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En Haute-Savoie, des associations de défense de la nature accusent les élus de leur couper les vivres

La fédération France Nature Environnement de Haute-Savoie estime avoir perdu 15% à 20% de son budget annuel en 2022. Le département assume sa décision. 

Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le Conseil départemental de la Haute-Savoie à Annecy. (GOOGLE STREET VIEW)

Plusieurs associations françaises de défense de la nature soupçonnent des élus locaux de vouloir les étrangler financièrement. En Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, la très respectée fédération France Nature Environnement (FNE) est fragilisée. Elle estime qu’elle paye son engagement contre plusieurs projets polémiques. Ce qui se joue derrière cette histoire, c’est la démocratie environnementale. En Haute-Savoie, le directeur de FNE, Laurent Théophile, raconte que le département leur a coupé les vivres cette année. "On a perdu de façon brutale et sans explication l'équivalent de 15% à 20% de notre budget sur l'année 2022, se désole-t-il. Il a été dit qu'on ne pouvait pas s'opposer aux projets portés ou soutenus par le Conseil départemental. Et si on le faisait, on s'exposait à perdre nos subventions. La présidence du département a été jusqu'à demander à d'autres partenaires de ne plus travailler avec nous, puisqu'on n'a pas le droit de s'opposer."  

Ce qu’aurait du verser le Conseil général de Haute-Savoie, ce n’est pas une subvention, mais la rémunération d’une mission d’intérêt général. FNE fait de l’éducation, et assure notamment le suivi d'animaux comme le lynx. L'an dernier, le montant était estimé par FNE à 70 000 euros. Mais la fédération a aussi pris position en déposant des recours juridiques sur des dossiers polémiques, comme la retenue collinaire de La Clusaz ou l'abattage de bouquetins dans le massif du Bargy. Et cela ne passe pas, dit la présidente de la commission environnement du département, Magali Mugnier : "Cette association est en permanence en attaque sur tous les projets que l'on porte au niveau du département. Donc, effectivement, la décision a été prise de ne plus donner de subvention à cette association"

"Ils ne peuvent pas le matin venir nous demander des sous et l'après-midi nous dire : 'on vous colle un procès'. Ce n'est pas correct, pas respectueux, pas collaboratif".

Magali Mugnier, présidente de la commission environnement du département de Haute-Savoie

à franceinfo


De son côté, France Nature Environnement considère qu’avec ses actions en justice, elle ne fait que respecter le droit. Cette gestion de la démocratie environnementale par les élus locaux risque d’alimenter les crispations en éliminant en quelque sorte un corps intermédiaire. "Nous, on lutte pour que la démocratie environnementale soit faite au bon moment. Si on a des collectivités qui décident de supprimer ce moment de débat collectif en amont des projets, on va se retrouver avec des collectivités qui vont imposer de plus en plus des décisions inapplicables sur le terrain, affirme Antoine Gatet, juriste et vice-président de la fédération. Cela va déclencher potentiellement de plus en plus de violences et de plus en plus d'actions – qui ne sont pas les nôtres – que l'on ne va pas pouvoir maîtriser." 

"Si vous tuez la démocratie en amont, si vous tuez le fait que les associations organisent collectivement cet espace démocratique autour des décisions publiques, la conséquence va être encore pire sur la mise en œuvre des projets, qui va devenir impossible."

Antoine Gatet, juriste et vice-président de la fédération France Nature Environnement

à franceinfo

"Plus ces collectivités-là vont s'arc-bouter sur leurs prérogatives en disant : 'c'est moi qui décide, je suis élu, après vous n'avez plus rien à dire', plus on va aboutir à des décisions encore moins comprises, encore plus difficiles à mettre en œuvre, avec plus de violence sur le terrain, redoute Antoine Gatet. Nous museler et faire taire ces espaces démocratiques en amont, ça ne peut avoir que les pire des conséquences." 

Le département de Haute-Savoie est présidé par un élu Les Républicains, Martial Saddier. Comme Laurent Wauquiez, à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a lui aussi coupé les vivres à France Nature Environnement et à d’autres associations.

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