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Les trois défis d'Under The Pole II, l'expédition de l'extrême

La goélette "Why" s'élance jeudi après-midi de Concarneau (Finistère) pour vingt-deux mois d'expédition. Objectif : explorer les fonds marins du pôle Nord, près du Groenland, à plus de 100 mètres de profondeur, une première. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Plongée sous-marine lors de la première expédition d'Under The Pole, dans l'océan Arctique, en 2010.  (BENOIT POYELLE / DEEPSEA UNDER THE POLE BY ROLEX)

Plonger à 100 mètres de profondeur sous la banquise du pôle Nord à des températures inférieures à 0 °C. La seule évocation de cette expérience suffit à faire frissonner. C'est pourtant le défi que vont relever deux plongeurs de l'expédition Under The Pole II, qui s'élance de Concarneau (Finistère), jeudi 16 janvier à 15h30, à bord de la goélette Why. Objectif : le Groenland, dont la côte ouest va être explorée du sud au nord pendant 22 mois. Le skipper Roland Jourdain (vainqueur de la Route du rhum en 2006 et 2010), parrain de l'opération, est de l'aventure, tout comme Robin, le fils du couple organisateur, âgé de 2 ans.

Une précédente expédition, baptisée Under The Pole I, avait déjà été réalisée en 2010. Pourquoi réitérer l'expérience, dans des conditions encore plus extrêmes ? Voici les trois missions scientifiques de cette nouvelle équipée polaire. 

Exposer l'homme à des conditions de plongée extrêmes

C'est le premier objet d'étude de cette expédition : observer les réactions physiologiques des plongeurs exposés à des conditions inédites. Sur la dizaine d'hommes-grenouilles qui vont participer à l'expédition, seuls deux vont tenter une descente à ce niveau-là, dont le chef de l'expédition, Ghislain Bardout. "La plongée profonde est une discipline largement répandue, et la plongée en milieu polaire se développe, mais l'effectuer à 100 m de profondeur, c'est pratiquement du jamais vu, explique ce dernier dans Le Parisien. Quand la température est comprise entre 2 °C et -1,8 °C, c'est un vrai challenge de rester dans l'eau plus de trois heures." Comme l'indique le journal, les plongeurs seront équipés "de grosses combinaisons chauffantes qui leur donneront des airs de Bibendum".

"A cette température, les matériaux souffrent, les polymères sont plus cassants…" ajoute Ghislain Bardout, par ailleurs ingénieur spécialisé dans l'énergie, dans Le FigaroAu-delà de -1,8 °C, l'eau de mer gèle. Selon le quotidien, cette expérience permettra de récolter des données sur la thermorégulation ou la déshydratation en plongée pour les spécialistes de la médecine hyperbare, celle des plongeurs. 

Voici la présentation de l'expédition en vidéo, avec des images de la première édition, en  2010 : 

Recenser la faune et la flore sous-marine polaire

Entre janvier 2014 et juin 2015, pas moins de 400 plongées sont prévues avec l'objectif de filmer la biodiversité marine polaire à cet endroit encore très préservé.

Lors de sa précédente mission, Ghislain Bardout avait effectué, avec sept équipiers, 51 plongées sous la banquise, en plein océan Arctique. Cette fois-ci, l'équipage va remonter la côte ouest du Groenland en suivant le recul de la banquise, là où se concentrent les mammifères marins. Voici la carte des étapes prévues.  

(UNDER THE POLE)

"Cette zone est encore peu échantillonnée par les scientifiques", relève le chef de l'expédition dans Le Figaro. Au total, 90 % des plongées effectuées entre la surface et 100 m de fond seront réalisées dans des zones inexplorées. "Certaines espèces qui y vivent sont menacées d'extinction et nombre d'entre elles n'ont même jamais été répertoriées", peut-on lire sur le site consacré au projet

Le but est de ramener des images inédites de ce milieu sous-marin. Les explorateurs espèrent y croiser des phoques, des morses, des narvals, des bélugas, des baleines boréales, des orques et même des requins du Groenland. Longs de sept mètres, ils font partie des plus gros requins carnivores de la planète, capables de manger des ours polaires et des caribous tombés sous la glace, comme le rappelle Le Parisien, qui cite l'Observatoire des requins du Québec : cet animal "vit en eau si profonde et si inhospitalière aux humains qu'il ne rencontre quasiment jamais de nageur ni de plongeur". Son espérance de vie, jusqu'à 200 ans, intrigue les scientifiques.

A l'inverse, les plongeurs apercevront peut-être également des créatures minuscules, tel l'ange de mer, un petit mollusque coloré fragile, ou, comme le signale Le Figaro, des bivalves Arctica islandica de la famille de Ming, une palourde présentée comme le plus vieil animal du monde, tuée par mégarde par des scientifiques. Des coraux d'eau profonde livreront peut-être aussi leurs secrets. 

Observer le recul de la banquise

La troisième mission des scientifiques consistera à étudier les relations entre l'atmosphère, la glace et l’océan dans l'Arctique, une zone à la fois victime et témoin privilégié du réchauffement de la planète. La sensibilité de cette région aux changements climatiques en fait un indicateur des modifications futures du climat. Car elle occupe une position-clé dans l'équilibre physique, chimique et biologique de la planète.

"Un monde fascinant est en train de disparaître", insiste l'expédition sur son site. La banquise est entrée dans un processus de fonte accélérée depuis quelques années et risque fortement de disparaître définitivement en été d’ici dix à vingt ans. Même si elle se reformera l'hiver avec la nuit polaire, les conséquences sur la biodiversité et les populations, bien au-delà de l'Arctique, seront irréversibles, préviennent les membres de l'expédition Under The Pole.

Fjords, icebergs géants, fronts de glaciers, banquise côtière et du large, falaise et plateau continental vont donc être passés au crible. "Nous étudierons l'épaisseur et la chimie des glaces", précise dans Le Figaro le coordinateur scientifique, Romain Pete.

Après avoir longé la côte pendant huit mois, le Why, une fois pris dans les glaces situées au nord du Groenland, deviendra un camp de base pour un hivernage dans la nuit polaire. Avec plongées, tournages et recherches scientifiques au programme. Dès le retour du soleil, en février-mars 2015, un groupe d’Inuits rejoindra le navire avec des traîneaux tractés par des chiens, pour rallier Station Nord, dans le nord-est du Groenland, et achever l'exploration glacière et sous-marine. Le retour en France de l'équipage est prévu en septembre-octobre 2015. D'ici là, l'expédition pourra être suivie en direct sur son site web, ainsi que sur Twitter et Facebook

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