Climat : voici ce que contient le projet de loi "Climat et résilience" présenté aujourd'hui en Conseil des ministres
Le texte de 65 articles, issu des propositions de la Convention citoyenne, devrait être examiné par les députés à partir de la fin du mois de mars. Il est d'ores et déjà critiqué, pour son manque d'ambition, par les associations écologistes.
Premier examen pour le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat. Il est présenté mercredi 10 février en Conseil des ministres. Ce texte intitulé "Climat et résilience" reprend près de la moitié des 149 propositions de la Convention destinées à réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre de la France d'ici 2030 par rapport à 1990, selon le gouvernement.
Le projet de loi arrive après la décision du tribunal administratif, qui a jugé l'Etat "responsable" de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique. Et ce texte est déjà critiqué. Emmanuel Macron avait promis de reprendre sans filtre les 150 propositions de la Convention, mais le projet final est finalement éloigné de l'ambition initiale.
Voici ce que contiennent – et ne contiennent pas – les 65 articles qui se regroupent en six grands thèmes : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir, renforcer la protection judiciaire de l'environnement.
Mieux isoler les bâtiments
En matière de logement, un des secteurs les plus émetteurs de CO2, la Convention citoyenne pour le climat demandait la rénovation énergétique obligatoire des bâtiments d'ici à 2040. Mais la ministre de la Transition écologique a retenu l'interdiction de la location des passoires thermiques (classées F et G) en 2028. Cela représente 5 millions de logements en France, précise France Bleu.
Autres volontés affichées par le gouvernement : rendre obligatoires les audits énergétiques en cas de vente, généraliser le diagnostic de performance énergétique pour les immeubles d'habitation collectifs et clarifier le cadre juridique pour l'interdiction des terrasses chauffées. Dans ce domaine, en fonction des conclusions attendues en mars d'une mission lancée par le gouvernement, des amendements pourraient compléter le dispositif lors du débat parlementaire.
Encadrer la publicité
La Convention recommandait aussi l'interdiction de la publicité pour les produits les plus polluants. Une volonté qui n'a pas été totalement suivie. Ainsi, comme l'indiquaient Les Echos en décembre, la publicité pour les produits les plus polluants, notamment certains gros véhicules SUV, ne sera pas interdite. Le texte interdit, en revanche, celle pour les énergies fossiles.
Pour les autres produits très émetteurs de gaz à effet de serre ou qui participent à la déforestation, le gouvernement a opté pour un code de bonne conduite "qui transcrirait les engagements pris au sein d'un 'contrat climat' conclu entre les médias et les annonceurs d'une part et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'autre part", selon l'exposé des motifs, rapportent Les Echos.
La Convention demandait aussi l’interdiction du dépôt de toute publicité dans les boîtes aux lettres à partir de janvier 2021. Cela devient, pour les collectivités volontaires, une expérimentation de 36 mois d’interdiction de cette distribution de prospectus, sauf en cas de mention les autorisant.
Le gouvernement "travestit la proposition de loi Evin climat promue par la Convention en simples engagements volontaires de la part des entreprises, soit une démarche purement incantatoire qui a déjà fait la démonstration de son inefficacité. C’est la porte grande ouverte au greenwashing. Cet exemple démontre l’incapacité du pouvoir actuel à mettre notre modèle économique au diapason de l’urgence climatique", a commenté Clément Sénéchal, chargé de campagne Politiques climatiques à Greenpeace France dans un communiqué.
Limiter les transports polluants
Les transports sont le premier secteur émetteur en France. Le projet de loi fixe un objectif de fin de vente des véhicules thermiques les plus émetteurs en 2030, soit cinq ans plus tard que les préconisations de la Convention. Le texte décale aussi de trois ans, à 2023, l’entrée en vigueur de la réduction de l’avantage fiscal sur le gazole pour les poids lourds, rapporte Le Monde. Le projet de loi instaure également l’obligation de mise en place de zones à faibles émissions aux agglomérations de plus 150 000 habitants, ce qui limiterait la circulation de certains véhicules, d’ici au 31 décembre 2024.
