Ile-de-France : quatre questions sur la nouvelle cartographie de la pollution aux particules fines dans le métro et le RER
L'air du métro parisien est-il dangereux pour la santé ? C'est à cette question qu'ont tenté de répondre l'autorité organisatrice des transports Ile-de-France Mobilités (IDFM) et l'association en charge de la surveillance de la qualité de l'air dans la région, Airparif. Elles publient pour la première fois une cartographie de la pollution dans le métro et le RER parisien. Ces nouvelles données, dévoilées lundi 22 janvier, surviennent quelques mois après une étude réalisée pour l'émission de France Télévisions "Vert de rage", qui a été contestée par la RATP,
Que disent ces nouveaux relevés ? Quels sont les risques pour la santé ? Franceinfo répond à quatre questions sur la cartographie.
Comment les relevés ont-ils été effectués ?
La pollution de l'air dans les transports en commun inquiète. Au printemps dernier, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "mise en danger d'autrui" visant la RATP, soupçonnée par l'association Respire de dissimuler à ses usagers un taux de particules fines anormalement élevé. Pour disposer de données fiables, IDFM a mené une étude d'ampleur, avec l'appui d'Airparif, en demandant à la RATP et à la SNCF d'effectuer des relevés a minima pendant une semaine complète, sept jours sur sept, 24 heures sur 24.
Les premiers résultats, publiés lundi, concernent 44 des 397 stations du réseau francilien (métro, RER et Transilien). Ils sont établis à partir de "mesures fiables du fait des appareils utilisés, réglementés pour la surveillance des particules, et par rapport à la durée des observations, permanentes ou au minimum d'une semaine, pour prendre en compte la variation des niveaux d'une heure à l'autre", détaille sur son site Airparif. Des relevés faits "durant la période 2015-2022".
Quelles sont les stations les plus polluées ?
Trois stations affichent une concentration de particules fines PM10 dépassant les 480 µg/m3, soit le seuil maximum recommandé par l'agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) à partir d'une heure d'exposition. Les stations concernées sont Belleville – déjà signalée par l'émission "Vert de rage" comme station la plus polluée de la capitale – Jaurès et Oberkampf, toutes situées dans l'est de Paris.
Parmi les autres stations étudiées, 31 affichent un "niveau moyen" de concentration de particules fines PM10, c'est-à-dire entre 140 et 480 µg/m3. Cela concerne Châtelet, Saint-Michel Notre-Dame ou encore Auber. Enfin, dix ont un "niveau faible", donc inférieur à 140 µg/m3. Bibliothèque-François-Mitterrand, Bercy et Franklin D. Roosevelt en font partie. Aucun chiffre sur les particules PM2,5, plus fines et plus nocives, n'a été communiqué à ce stade.
Face à ces premiers résultats, IDFM a demandé aux opérateurs RATP et SNCF de déployer un plan d'action pour améliorer la qualité de l'air dans les stations les plus polluées. "La station Belleville bénéficiera dès 2024 du renouvellement d'un ventilateur", a promis dimanche l'autorité dans un communiqué. Jaurès verra son ventilateur renforcé cette année. A Oberkampf, où un nouveau ventilateur fonctionne depuis fin 2023, deux ouvrages supplémentaires seront construits cette année. "Ces trois stations passeront au moins à l'orange, sinon au vert", veut croire le directeur général d'IDFM, Laurent Probst, cité par l'AFP.
De plus, Airparif parle d'une "carte évolutive". En effet, les concentrations dans les 397 autres stations du métro et du RER ainsi que les lignes seront publiées en juin. "Les particules ne sont pas les mêmes dans les rames et sur les quais. En général, c'est un peu plus faible dans les rames, car l'air est ventilé. On aura la vérification au mois de juin", ajoute Laurent Probst.
D'où vient la pollution ?
Les particules fines sont produites au moment du freinage des trains. "L'abrasion des roues, des rails, des freins et de la ligne de contact génère des poussières fines", décrivent en effet les chemins de fer suisses sur leur site.
Pour en limiter l'impact, IDFM a demandé de déployer "le plus rapidement possible un système qui réduit les émissions de particules fines générées au moment du freinage des trains", notamment sur les lignes du RER A et 1, 2, 3, 4, 5 et 9 du métro. A ce stade, seuls les métros de dernière génération MP14, déployés sur les lignes 4, 11 et 14 disposent d'un freinage électro-magnétique, non émetteur de particules fines.
Cette pollution aux particules fines provient également de l'air pollué des rues, via le système de ventilation des stations. En 2022, Respire pointait d'ailleurs du doigt les bouches d'aération. Son étude montrait que "les concentrations en particules en suspension dans l'air (PM10, PM2,5 et PM1 en μg/m3) sont en moyenne deux fois plus élevées aux abords [de ces zones] que dans l’air extérieur urbain"
Quels sont les risques pour la santé ?
La concentration de particules fines peut favoriser des difficultés ou maladies respiratoires, surtout chez les personnes fragiles. A ce stade, la littérature scientifique très restreinte sur la qualité de l'air dans le métro empêche toutefois de trancher sur les conséquences pour la santé. Dans un avis (PDF) rendu en mai 2022, l'Anses suggérait ainsi le risque "d'inflammation des voies respiratoires, en particulier chez les populations sensibles comme les asthmatiques" ou "d'effets sur la fonction cardiaque autonome". Elle rejetait le "risque augmenté" du cancer du poumon ou de l'infarctus du myocarde.
Interrogé par Le Parisien après la parution de la cartographie, le chercheur au CNRS et ancien président d'Airparif Jean-Félix Bernard souligne que "le problème avec les particules fines, c'est la surpollution, c'est-à-dire le nombre que l'on rajoute dans la journée. Et les seuils hauts établis pour cette carte partent du principe qu'il n'y a pas de pollution extérieure. Qu'il n'y aurait que dans le métro qu'on respire des particules. Alors que ce n'est pas le cas, elles se cumulent avec l'air extérieur".
De leur côté, les salariés de la RATP, exposés sur des périodes plus longues, font part de leur préoccupation. Le syndicat Solidaires a ainsi saisi le tribunal administratif, rapporte-t-il lundi sur X, faisant notamment valoir "la protection de la santé des travailleurs et des usagers".
"Les travaux communiqués par Airparif et IDFM ne reflètent pas l'exposition des voyageurs ni des salariés", a réagi Sophie Mazoué, responsable développement durable pour le groupe RATP. D'après elle, aucun usager ou salarié ne reste une heure sur un quai, et il convient de disposer également des données dans les rames.
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