Nicolas Sarkozy a annoncé que la taxe carbone intérieure était subordonnée à une taxe aux frontières de l'Europe
Cette annonce fait suite à la déclaration du Premier ministre, François Fillon, qui a annoncé mardi, l'abandon de la taxe carbone laissant entendre que Paris n'avancerait pas sans une position commune avec les autres pays de l'UE.
Depuis, les déclarations se multiplient entre ceux qui dénoncent "l'abandon" d'une promesse du chef de l'Etat et ceux qui se félicitent au contraire, Medef en tête, de cette volte-face.
Les critiques se sont fait entendre au sein même du gouvernement d'autant que la taxe carbone était une mesure emblématique dont Nicolas Sarkozy avait comparé l'importance, à l'abolition de la peine de mort.
Les détracteurs de l'abandon de la taxe carbone présenté comme un report, estiment que le critère européen mis en exergue par le gouvernement revient à reporter la réforme sine die.
Il est "très peu probable" qu'une taxe soit mise en oeuvre au niveau européen, "et le gouvernement en a parfaitement conscience", a immédiatement réagi le Réseau action climat.
La taxe carbone, qui vise à encourager ménages et entreprises à des comportements plus "verts", a été initialement proposée par Nicolas Hulot dans son "Pacte écologique" lors de la campagne présidentielle de 2007.
Le report était prévisible
Dans un entretien au Figaro Magazine à la veille du premier tour des régionales, Nicolas Sarkozy avait laissé présager un changement de calendrier sur la taxe carbone dont la première mouture a été recalée par le Conseil constitutionnel: "Nous n'imposerons pas à nos industriels des contraintes si, dans le même temps, on autorise les importations venant de pays qui ne respectent aucune des règles environnementales à inonder nos marchés".
Plusieurs médias ont rappelé mercredi les propos tenus par Nicolas Sarkozy en septembre dernier, lorsqu'il avait précisé les principes de la taxe carbone. "Je l'ai signé, je le fais. C'est une question d'honnêteté. Si on ne le fait pas, on n'est pas honnête", avait alors dit le chef de l'Etat.
Chantal Jouanno exclut de démissionner
La secrétaire d'Etat chargée de l'écologie Chantal Jouanno a exclu mercredi de démissionner au micro de RTL. "Le rôle d'un ministre, ce n'est pas de gagner un salaire, c'est de défendre des idées", a-t-elle souligné. "S'il ne défend pas ses idées, s'il ne les exprime pas, à mon avis il ne sert pas à grand chose", a-t-elle déclaré.
"Je reste totalement déterminée. Tous ces discours qui consistent à dire si l'économie, l'agriculture et la société vont mal c'est à cause de l'écologie, cette remontée de l'écolo-scepticisme, on ne peut pas l'accepter".
Mardi, Chantal Jouanno s'était dite"désespérée de ce recul, désespérée que ce soit l'écolo-scepticisme qui l'emporte". Quelques heures plus tard, elle avait salué la "clarification" de François Fillon. Selon elle, cette dernière signifie "qu'on ne suspend pas la création d'une taxe carbone en France à une taxe similaire au niveau européen".
Réactions au gouvernement
De son côté, le ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo, qui affirme "rester convaincu" de la nécessité de la taxe, a regretté qu'elle ait été "l'otage de débats qui ont dépassé largement le champ de l'écologie et qui ont conduit à une profonde incompréhension".
Mercredi matin sur France 2, il a affirmé que la "grande machine du Grenelle" continue", soulignant que la loi Grenelle 2 serait examinée au Parlement à partir du 5 ou du 6 mai. "Il y avait 277 mesures dans le Grenelle de l'environnement et, d'ailleurs, la taxe carbone était une hypothèse qui devait être étudiée, ce n'était même pas une décision", a-t-il encore souligné.
Le ministre de l'Ecologie n'a pas un instant songé à démissionner après l'annonce du report de cette mesure de fiscalité écologique. Interrogé précisément sur ce point il a répondu : "Non, moins que jamais. J'étais la semaine dernière à Bruxelles et je vais y retourner parce qu'on aura un accord européen. On va prendre un peu plus de temps mais on va y aller", a-t-il répondu.
Mardi soir au 20H de France 2, le nouveau ministre du Budget François Baroin a estimé que le report de la taxe carbone était "une bonne décision", se disant convaincu qu'elle finirait par voir le jour. Le Conseil constitutionnel avait jugé que la première version de cette loi comportait trop d'exonérations, a rappelé le ministre. Ces exonérations "visaient à ne pas affaiblir le tissu économique et les entreprises. Or, nous sommes encore dans la crise et il est certainement plus sage de ne pas créer de distorsion de concurrence entre les pays européens".
Un peu plus tôt, la ministre de l'Economie Christine Lagarde a affirmé sur que le projet d'instaurer une "taxe carbone" n'était pas abandonné, se disant "très optimiste" sur la possibilité que cette taxe voie le jour au niveau européen, comme le souhaite maintenant le gouvernement. "Nous voulons évidemment le faire en coordination avec nos voisins européens, parce qu'il ne faut pas qu'on soit tout seul en Europe, ce qui risquerait de plomber la compétitivité de nos entreprises".
"On a eu un problème de présentation", a estimé la secrétaire d'Etat à la Prospective et au développement de l'économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne secrétaire d'Etat à l'Environnement. "Quand on a fait le bonus-malus sur l'automobile, on a été bien compris. La taxe carbone, tout le monde a entendu taxe, qu'on va être taxé: je pense qu'on aurait dû rester dans le concept bonus-malus. En fait c'était la même idée, plutôt sociale. On peut construite la fiscalité environnementale comme ça, d'une manière qui soit juste, lisible", a-t-elle poursuivi.
Autres réactions
Pour l'ex-premier ministre UMP Alain Juppé, la France ne doit "ne doit pas renoncer" à la mise en place d'une taxe carbone, "aujourd'hui victime de l'éco-scepticisme ambiant depuis l'échec de Copenhague", explique-t-il dans un commentaire publié mercredi sur son blog.
Côté patronat, la présidente du Medef Laurence Parisot a déclaré être "soulagée" par l'abandon à l'échelle nationale de cette taxe, car selon elle, "L'industrie n'aurait pas supporté ce nouveau handicap de compétitivité".
Le Parti socialiste s'est réjoui, lui aussi, de l'abandon d'une taxe qu'il jugeait injuste, mais a critiqué le recul du gouvernement par rapport aux engagements du Grenelle de l'environnement, en octobre 2007.
De son côté, Aurélie Filipetti, secrétaire nationale du PS à l'Energie a estimé qu'il s'agissait de "la deuxième défaite de Sarkozy". Le chef de l'Etat a "abandonné la seule réforme fiscale qui avait un but autre que de servir les couches les plus favorisées de la population", a-t-elle déclaré. "Alors qu'il l'avait comparée à l'abolition de la peine de mort, son reniement sur la fiscalité écologique sonne comme un désaveu".
Côté verts, la secrétaire nationale Cécile Duflot s'est dite "estomaquée" par "l'abandon" de la taxe carbone par le gouvernement, estimant que "c'est du pipeau" de se réfugier derrière l'Union européenne.
"Ce qui est fascinant avec le gouvernement et Nicolas Sarkozy, c'est qu'on puisse dire une chose et son contraire dans la même année avec la même énergie", a estimé le fondateur d'Europe Ecologie Daniel Cohn-Bendit. "Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno sont au chômage partiel (...). S'ils ont envie d'aller à la pêche pendant le printemps, parce qu'ils n'ont rien à faire, c'est leur droit", a-t-il ironisé.
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