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"Carbone connexion" : trois questions sur le procès d'escroquerie géant du marché du CO2

Douze personnes et deux sociétés sont jugées pour escroquerie au marché du carbone, devant le tribunal correctionnel de Paris.

Article rédigé par franceinfo
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La salle des pas perdus du palais de justice de Paris, le 19 janvier 2015. (MAXPPP)

L'affaire a été surnommée "l'arnaque du siècle". Du 2 au 30 mai, cinq personnes comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris pour escroquerie au marché du carbone. Au total, douze personnes sont poursuivies dans le dossier, dont six font l'objet d'un mandat d'arrêt. Deux sociétés sont également jugées.

Cette fraude porte sur 283 millions d'euros de TVA éludée, et aurait coûté plus d'un milliard et demi d'euros au fisc français. Francetv info revient sur cette arnaque de grande ampleur, la plus importante jamais montée en France sur le marché du carbone.

En quoi consistait cette escroquerie ?

Les douze prévenus sont jugés pour escroquerie, blanchiment et recel en bande organisée. Pour bien comprendre leur système d'arnaque, il faut se remettre dans le contexte des années 2008 et 2009. À l'époque, la Commission européenne met en place un système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, afin de lutter contre le changement climatique, explique Mashable

Son principe est simple : les États imposent aux entreprises polluantes un plafond sur leurs émissions de CO2. Chaque année, en fonction du niveau de leurs émissions, les entreprises ont la possibilité d'acheter ou de vendre leurs quotas sur le marché européen.

Profitant des failles du système, les fraudeurs sont entrés, via des sociétés fictives, sur le marché du carbone. Ils achetaient des quotas carbone hors taxe dans un pays étranger avant de les revendre en France à un prix incluant la TVA, sans reverser cette taxe de 19,6% à l'administration fiscale. L'argent détourné était placé sur un compte en Chine, puis blanchi.

Cette arnaque aurait coûté au total 1,6 milliard d'euros de pertes au fisc français, selon la Cour des comptes. Elles s'élèvent à 5 milliards d'euros dans l'ensemble des pays de l'Union européenne, selon Europol.

Qui sont les principaux prévenus ?

Considéré comme l'un des trois organisateurs de la fraude, Samy Souied a été tué par balles en septembre 2010, porte Maillot, à Paris, par deux individus à scooter. Surnommé "le caïd des hippodromes", cet ancien gamin de Belleville s'était fait connaître lors de l'escroquerie "aux régies publicitaires" dans les années 1990. Les enquêteurs estiment que ce meurtre est un règlement de comptes lié au magot de la "Tève", la TVA, détaille Le Monde.

Présent à l'audience, Marco Mouly, 50 ans, dit "Mardoche", est impliqué dans le montage, le financement et le blanchiment de la fraude sur le marché du carbone. Ancien ami proche de Samy Souied, il est présenté comme ne sachant ni lire ni écrire, "bling-bling" et amateur de belles voitures, décrit Mashable. Il a prêté à plusieurs reprises ses cylindrées à Michel Neyret, l'ancien numéro 2 de la PJ lyonnaise, jugé depuis lundi pour corruption et trafic d'influence.

Arnaud Mimran est considéré par les juges d'instruction comme l'un des organisateurs de l'escroquerie. Ce golden boy a investi dans la fraude entre 8 et 9 millions d'euros pour un rendement de 477%, indique Le Monde. Agé de 45 ans, mondain, joueur de poker, il est soupçonné d'avoir mené un train de vie dispendieux grâce aux bénéfices de l'arnaque carbone.

Pour les enquêteurs, tous ces prévenus font partie de la mafia franco-israélienne, dite "le milieu affairiste franco-israélien". Les six personnes faisant l'objet de mandats d'arrêt sont pour la plupart des gérants de paille désormais installés en Israël.

Comment ont-ils été découverts ?

Malgré la complexité du système, ces échanges ont attiré l'attention des autorités. A l'automne 2008, les régulateurs français du marché – la Bourse Bluenext et la Caisse des dépôts – soupçonnent l'existence d'une fraude de grande ampleur, raconte Le Monde.

Ils font part de leur découverte à Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy. Les ministres du Budget, Eric Woerth, et de l'Économie, Christine Lagarde, sont informés. Six mois plus tard, et 1,6 milliard d'euros de moins dans les caisses, l'État met fin au trafic, note Mashable. Les opérations sur les quotas carbone seront finalement exonérées de TVA en juin 2009.

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