Concernant les trajets aériens, le gouvernement va "interdire les vols domestiques s'il y a une alternative possible en train en moins de deux heures et demie", avait annoncé Barbara Pompili dans une interview au Parisien en décembre. Les 150 citoyens membres de la Convention demandaient plus, avec "l'interdiction des trajets en avion à partir de quatre heures".
"L’interdiction des vols courts a ainsi été vidée de sa substance puisque, au mieux, seules cinq connexions aériennes intérieures sur la centaine existante seraient désormais concernées."
Sarah Fayolle, chargée de campagne Transports à Greenpeace Francedans un communiqué
Enfin, les compagnies aériennes seront obligées de compenser les émissions de leurs vols intérieurs (50% en 2022, 70% en 2023, 100% en 2024).
Limiter l'artificialisation des sols
Pour réduire l'étalement urbain qui se fait au détriment de terres agricoles et des espaces naturels, le projet de loi prévoit de diviser "par deux le rythme de l'artificialisation galopante des sols" et "souhaite interdire l'implantation de nouveaux centres commerciaux sur des espaces naturels avec une dérogation possible en dessous de 10 000 m2", avait dévoilé Barbara Pompili dans son entretien avec Le Parisien mi-décembre.
"Ce seuil est beaucoup trop élevé : 90 % des projets de zones commerciales font moins [de 10 000 m2], souligne au Monde Anne Bringault, du Réseau action climat (RAC). Et la mesure exclut les entrepôts d’e-commerce." La Convention, elle, proposait d'interdire toute artificialisation des sols tant que des friches sont disponibles dans une zone et de "prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines". Il est aussi prévu d'inscrire dans la loi l'objectif de 30% d'aires protégées.
Favoriser une alimentation plus végétale
Concernant ce que nous allons trouver dans nos assiettes, la Convention souhaitait que l’ensemble de la restauration collective publique propose, dès janvier 2022, un choix végétarien quotidien. Cette proposition devient une expérimentation de deux ans sur la base du volontariat, à partir de la promulgation de la loi.
En revanche, aucune trace des chèques alimentaires pour aider les moins favorisés à se tourner vers une alimentation durable, "l’un des rares points positifs que l’on avait retenus de la dernière entrevue entre le président et les membres de la Convention citoyenne en décembre", déplore Laure Ducos, chargée de campagne Agriculture pour Greenpeace France. Le Monde précise que "selon Matignon, cette mesure devrait passer par une modification de la loi de finances".
Créer un crime d'écocide
L’environnement sera mieux protégé au niveau du droit. Un "délit d'écocide", selon les termes de Barbara Pompili et du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, évoqué dans Le Journal du Dimanche (article payant), a été mis en place. Cette appellation regroupe en réalité deux délits. Le gouvernement veut d'abord créer un "délit général de pollution", dont les sanctions seront modulées selon le degré d'intentionnalité de l'auteur. Ainsi, "les peines encourues vont de trois ans d'emprisonnement à dix ans d'emprisonnement selon qu'on est en présence d'une infraction d'imprudence, d'une violation manifestement délibérée d'une obligation et, la plus lourde, d'une infraction intentionnelle", égrène le garde des Sceaux dans Le JDD.
En ce qui concerne les amendes, le gouvernement les veut particulièrement dissuasives. "Elles vont de 375 000 euros à 4,5 millions d'euros, poursuivait Eric Dupond-Moretti. Dans les cas les plus graves, d'une infraction intentionnelle ayant causé des dommages irréversibles à l'environnement, on peut parler de 'délit d'écocide'."
L'exécutif souhaite également créer un "délit de mise en danger de l'environnement", qui vise à "pénaliser la mise en danger délibérée de l'environnement par des violations délibérées d'une obligation", explique le ministre de la Justice. La peine encourue sera "d'un an de prison et 100 000 euros d'amende". Mais là encore, ces sanctions sont éloignées de ce que souhaitaient les membres de la Convention, qui avaient proposé un crime d’écocide et non un délit, dont les peines auraient été plus sévères.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.