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Fuite de gaz à Rouen : le temps des polémiques

Plus de deux jours après l'incident survenu à l'usine Lubrizol de Rouen, la fuite de gaz mercaptan n'est toujours pas colmatée. Les autorités s'efforcent de rassurer la population, mais la gestion de l'événement a connu quelques ratés.
Article rédigé par franceinfo
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Que s'est-il passé à l'usine Lubrizol ?

Lundi matin, 8 heures. Les équipes de l'usine Lubrizol de
Rouen, spécialisée dans les additifs pour lubrifiants, détectent une "instabilité"
chimique dans l'une de ses cuves. On ne sait pas encore clairement ce qui s'est
réellement passé ; on évoque une surchauffe dans l'une des cuves de l'usine.
Au ministère de l'Ecologie, on parle cependant d' "une négligence ou
une faute". Conséquence immédiate, une quantité importante de mercaptan, un
gaz utilisé pour donner une odeur au gaz de ville, se dégage dans l'air. Le
nuage, et surtout l'odeur nauséabonde, atteindra la région parisienne dans la
nuit de lundi à mardi, provoquant une certaine panique chez beaucoup d'habitants.
L'odeur sera même ressentie jusque dans le sud de l'Angleterre.

> A relire : le fil des événements

Le gaz est-il dangereux ?

Le mercaptan n'est pas un gaz toxique lorsqu'il circule dans
l'air,  à de si faibles taux de
concentration. Il peut cependant, et de nombreux témoignages vont dans ce sens,
provoquer des nausées ou maux de tête.

L'une de ses formes chimiques, le methan-ethiol, est
beaucoup plus dangereuse et nocive : lorsqu'elle est concentrée, elle peut
provoquer des vomissements, des affections respiratoires sévères et des
saignements. Les autorités n'ont toujours pas précisé quel type de mercaptan s'échappe
depuis 48 heures de l'usine Lubrizol.

Les procédures ont-elles été respectées ?

C'est l'une des critiques les plus sévères. L'usine Lubrizol
de Rouen fait partie des usines dites Seveso "seuil haut", les plus
surveillées (670 sites en France). Elles sont en principe rigoureusement contrôlées,
notammentpar des capteurs qui signalent immédiatement tout dysfonctionnement.
L'incident est ensuite rapporté à un comité de liaison, d'information et de
concertation. C'est là que le bât blesse pour Lubrizol : certains membres
de cette instance n'étaient pas au courant d'un incident lundi.

Ensuite, la
préfecture de Seine-Maritime a attendu que l'odeur se fasse sentir à Paris
mardi pour déclencher son plan particulier d'intervention (PPI), l'un des
niveaux d'information et de prévention prévus dans des cas comme celui-ci. Une
cellule d'information, toujours en place mercredi, a ensuite été mise en place,
au 02 32 76 55 66.

 

La communication a-t-elle été maîtrisée ?

Chaotique, c'est le mot qui revient le plus souvent pour
qualifier la communication de crise mise en place par les pouvoirs publics.

Les autorités, comme la préfecture de Seine-maritime, ont d'abord
minimisé l'incident survenu à l'usine Lubrizol. Puis le ministère de l'Intérieur
a pris le relais pour insister sur la non-toxicité du gaz mercaptan.

Au fil de la journée de mardi, les conséquences de la fuite
de gaz ont pourtant singulièrement grandi. La préfecture a carrément évoqué des
mesures éventuelles de confinement de la population, faisant même annuler le
match de football des 16e de finale de la Coupe de France entre le
FC Rouen et l'Olympique de Marseille qui devait se dérouler le soir-même.

Enfin, la ministre de l'Ecologie Delphine Batho est arrivée
sur la zone dans la soirée de mardi, quittant précipitamment les célébrations à
Berlin du cinquantenaire du Traité de l'Elysée entre la France et l'Allemagne.

La situation est-elle désormais sous contrôle ?

La ministre insiste : le mercaptan n'est pas dangereux
pour la santé. C'est le principal axe de communication.

Les opérations de neutralisation ont commencé mercredi à 1h
du matin, avec quelques heures de retard en raison de la sécurisation du site.
Le procédé utilisé est "expérimental" : il s'agit, pour faire
simple, d'immerger les 36 tonnes de mélange instable avec de la soude et de l'eau
de Javel. Mercredi matin, les opérations se déroulaient apparemment de façon
satisfaisante, "il n'y a plus de mercaptan autour de l'usine"
affirmait Pierre-Henry Maccioni, le préfet de Haute-Normandie. L'opération
prendra "un certain temps" confirme la ministre de l'Ecologie, sans
que l'on sache exactement le nombre de jours.

Une enquête administrative doit être lancée. Delphine Batho s'élève contre ces "421 sites Seveso pour lesquels ont été prescrits des plans de prévention des risques technologiques et moins de la moitié aujourd'hui ont un plan de prévention des risques qui soit abouti et mis en oeuvre" . Les restrictions de circulation autour de l'usine ont été levées.

Une enquête
judiciaire a déjà été ouverte mardi, confiée à la section de recherches de la gendarmerie
de Rouen. Il s'agit de savoir si la cause de l'incident survenu est de nature
pénale.

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