guichardaz après des semaines d'enquête pour son site Déchets infos. Mis en cause, le site d'annonces Le Bon Coin a décliné notre demande d'interview, mais s'explique par écrit : "Conformément à la loi : nous sommes hébergeurs. À ce titre, nous n'intervenons pas dans les transactions réalisées entre nos utilisateurs et n'avons pas l'obligation de contrôler les numéros Siren".
Pas de contrôle, mais la porte ouverte aux dépôts sauvages. En France, 314 000 tonnes de détritus, soit l'équivalent de 31 tours Eiffel, finissent au bord des routes, des cours d'eau et des espaces naturels, selon l'association Gestes propres. A Carrières-sous-Poissy, il faudra des mois pour dépolluer et nettoyer le site. Montant de la facture : au moins 3 millions d'euros.
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