Le glyphosate sans lien avec le cancer ? Ce qu'il faut savoir sur la nouvelle étude qui relance le débat
Celle-ci a été menée auprès de plus de 50 000 agriculteurs américains travaillant en Caroline du Nord et dans l'Iowa.
L'Union européenne n'a toujours pas tranché. A quelques jours du réexamen du renouvellement de la licence du glyphosate, prévu lundi 27 novembre, une nouvelle étude vient troubler le débat sur la nocivité de l'herbicide star de Monsanto. Publiée le 9 novembre dans le sérieux Journal of the National Cancer Institute (en anglais), celle-ci conclut à une absence de lien entre une exposition au glyphosate et le risque de développer un cancer chez les agriculteurs qui l'utilisent. Comment a-t-elle été menée ? Par qui ? Que faut-il en conclure ? Franceinfo se penche sur cette étude en quatre questions.
Qui sont les auteurs de cette étude ?
Comme le signale Le Figaro, l'indépendance de cette étude ne peut être sujette à caution : ses "12 auteurs sont tous des universitaires ou des chercheurs d'organismes américains publics qui n'ont aucun conflit d'intérêts à déclarer", écrit le quotidien. Les directeurs de l'étude sont Gabriella Andreotti et Laura Beane Freeman. Cette dernière, épidémiologiste à l'Institut américain du cancer, est notamment connue pour ses travaux depuis 2004 sur le rôle des pesticides dans la survenue de cancers chez les agriculteurs.
Comment a-t-elle été menée ?
Cette "Agricultural Health Study" s’appuie sur l’une des plus grandes cohortes de travailleurs agricoles suivies dans le monde, rappelle Le Monde. Pendant une vingtaine d'années, les chercheurs ont suivi plus de 50 000 agriculteurs recrutés au début des années 1990 dans l'Iowa et en Caroline du Nord.
A partir de questionnaires remplis par les cobayes sur leur utilisation du glyphosate, leurs habitudes de vie (tabac, alcool, alimentation...) et leurs antécédents familiaux en matière de cancer, les scientifiques ont classé les agriculteurs en cinq groupes : un "groupe contrôle" de 9 300 agriculteurs n'utilisant pas de glyphosate et quatre autres groupes, répartis en fonction de la fréquence d'exposition au produit, de la plus faible à la plus importante.
Objectif : comparer le nombre de cancers survenus dans les groupes exposés au glyphosate par rapport au groupe qui n'en a pas utilisé.
Quelles sont ses conclusions ?
Une première étude a été publiée en 2005, après quelques années de suivi. Les premiers résultats de cette "Agricultural Health Study" ne mettent pas en évidence de lien entre le glyphosate et les lymphomes non hodgkiniens, un type de cancer particulièrement favorisé, selon d'autres études épidémiologiques, par l'exposition à cet herbicide.
Le 9 novembre 2017, l'étude est diffusée dans une version actualisée, avec une période de suivi plus longue, incluant plus de cas. Les résultats sont identiques. Au total, 7 290 agriculteurs ont appris qu'ils avaient un cancer sur cette période. Mais leur nombre est sensiblement le même au sein de tous les groupes, qu'ils aient été exposés fortement ou pas du tout au glyphosate.
Les nouveaux résultats mettent toutefois en évidence une association intéressante entre l'exposition au glyphosate et la leucémie myéloïde aiguë, un type différent de cancer du sang. Comme le signale Le Monde, le risque de contracter la maladie est plus que doublé chez les utilisateurs les plus exposés rapport aux personnes non exposées. Mais cette association n’est statistiquement significative que pour les utilisateurs employant le produit depuis au moins vingt ans, précise le journal.
Cette étude change-t-elle la donne ?
Pas pour le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), qui a classé le glyphosate comme "probablement cancérogène" en 2015. Sollicité par franceinfo, il fait savoir que l'étude de 2005 avait déjà été prise en compte dans les travaux de classification. Et elle ne contrebalançait pas les autres études épidémiologues menées dans le reste du monde. Ces données combinées "montrent une association statistiquement significative entre le lymphome non hodgkinien et l'exposition au glyphosate", rappelle le CIRC.
Par ailleurs, l'"Agricultural Health Study" comporte un "biais méthodologique", affirme à franceinfo François Veillerette, porte-parole de l'association Générations futures, très impliquée dans le combat contre le glyphosate. Certes, il s'agit d'une "vaste étude de bonne qualité", comme le relève le CIRC, menée de façon prospective (suivi d'une cohorte au long cours), une méthode réputée plus fiable que les études cas témoins (des études statistiques menées a posteriori). Mais la composition des groupes d'agriculteurs repose sur du déclaratif et non sur des analyses urinaires, capillaires ou sanguines.
"L'exposition au glyphosate aux Etats-Unis est très répandue, que l'on utilise ou non cet herbicide", explique François Veillerette. "Deux études publiées en 2004 et en 2007 ont démontré que les agriculteurs qui ne pulvérisaient pas de glyphosate avaient les mêmes concentrations urinaires que les agriculteurs qui en pulvérisaient dans l’Iowa, là ou l’étude est menée", souligne-t-il. Une donnée qui biaiserait la comparaison entre le "groupe contrôle" et les autres.
En outre, une autre grande étude épidémiologique américaine – le North American Pooled Project (NAPP) – est en cours de finalisation. Selon Le Monde, elle conclut à un doublement du risque de lymphome non hodgkinien pour les personnes ayant manipulé du glyphosate plus de deux jours par an. Le débat scientifique et politique n'est donc pas terminé.
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