Indemnisation des plaignants américains du Roundup : c'est "une bonne nouvelle" pour Bayer qui savait qu'il avait une "probabilité forte de perdre ses procès à venir"
"D'ailleurs les investisseurs reviennent", souligne Stéphane Foucart, un journaliste auteur d'une enquête sur Monsanto, même si cet accord ne solde que "trois quarts des plus de 120 000 plaintes qui sont en cours", rien qu'aux États-Unis.
L'accord trouvé pour indemniser les plaignants américains ayant souffert d'un cancer qu'ils imputent à leur exposition au Roundup, un herbicide à base de glyphosate, "est une bonne nouvelle pour Bayer qui cherchait un accord de cette nature depuis plusieurs mois", a estimé jeudi 25 juin sur franceinfo Stéphane Foucart, journaliste au Monde. Il avait co-publié, avec Stéphane Horel, une série d’articles sur "les Monsanto Papers". Mais c'est aussi "l'aveu que Bayer ne gagnera pas", le groupe "pense avoir une probabilité forte de perdre ses procès à venir", selon lui.
Le géant de la chimie, qui a racheté Monsanto qui produit le Roundup en 2018, va signer un chèque de près de 10 milliards pour éviter des condamnations. "Pour les actionnaires, c'est une manière de sécuriser la suite" même s'il "reste encore quelques dizaines de milliers" de plaintes.
franceinfo : Cet accord est une victoire pour les plaignants ou pour Bayer ?
Stéphane Foucart : C’est une bonne nouvelle pour Bayer qui cherchait un accord de cette nature depuis plusieurs mois. D’ailleurs on le voit, les investisseurs reviennent. Le cours de bourse augmente ces derniers temps. Une bonne nouvelle, mais aussi, quelque part, une mauvaise nouvelle dans la mesure où, d'une certaine manière, c’est l'aveu que Bayer ne gagnera pas. En tout cas, Bayer pense avoir une probabilité forte de perdre ses procès à venir. D'ailleurs Bayer a déjà perdu trois procès en première instance. L'appel a été interjeté. Mais il n'en reste pas moins que c'est l'aveu de la difficulté de l'entreprise à défendre ce produit devant la justice. Le groupe précise que ces accords ne contiennent aucune reconnaissance de responsabilité ou de fautes. Aujourd'hui, le principal problème de Bayer, ce sont les "Monsanto Papers". C'est une série de documents, des centaines, des milliers de correspondances internes de Monsanto, l’entreprise qui a été rachetée en 2018 par Bayer et qui est l'inventeur, en quelque sorte, du glyphosate. Ces messages internes montrent que les cadres et les toxicologues de Monsanto ont eux-mêmes depuis plus de deux décennies de forts doutes sur la sécurité d'emploi des pesticides à base de glyphosate.
C'est très compliqué de défendre en justice son produit quand vous avez vous-même exprimé des doutes dans vos correspondances internes.
Stéphane Foucart, journalisteà franceinfo
Pour les actionnaires, c’était le prix à payer ?
Pour les actionnaires, c'est une manière de sécuriser la suite, même si cette affaire ne solde que les trois quarts de plus de 120 000 plaintes qui sont en cours aux États-Unis. Il en reste encore quelques dizaines de milliers. Cette affaire n'est évidemment pas finie. Le principal problème qui se profile à l'horizon pour Bayer, ce n'est plus vraiment aux États-Unis. Il est plutôt en Europe, puisque le glyphosate va subir une nouvelle réévaluation par les autorités sanitaires pour 2022. En 2022, il va se reposer la question de son autorisation en Europe. Ça va être un moment très important pour l'entreprise.
Sur franceinfo, l'avocate et ancienne ministre Corinne Lepage a assuré que cet accord ouvre une boîte de Pandore parce qu'il y a des victimes dans le monde entier. Êtes-vous de son avis ?
Les systèmes juridiques américains, européens et français sont trop différents pour que Bayer endure un risque identique en Europe. Les class-action sanitaires et environnementales ne sont pas du tout aussi simples à mener en Europe qu'aux États-Unis. Les montants d'indemnisation accordés par la justice européenne ne sont pas du tout au niveau de ce qui est généralement accordé aux États-Unis pour ce genre d'affaires. Il faut rappeler que, dans la première affaire, la condamnation était de 189 millions de dollars en première instance. La deuxième affaire, ça a été deux milliards de dollars accordés à un couple d'Américains malades et attribuant son cancer au Round-up. Ce sont des sommes qui sont absolument astronomiques On n’est pas du tout à ce niveau d'indemnisation en France ou en Europe. Mais Corinne Lepage a raison, effectivement, il y a des malades qui attribuent leur maladie au glyphosate. Il y en a énormément et énormément partout dans le monde.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.