Climat : "Nous allons dépasser cet objectif de 1,5°C au cours des prochaines années", confirme l'un des co-auteurs du Giec
"Il faut se préparer à dépasser les 1,5°C", a prévenu mardi sur franceinfo, François Gemenne chercheur et co-auteur au Giec, suite à la publication d'un nouveau rapport de l'ONU sur le réchauffement climatique.
"Les choses s'accélèrent à un rythme qu'on n'avait sans doute pas prévu et qui nous dépasse", a estimé mardi 10 mai sur franceinfo François Gemenne, spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations, directeur de l'observatoire Hugo à l'Université de Liège, enseignant à Sciences Po et à la Sorbonne, et co-auteur au Giec. D'après un nouveau bulletin sur le climat publié lundi par l'Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations unies, il existe une chance sur deux pour que le seuil de 1,5°C soit dépassé dans les cinq prochaines années.
franceinfo : Que veut dire exactement ce chiffre ? Qu'implique exactement ce constat de l’ONU ?
François Gemenne : Nous savons qu'en réalité nous allons dépasser au cours des prochaines années cet objectif de 1,5°C, inscrit dans les accords de Paris. Et dans le meilleur des cas nous allons faire retomber la température à 1,5°C vers la fin du siècle, ce serait le scénario le plus optimiste que l'on a aujourd’hui. Cela veut dire qu'il faut se préparer à dépasser les 1,5°C et sans doute même dépasser 2°C. Il y a une urgence à préparer des plans d'adaptation et il faut arrêter de vivre dans ce monde d'Alice au pays des merveilles où tout va bien se passer et où on va échapper aux impacts du changement climatique. Nous allons dépasser ces objectifs quoi qu'il arrive.
La probabilité de dépassement, était de 10% entre 2017 et 2021. Elle était proche de zéro en 2015. Cela vous surprend, vous qui êtes co-auteur du dernier rapport du Giec, que cette probabilité ait augmenté aussi vite ?
Les choses s'accélèrent à un rythme qu'on n'avait sans doute pas prévu et qui sans doute, nous dépasse. J'étais resté sur l'idée qu'on allait arriver vers 1,5°C autour de 2030-2035 mais cela va sans doute se passer avant ça. Quelque part, ça renforce encore l'idée de la nécessité absolue de prévoir des plans d'adaptation. Je le répète, je le martèle, nous n'échapperons pas aux impacts du changement climatique. Il faut s'y préparer. Même si nous parvenions par miracle - et aujourd'hui, je dirais qu'il y a une chance sur cent pour qu'on parvienne à atteindre les objectifs de l'accord de Paris - nous allons dépasser ce seuil de température au cours du siècle pour peut-être y revenir vers la fin du siècle ou au début du XXIIe siècle.
Peut-on s'arrêter sur ce chiffre de 1,5°C, il n'a évidemment pas été choisi par hasard ?
Non ! C'est une revendication des petits États insulaires. Un grand nombre d'entre eux sont des atolls coralliens situés à quelques mètres à peine au-dessus du niveau de la mer. Ils savent que 2°C d'élévation de la température, ça correspond à un mètre d'élévation du niveau de la mer. Ça veut dire que beaucoup de leurs territoires seront submergés et vont devenir inhabitables. Dès 2009, à la COP15 de Copenhague, ils avaient demandé qu'on choisisse l'objectif de 1,5°C pour quelque part, garantir l'habitabilité de leurs territoires. Et déjà en 2009, on l'avait dit, "ce n'est plus possible, c'est trop tard, c'est mort". Ils sont revenus à la charge à la COP21 en 2015 et là on leur a en quelque sorte fait plaisir : on a accepté d'intégrer cet objectif de 1,5°C et cet objectif, peu à peu, est devenu l'objectif politique principal. Mais il faut bien se rendre compte qu'on savait dès le départ que cet objectif serait quasiment impossible à atteindre, sauf à retirer du dioxyde de carbone de l'atmosphère.
Et si on dépasse ces 1,5°C, les effets sur le climat seront de plus en plus néfastes ?
Ils seront de plus en plus néfastes à la fois pour nous parce que les événements climatiques extrêmes comme les précipitations intenses ou les vagues de chaleur vont devenir de plus en plus fréquentes et de plus en plus intenses. Il faut réaliser qu'aujourd'hui, alors qu'on voit déjà ces impacts du changement climatique, nous ne sommes qu'à 1,2°C d'augmentation de la température. Et cela veut dire surtout, pour les petits États insulaires, qu'une partie d'entre eux vont être submergés et que leur territoire va disparaître, sans doute pour toujours. Ce qui pose évidemment énormément de questions quant à l'endroit où on va reloger les populations. Et quant à la possibilité pour ces pays de conserver leur qualité d'État puisque leur territoire aura disparu.
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