Plan Ecophyto 2030 : "Ça revient à casser le thermomètre pour guérir la fièvre et ça ne marche pas", estime le médecin Pierre Sujobert

Le plan Ecophyto 2030, destiné à réduire l'usage des pesticides en France, a été présenté lundi par le gouvernement.
Article rédigé par franceinfo
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Un agriculteur pulvérise des produits chimiques pour traiter ses champs de blé. Photo d'illustration. (REMY GABALDA / AFP)

"Ça revient à casser le thermomètre pour guérir la fièvre et ça ne marche pas", estime mardi 7 mai sur franceinfo Pierre Sujobert, professeur d'hématologie à l'Université Claude Bernard Lyon 1 et aux Hospices civils de Lyon. Le médecin est à l'origine, avec le chercheur du CNRS Marc Billaud, de la tribune dans le journal Le Monde pour alerter sur le nouveau plan Ecophyto annoncé par le gouvernement.

En tout, 400 chercheurs et 200 soignants signent ce texte. Lundi, le plan Ecophyto 2030, destiné à réduire l'usage des pesticides en France, a été présenté par le gouvernement, avec pour principale mesure la mise en place d'un nouvel indicateur, réclamé par les agriculteurs mais décrié par les associations de défense de l'environnement.

franceinfo : Que reprochez-vous au plan présenté lundi par le gouvernement ?

Pierre Sujobert : Sous l'affichage d'une volonté de produire un nouveau plan Ecophyto, ce que le gouvernement propose c'est de changer d'indicateur de mesure des pesticides. Ça revient à casser le thermomètre pour guérir la fièvre et ça ne marche pas. Par exemple, si on remplace 10 kg de DDT (un insecticide), par 1 kg d'imidaclopride (un autre insecticide), le nouvel indicateur que propose le gouvernement montrera une baisse de 90% de la quantité de pesticide. Or, l'effet sur les pollinisateurs comme les abeilles sera aggravé de l'ordre de 800 fois parce que le nouveau produit - même s'il est moins lourd - est beaucoup plus toxique.

"Les membres du conseil scientifique d'Ecophyto ont produit des articles éloquents qui montrent qu'en changeant d'indicateur on va faussement croire qu'on a réduit l'imprégnation par les pesticides alors que cette imprégnation restera majeure."

Pierre Sujobert, professeur d'hématologie à l'Université Claude Bernard Lyon 1

à franceinfo

Que pensez-vous de l'indemnisation des victimes contenue dans le plan ?

On est bien sûr les premiers à encourager l'indemnisation des victimes des pesticides mais c'est aussi un aveu de l'insuffisance du plan Ecophyto. Nous ce qu'on veut c'est qu'il n'y ait plus de victime du tout et non se contenter d'aller réparer les dégâts. Il y a une association, un lien épidémiologique, tout à fait démontré, entre l'usage des pesticides et certains cancers notamment pédiatriques mais aussi de l'adulte.

Il y a des pesticides dangereux qui ont pu être retirés du marché grâce à ces études scientifiques et on s'en félicite mais il faut absolument qu'on continue dans cette direction parce que sinon, nous dans les hôpitaux, on va continuer à voir des patients arriver avec des cancers qui auraient pu être évités.

Ce que vous dites, c'est qu'on a les connaissances mais que les dirigeants n'écoutent pas assez ?

On a du mal à comprendre l'engagement fort d'Emmanuel Macron au début de son quinquennat et les décisions prises sur le plan Ecophyto. La question des pesticides dépasse l'agriculture. Elle doit engager les scientifiques et les épidémiologistes. Il faut aussi écouter la voix des agriculteurs qui développent une agriculture sans pesticides, écouter la voix des projets collaboratifs comme celui que vient de lancer le CNRS pour une agriculture sans pesticides.

Il en va de notre santé, de celle de nos enfants et de l'habitabilité de notre planète. Les effets toxiques des pesticides ne se limitent pas à la survenue de cancers chez les humains, il y a aussi la menace de la biodiversité. On ne peut que regretter que des décisions politiques aussi lourdes aient pu être prises sans concertation large de tous les acteurs.

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