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Enquête France 2 Pollution : dans la banlieue de Lyon, la ville de Pierre-Bénite "gravement contaminée" par des polluants "éternels" rejetés par l'usine Arkema

L'émission "Vert de rage", en collaboration avec "Envoyé spécial", a réalisé plusieurs prélèvements de sol, d'air, d'eau et de lait maternel autour de deux usines de Pierre-Bénite, dans la métropole de Lyon. Les résultats, analysés par un spécialiste néerlandais, concluent à une grave pollution aux perfluorés, des polluants toxiques éternels dangereux pour la santé.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Le journaliste Martin Boudot prélève un échantillon de sol sur le stade de Pierre-Bénite, près de Lyon. (PLTV)

Le constat est sans appel. Une partie de la ville de Pierre-Bénite (métropole de Lyon), où se trouve une usine chimique Arkema, est "gravement contaminée par les perfluorés (PFAS)", des polluants toxiques aux effets aussi graves que variés sur la santé. C'est l'analyse, présentée mardi 10 mai, du professeur de chimie néerlandais Jacob de Boer au terme d'une campagne de prélèvements d'air, de sol, de lait maternel, d'eau du Rhône et d'eau potable réalisée par le journaliste Martin Boudot pour l'émission "Vert de rage" sur France 5, en collaboration avec "Envoyé spécial" dans un numéro diffusé jeudi 12 mai sur France 2. Le professeur de l'université libre d'Amsterdam recommande "la fermeture et l'assainissement de certaines zones telles que le stade et un meilleur nettoyage de l'eau potable", ainsi qu'un arrêt des rejets de PFAS.

Contaminations : alerte aux polluants éternels
Contaminations : alerte aux polluants éternels Contaminations : alerte aux polluants éternels

Surnommés les "polluants éternels", les PFAS, une famille qui regroupe différents produits, se distinguent par leur capacité à persister dans l'environnement et par leur toxicité. L'industrie chimique les utilise pour leurs propriétés anti-adhésives, anti-taches, ignifuges, hydrofuges ou anti-graisse. On les retrouve dans des produits aussi divers que les poêles, les imperméables, le maquillage ou les boîtes à pizza. Ils sont au cœur du film Dark Waters, qui raconte le combat d'un avocat américain contre la firme DuPont qui produit le Téflon. "Chaque substance perfluorée a un effet toxique différent. Certains causent des cancers du foie, de l'intestin. Ils peuvent même avoir un effet sur la santé des enfants à la naissance. Mais le plus préoccupant, c'est qu'ils peuvent avoir un effet néfaste sur le système immunitaire", explique Jacob de Boer, favorable à une "interdiction totale de ces polluants".

Des analyses alarmantes autour du site industriel

A Pierre-Bénite, l'usine Arkema, qui a connu différents propriétaires, a utilisé depuis les années 1960 et jusqu'en 2016 du PFOA. Ce composant perfluoré cancérogène, dont la toxicité est décrite par l'Institut national de recherche et de sécurité, est interdit depuis 2020 dans l'Union européenne. D'autres PFAS, comme le PFNA et le 6:2 FTS, ont été ou sont encore utilisés sur le site de Pierre-Bénite. Dans cette même zone industrielle, une usine Daikin, installée en 2002, fait appel à du PFHxA pour produire ses caoutchoucs synthétiques.

"La contamination aux perfluorés est planétaire et particulièrement en Europe. Nous avons découvert des effets dramatiques de ces polluants sur l'environnement et les êtres humains."

Jacob de Boer, professeur de chimie

à "Vert de rage"

Des produits retrouvés en quantité alarmantes dans l'environnement du site industriel. Dans l'air, les taux de PFOA mesurés par l'équipe sont jusqu'à huit fois supérieurs aux valeurs de référence de l'ONU. Dans les sols, les teneurs en PFUnDA dépassent de 83 fois les normes néerlandaises (249 microgrammes/kg contre 3 μg/kg), utilisées comme référence faute de réglementation française sur ce point. Dans les eaux rejetées par l'usine dans le Rhône, le taux de PFAS est 36 414 fois supérieur à celui relevé dans le fleuve en amont (364 144 nanogrammes/litre contre 10 ng/l).

L'usine Arkema rejette ses eaux directement dans le Rhône. (PLTV)

Tous les échantillons d'eau du robinet dépassent les normes européennes qui doivent bientôt entrer en vigueur en France (plus de 200 ng/l sur trois captages contre 100 ng/l). Et la moyenne des PFAS retrouvés dans le lait maternel est deux fois plus importante que chez les femmes hollandaises (160,7 ng/kg contre 70,7 ng/kg). Pour le professeur De Boer, cette situation, en particulier sur l'eau potable, "nécessite une attention immédiate des autorités".

La ministre plaide pour une interdiction des PFAS

Les analyses sont si alarmantes que la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a souhaité réagir en personne. "Quand vous nous avez dit que vous aviez fait ces prélèvements, tout de suite, nous avons diligenté une enquête sur cette entreprise", explique-t-elle au journaliste, en précisant que ce travail est "en cours". Pour la ministre, il faut une "interdiction très rapide de la famille des PFAS au niveau européen". Elle s'engage également à "mettre en place des normes", notamment sur la potabilité de l'eau.

L'usine Arkema de Pierre-Bénite, près de Lyon, le 21 novembre 2014. (MAXPPP)

Contactée par les équipes de France Télévisions, l'usine Arkema minimise sa responsabilité. "Certains additifs perfluorés dont il est majoritairement question dans votre e-mail nous semblent concerner d'anciennes activités sur la plateforme, différentes de la production actuelle du site de Pierre-Bénite, et peuvent provenir de multiples autres sources sans rapport avec l'activité industrielle de la plateforme", répond l'entreprise à l'émission. Avant la diffusion de l'enquête complète de "Vert de rage", une version courte sera proposée jeudi 12 mai dans le magazine "Envoyé Spécial".

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