COP28 à Dubaï : énergies fossiles, capture et stockage de carbone, seuil de 1,5°C… Ce qu'il faut retenir de l'accord final adopté après de longues négociations

Depuis le 30 novembre, les délégués du monde entier étaient réunis pour accélérer la lutte contre le changement climatique.
Article rédigé par Camille Adaoust, franceinfo avec AFP
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La présidence de la COP28 applaudit l'adoption du bilan de l'accord de Paris, à Dubaï (Emirats arabes unis), le 13 décembre 2023. (GIUSEPPE CACACE / AFP)

Un coup de maillet décisif. A la COP28 de Dubaï (Emirats arabes unis), les pays du monde entier ont approuvé par consensus, mercredi 13 décembre, un texte final appelant à une "transition" vers l'abandon des énergies fossiles. Dès l'ouverture de la séance plénière de clôture, les délégués ont adopté la décision préparée par les Emirats arabes unis, déclenchant de longs applaudissements.

Le président émirati de la conférence, Sultan al-Jaber, a salué une "réussite historique". "Nous mentionnons les énergies fossiles dans l'accord final pour la première fois", a-t-il ajouté. D'autres textes sont attendus à la COP, notamment sur l'adaptation, mais voici déjà ce qu'il faut retenir de celui, crucial, sur le bilan de l'accord de Paris. 

Une mention inédite des énergies fossiles

Leur combustion depuis le XIXe siècle est largement responsable du réchauffement climatique actuel. Les énergies fossiles sont mentionnées pour la première fois dans un texte final de COP. A ce jour, seule la "réduction" du charbon avait, en effet, été actée à la COP26 de Glasgow (Ecosse) mais jamais le pétrole ni le gaz n'avaient été évoqués.

Après d'intenses négociations, le document final invite les pays à "transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d'une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l'action dans cette décennie cruciale, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques".

L'appel à accélérer dès la décennie en cours était une exigence de l'Union européenne et de nombreux autres pays. Le texte invite aussi à "supprimer progressivement, dès que possible, les subventions inefficaces aux combustibles fossiles" lorsque celles-ci ne visent pas à répondre au manque d'énergie dans les populations les plus pauvres. 

En choisissant le terme de "transitioning away" ("transitionner hors de", "s'éloigner", "abandonner" selon les traductions possibles en français), le texte ne mentionne plus de "phase out" ("sortie") du pétrole, du gaz et du charbon, un terme devenu depuis des mois la bannière derrière laquelle se rangeaient plus d'une centaine de pays et des milliers d'ONG. "Ce texte est un pas vers la sortie des énergies fossiles, mais n'est pas la décision historique que l'on espérait", a ainsi réagi Andreas Sieber, de 350.org.

Des objectifs en matière de transition vers les énergies renouvelables

Au-delà de cette invitation à s'éloigner des énergies fossiles, le texte contient plusieurs appels liés à l'énergie, dont certains figuraient parmi les objectifs de cette COP : tripler les capacités d'énergies renouvelables, doubler le rythme d'amélioration de l'efficacité énergétique d'ici à 2030 ou encore accélérer les technologies "zéro carbone" et "bas carbone", dont le nucléaire et l'hydrogène bas carbone. Le texte reconnaît d'ailleurs que le prix des énergies renouvelables a baissé, comme le mentionne le dernier rapport du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).

Il y a toutefois un bémol. Le document adopté mentionne le rôle des "énergies de transition", allusion au gaz, pour assurer la "sécurité énergétique" des pays en développement. "La référence aux énergies de transition (…) aurait pu être rédigée par une major gazière. La science est claire : le gaz est une énergie fossile chargée en méthane, et non une énergie de transition", regrette l'expert de la diplomatie climatique, Ed King.

La capture et le stockage de carbone présentés comme des solutions

Le texte final fait également mention du balbutiant captage et stockage du carbone. Cette solution, jugée par le Giec nécessaire dans une petite proportion, mais qui reste encore peu mature, est défendue par les pays producteurs de pétrole pour pouvoir continuer à pomper des hydrocarbures au lieu de privilégier les alternatives. Le document conseille son accélération "particulièrement" pour les secteurs dans lesquels il est "difficile" de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit, pour les ONG, d'une "mention très inquiétante", alerte Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat, et d'une "distraction dangereuse", pour sa collègue canadienne Caroline Brouillette.

"La référence faite à la capture et au stockage de carbone dans le texte du bilan mondial de la COP28 souligne l'influence perceptible de l'Opep et de l'industrie des combustibles fossiles sur la prise de décision à Dubaï", dénonce de son côté la coalition d'organisations Climate action against disinformation. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole avait demandé pendant la COP à ses membres de "rejeter proactivement" tout accord ciblant les énergies fossiles. Après l'adoption du texte, le représentant de la délégation saoudienne, pays membre de l'Opep, a d'ailleurs salué "le grand succès" de la conférence, en citant comme acquis la mention des technologies de captage et de stockage du carbone.

Un appel à augmenter les moyens financiers

Le texte souligne que la finance est un "facteur essentiel de l'action climatique" et reconnaît "avec inquiétude" que les moyens "restent insuffisants pour répondre à l'aggravation des impacts du changement climatique dans les pays en développement". Toutefois, "les moyens financiers n'ont pas été mis sur la table pour accompagner les pays qui en ont le plus besoin", dénonce Gaïa Febvre. Après l'adoption du texte, le Brésil a par ailleurs exhorté les pays développés à apporter "les moyens nécessaires" aux nations en voie de développement, a déclaré sa ministre de l'Environnement, Marina Silva. 

Le maintien du seuil de 1,5°C de réchauffement

Après une polémique quant à l'interprétation de la science par Sultan al-Jaber, également directeur de la compagnie pétrolière nationale émiratie Adnoc, le texte fait plusieurs mentions aux études scientifiques existantes et au seuil de 1,5°C de réchauffement présent dans l'accord de Paris et étudié par le Giec dans un rapport spécial.

Le texte reconnaît que "limiter le réchauffement à 1,5°C (…) nécessite des réductions profondes, rapides et durables des émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43% d'ici 2030 et de 60% d'ici 2035 par rapport au niveau de 2019, et l'atteinte de zéro émission nettes de CO2 d'ici 2050", comme l'écrit le Giec (document PDF).

Devant ce constat, le texte de Dubaï "appelle les parties" à produire de nouvelles feuilles de route plus ambitieuses pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et ainsi lutter contre le changement climatique. Pour les y aider, la COP28 lance un "plan pour la mission 1,5" ("road map to mission 1,5"). Ce seuil, sérieusement menacé, a été évoqué pendant les deux semaines de la COP comme une "étoile polaire" par Sultan al-Jaber et brandi comme un objectif vital par les pays les plus menacés par la crise climatique sous le slogan "Garder 1,5°C en vie".


Depuis le XIXe siècle, la température moyenne de la Terre s'est réchauffée de 1,1°C. Les scientifiques ont établi avec certitude que cette hausse est due aux activités humaines, consommatrices d'énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Ce réchauffement, inédit par sa rapidité, menace l'avenir de nos sociétés et la biodiversité. Mais des solutions – énergies renouvelables, sobriété, diminution de la consommation de viande – existent. Découvrez nos réponses à vos questions sur la crise climatique.

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