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#AlertePollution : comment le plastique censé protéger les jeunes arbres a fini par polluer les forêts normandes

Un habitant de Saint-Etienne-du-Rouvray a alerté la rédaction de franceinfo via la plateforme #AlertePollution.

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Dans les forêts normandes, les protections des arbres ne sont pas retirées. (DR)

"Je suis vraiment révolté de voir, à chaque promenade, tant de négligence." Pendant ses balades en forêt, Mickael, habitant de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), tombe sans cesse sur les mêmes morceaux en plastique, jonchant les sols. Volumineux et "par centaines", ils sont fins, gris ou noirs et "servent a protéger les jeunes arbres lors de leur plantation", explique-t-il. "Cependant l'Office national des forêts ne les ramasse pas lorsque les arbres sont grands, ou même coupés des années plus tard", dénonce Mickael. Il a donc décidé de contacter franceinfo via la plateforme #AlertePollution

Photos et vidéos à l'appui, il montre qu'au bout de quelques années, ces larges protections en plastique se délitent dans la nature, certaines recouvertes de mousse voire même prises dans l'écorce des arbres.

Les forêts normandes dans des prisons de plastique
Les forêts normandes dans des prisons de plastique Les forêts normandes dans des prisons de plastique

Sur son site, l'Office national des forêts (ONF) confirme leur utilité : il s'agit du "seul moyen d'assurer la croissance des jeunes tiges face aux dents du gibier". Les principales menaces pour ces jeunes plants sont les cerfs, les chevreuils ou encore les lapins. "Ils vont venir régulièrement pour les manger. Si on n'intervient pas, ils ne poussent pas ou ils meurent et on n'arriverait pas à renouveler les forêts", détaille Jean-François Cheny, responsable du service forêt à l'agence de l'ONF de Rouen. Le but est de préserver l'équilibre entre la faune et la flore.

Ce n'est pas si simple. La densité de gibiers a été multipliée par quatre ou cinq depuis 1980. La pression que subissent les forêts est de plus en plus forte.

Jean-François Cheny, responsable du service forêt à l'agence de l'ONF de Rouen

à franceinfo

Pour enrayer le phénomène, plusieurs protections sont ainsi mises en place : des grilles individuelles qui entourent chaque jeune plant – le procédé est utilisé depuis une quarantaine d'années – et des protections "générales", placées autour d'une parcelle de forêt. Cette dernière méthode "n'est pas facile à mettre en œuvre dans les zones fréquentées, comme ici près de Rouen. Ça crée de gros obstacles à contourner pour les promeneurs", souligne Jean-François Cheny. Le premier choix a donc été longtemps préféré, nécessitant le retrait du dispositif de protection "une fois le bourgeon situé hors de portée de la dent du gibier", promet le site de l'ONF.

Les protections "abîment les arbres"

Selon Mickael, ce n'est pas le cas. Il dépeint des arbres encore enfermés plusieurs années après leur plantation, des grilles emmêlées dans les racines ou des bâches au sol sans arbre à abriter.

Dans les forêts près de Rouen, d'anciennes protections pour les arbres sont visibles par les promeneurs. (DR)

"C'est vraiment un très gros problème", confirme auprès de franceinfo Alexis Ducousso, pour qui "le phénomène ne concerne pas que la Normandie" mais "toute la France". D'après ce généticien à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) également membre du directoire forêt de France nature environnement (FNE), les protections "abîment les arbres car des bouts de plastique s'y insèrent". De plus, ces éléments "fragmentables" et "non-biodégradables (...) entrent dans la chaîne alimentaire et peuvent poser des problèmes de santé", alerte-t-il. 

Certains de ces plastiques contiennent des molécules toxiques, comme des résidus de retardateurs de flamme par exemple.

Alexis Ducousso, généticien à l'Inra

à franceinfo

L'ONF reconnaît aisément le problème : "On se doit de les retirer progressivement. On ne le fait certainement pas assez vite... J'en ai conscience", regrette Jean-François Cheny. Pour lui, ce retard est en partie dû à un manque de personnels : "On fait ce qu'on peut, avec ce qu'on a. On ne dispose pas toujours des mêmes moyens en fonction des époques", glisse-t-il. Seuls onze gestionnaires et cinq-six ouvriers gèrent par exemple les 12 000 hectares de forêts publiques situés dans la région rouennaise.

Jean-François Cheny défend toutefois des avancées récentes : "Actuellement, on en met moins." Il envisage aussi de nouvelles techniques pour remplacer ces "prisons" de plastique. "On peut penser à une régulation des effectifs de cervidés, mais ce n'est pas simple. On teste aussi des répulsifs non-chimiques à badigeonner sur les arbres, notamment à base de laine de mouton", décrit-il. Les tests sont en cours. Et pour les protections qui jonchent déjà les sols normands : "J'espère que d'ici cinq ans, on arrivera au bout de nos peines, qu'on aura enlevé les plus gros morceaux."

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