Congrès mondial de la nature à Marseille : "Nous sommes au bord d'un point de rupture" sur la préservation de la biodiversité, alerte Nicolas Hulot
Le congrès mondial de la Nature s'est terminé samedi à Marseille. L'Union internationale pour la conservation de la nature a appelé à des "changements radicaux" dans son manifeste de clôture.
"Nous sommes au bord d'un point de rupture", car "on ne gagnera pas la bataille contre l'érosion de la biodiversité si on ne lutte pas contre le changement climatique", alerte samedi 11 septembre sur franceinfo, l'ex-ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, alors que le congrès mondial de la Nature s'est terminé à Marseille. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) appelle à des transformations ambitieuses. "Les urgences du climat et de la biodiversité ne sont pas distinctes l'une de l'autre, mais bien plutôt deux aspects d'une même crise", rappelle l'UICN. "La science doit être notre boussole et elle nous met en injonction d'agir radicalement et rapidement en revoyant profondément notre modèle économique qui est un modèle de prédation", ajoute Nicolas Hulot.
franceinfo : Après la fin de ce congrès mondial de la nature à Marseille, croyez-vous à un engagement fort de l'État ?
Nicolas Hulot : Je ne veux pas faire de procès d'intention, car il y a une feuille de route exigeante, radicale, proposée par une coalition de 70 pays menée par le Costa-Rica et la France. Elle a été élaborée par des acteurs de terrain du monde entier. Les choses vont se décider l'année prochaine en Chine à la COP 15 [sur la biodiversité] mais la réalité nous rattrape. Il y a quand même des choses positives dans cette première étape, c'est que tout le monde a compris que les enjeux climatiques et de biodiversité sont indissociables.
"On ne gagnera pas la bataille climatique si on laisse l'écosystème se dégrader. On ne gagnera pas la bataille contre l'érosion de la biodiversité si on ne lutte pas contre le changement climatique."
Nicolas Hulotà francienfo
Il faut passer d'un esprit de compétition, d'une économie qui se fait sur le dos de la nature, à un état de coopération. Il faut changer d'échelle. Aujourd'hui 0,2% du PIB mondial est affecté à la protection de l'environnement. C'est largement insuffisant.
Il y a aussi la politique de certains pays qui vous inquiètent ?
On parle de l'Amazonie, mais le président brésilien Jair Bolsonaro est en train de faire adapter un arsenal législatif qui va démanteler les droits des Indiens sur leur territoire. En démantelant le droit des Indiens, il ouvre une béance dans la forêt amazonienne, pour livrer en pâture à toute forme d'exploitation la forêt amazonienne et la biodiversité. Je vois ressurgir, en Guyane française, le projet de la Montagne d'or.
"Il est temps d'être cohérent et de mettre les moyens. C'est bien d'augmenter les aires protégées, mais est-ce qu'on y met les moyens pour les surveiller ?"
Nicolas Hulotà franceinfo
Aujourd'hui, dans le plan de relance en France il y a seulement 0,1% qui est consacré à la biodiversité. Je pense que les choses vont être revues à la hausse, il faut le faire dans l'urgence, dans les mois qui viennent sans attendre la COP 15 qui va se tenir en Chine. On peut accélérer le calendrier de sortie des pesticides qui sous nos latitudes est une des premières causes de l'érosion de la biodiversité.
Le manifeste de Marseille n'impose pas de mesures contraignantes. Est-ce un handicap ?
Ce n'est pas le but. Ce qui s'est fait à Marseille, ce n'est pas encore le temps de la responsabilité politique. C'est une première étape qui soutient des objectifs. C'est une feuille de route avec 137 recommandations et propositions que toute la communauté internationale de la conservation soutient. Ce sont des propositions émanant de spécialistes, d'experts, de terrains qui luttent au quotidien pour préserver ce bien commun.
Cette feuille de route est posée à la communauté politique. Ils peuvent déjà prendre des mesures, car il y a des recommandations très concrètes qui peuvent être déjà mises en œuvre sans attendre un accord international qui peut-être sera contraignant au contraire de l'engagement climatique de Paris. Nous sommes au bord d'un point de rupture. La science doit être notre boussole et elle nous met en injonction d'agir radicalement et rapidement en revoyant profondément notre modèle économique qui est un modèle de prédation.
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