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A São Paulo, le système "D" contre la sécheresse

En vue du "sommet Climat" qui se tiendra à Paris fin 2015, toute l'année, France Info mettra en avant les solutions, à petite ou grande échelle, pour préserver notre environnement. Aujourd'hui, direction le Brésil, et plus précisément la mégapole de São Paulo qui a soif !
Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Edison Urbano, l’inventeur du système « Cisterna Jà » © RF / Benjamin Illy)

La région de São Paulo, au sud-est du Brésil, subit la pire sécheresse des 80 dernières années. São Paulo connait un problème chronique de sécheresse liée à la hausse des températures et à la disparition des forêts qui ne retiennent plus l'eau de pluie. La situation est grave, la ville pourrait bientôt être privée d'eau courante. Mais là-bas, un inventeur écolo un peu fou vient de lancer un mouvement citoyen : "Cisterna Jà" ! Son idée : que chaque foyer ait sa propre mini-citerne pour recueillir l'eau qui tombe du ciel.

A São Paulo, presque 12 millions d’habitants, parfois c'est l'eau qui ne coule plus au robinet, même dans les secteurs les plus touristiques de la ville, comme dans ce café branché du quartier central de Villa Madalena. Sa gérante, Isabela Raposeiras : "On a eu des coupures d'eau ici, sans être prévenus ! On a été à deux reprises dans cette situation ces derniers mois, avec à chaque fois, deux jours de coupure !! On a dû fermer la boutique ! Je suis très préoccupée. Parce que 98 % du café, c'est de l'eau. Alors cette situation est très inquiétante pour mon commerce".

  (Un café branché du quartier central de Villa Madalena à São Paulo © RF / Benjamin Illy)

Un barrage qui menace l'approvisionnement en eau de São Paulo

L'approvisionnement en eau de São Paulo est menacé parce que son gigantesque système de barrage, le plus imposant du Brésil, est bientôt à sec. Maru Whately, militante écologiste et porte-parole de l'Alliance pour l'Eau :"En ce qui concerne le système de barrage de Cantareira – le plus grand de tous – on est depuis mi-2014 en train de prélever de l'eau de ce qu'on appelle "le volume mort" !! En juillet 2014, on avait épuisé toute l'eau du système, son "volume utile". Depuis, on utilise le volume mort. Et l'eau du volume mort ne devrait pas être utilisée pour la consommation. Si on considère ces volumes, on a seulement 60 jours de réserve d'eau devant nous... S'il ne pleut pas".

Recueillir son eau de pluie, une solution écolo et bon marché

Et comme la pluie se fait rare, certains citoyens se mobilisent. C'est le cas d'Edison Urbano, technicien agronome de 55 ans, tee-shirt de surfeur et basket, un air juvénile, une fibre écolo, inventeur débrouillard et génial. A l'automne dernier, il a lancé un mouvement qui réunit plusieurs centaines de personnes : le mouvement "Cisterna Jà !" qu'on peut traduire par  "Une citerne Maintenant" ! Sur internet, il a mis en ligne un mode d'emploi pour faire sa propre mini-citerne destinée à recueillir l'eau de pluie. Il donne même des cours parfois en Haïti, parfois à São Paulo et souvent gratuitement.

Edison Urbano nous a accueillis chez lui, dans le quartier populaire de Ipiranga, à São Paulo. Il a fait de sa maison son "laboratoire vivant " comme il dit, avec notamment des bouteilles de plastique reconverties en jardin suspendu. Il fait même pousser des salades !  Dans cette maison de bric et de broc, tout est fait pour épargner les ressources naturelles, ici l'eau coule un minimum. Et surtout, elle est recyclée : par exemple, l’eau de la douche passe par un tuyau et atterrit dans la chasse d’eau des toilettes.

 

  (Dans la cour de Edison Urbano, l’inventeur du système « Cisterna Jà » © RF / Benjamin Illy)

Mais le cœur du système c’est la mini-citerne : pas chère, 45 euros, à faire soi-même, les matériaux sont basiques, la construction d'une mini-citerne ne demande qu'un peu de temps et de motivation. Très efficace, elle permet de filtrer l'eau de pluie qui passe des gouttières aux tuyaux jusqu'au réservoir.

"Je fais ça depuis 10 ans et j'ai réduit de 30% ma consommation d'eau courante"

 

Un dispositif minutieux et simple à la fois, l'aboutissement d'une prise de conscience pour Edison Urbano, ça remonte à 10 ans : "J'ai eu de gros problèmes financiers. On m'avait volé ma voiture que j'utilisais pour travailler. Alors je ne gagnais  plus d'argent. Du coup, j'ai commencé à chercher des solutions pour faire des économies. J'ai analysé tous ce que l'on consommait à la maison. Et j'ai vu qu'une famille de 4 personnes consommait 6000 litres d'eau par mois. Ca m’a choqué ! C'est à ce moment-là que j'ai décidé de profiter de toute l'eau de pluie qui tombait sur ma maison. Ca a marché ! Ca fait dix ans que je fais ça et j'ai réduit de 30 % notre consommation d'eau courante, c'est une grosse économie pour moi. Et si ce mouvement est né, c'est pour sensibiliser et réveiller les populations. Pour faire vraiment de grandes économies, pour épargner nos réserves".

Des politiques publiques inadaptées

Edison Urbano fait un rêve, celui que tous les foyers de São Paulo soient équipés d’une mini-citerne, mais il se heurte aux politiques publiques, une politique de grands travaux soi-disant écolos, avec quelques arrières pensées en espèces sonnantes et trébuchantes : "Je n'aime pas parler de politique... parce qu'après on me tombe dessus !" lâche Edison Urbano.

"Mais il faudrait avoir plusieurs mouvements de ce genre pour préserver les sources, les rivières, faire de la reforestation et ce n'est pas d'actualité ! Ici, pour résoudre les problèmes, les responsables promettent des ouvrages pharaoniques, ils font circuler énormément d'argent, beaucoup de personnes en touchent mais ils oublient ce qu'on a déjà ! Naturellement !".

Reportage de Benjamin Illy à São Paulo

 

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