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Contre l’Etat islamique, la Syrie, nouvelle alliée ?

Le revirement aurait du mal à passer. Mais face à la puissance de l’Etat islamique en Irak, les pays occidentaux pourraient devoir coopérer avec Bachar al-Assad, qui combat les membres de cette organisation terroriste en Syrie.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
  (Des combattants d'Al-Qaida, liés à l'armée de l'Etat islamique © Reuters)

En Irak, plus de 70 personnes sont mortes ce vendredi dans l'attaque d'une mosquée sunnite au nord de Bagdad. L'Etat islamique qui progresse dans le pays est un danger "sans précédent " pour le monde, estiment les Etats-Unis après l'exécution de leur journaliste James Foley. Washington promet de poursuivre ses frappes contre le groupe terroriste islamiste dans le nord de l'Irak. Or, l'Etat islamique, on le sait, se bat également en Syrie, cette fois-ci contre l'armée régulière de Bachar al-Assad.

 

Les occidentaux qui combattent aujourd'hui ces djihadistes vont-ils aussi s'attaquer à eux en Syrie ? Vont-ils pour cela devoir faire alliance avec le président syrien ? La question se pose de plus en plus ouvertement. Même si les chancelleries refusent catégoriquement d'envisager ce scénario. 

Paris et Londres contre, Washington pragmatique

Ce serait un revirement difficile à faire passer. Ce vendredi, la Grande-Bretagne a d'ailleurs exclu de manière très catégorique  de coopérer avec le régime syrien. "Dialoguer avec Damas c'est une perte de temps ", a dit le secrétaire au Foreign Office, "ce n'est pas parce que nous combattons les mêmes ennemis que nous pouvons faire confiance à Bachar al-assad et que nous sommes alliés ". C'est pourtant l'ancien chef de l'armée britannique lui-même qui avait suggéré de recréer des liens avec le dirigeant syrien, selon le principe très simple "l'ennemi de mon ennemi est mon ami ". Dans les milieux diplomatiques européens on convoque l'Histoire pour rappeler qu'après tout, Churchill s'était résolu à s'allier avec Staline contre Hitler.

 

La France, elle, refuse de s'engager militairement contre les islamistes, que ce soit en Irak ou en Syrie. D’autant qu’au printemps elle a été la première à dénoncer les attaques à l'arme chimique menées par l'armée syrienne contre des civils et à demander une intervention armée contre Damas. Pour qu'elle se rapproche aujourd'hui de Bachar al-assad il faudrait au minimum un changement de majorité.

 

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Les Etats-Unis eux ont une approche un peu différente, plus pragmatique. Dans le fond ça fait longtemps qu'ils ont compris que Bachar al-Assad resterait au pouvoir. S'ils s'engageaient demain des frappes contre les positions de l'Etat islamique (EI) en Syrie, cela ne pourrait se faire qu'avec l'accord de l'armée syrienne, donc du régime. Il y a aussi leur rhétorique violente contre l'Etat islamique, comme il y a dix ans contre l'Irak, qui fait de l'EI un ennemi puissant prêt à se retourner contre eux. Des mots et un positionnement qui laissent toutes les possibilités.

"La chute du régime syrien devient secondaire" (Fabrice Balanche, directeur du Gremmo, le Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient)

Alliance de circonstance

Pourtant, pour Fabrice Balanche, directeur du Gremmo, le Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, l’alliance entre les occidentaux et le régime syrien existe déjà. "On peut dire que Bachar al-Assad et les occidentaux sont des alliés stratégiques contre l’Etat islamique. De là à renouer officiellement avec le régime syrien, il y a un fossé ".

Plus question aujourd’hui de bombarder Damas, "la chute du régime syrien devient secondaire ", explique Fabrice Balanche. "Les diplomates prétendent que si [les Etats-Unis et la France] étaient intervenus en Syrie l’année dernière nous n’en serions pas là au niveau de l’Etat islamique, pas du tout ", estime le spécialiste, "ce serait pire ".

Aujourd’hui, le régime de Bachar al-Assad "tire profit " de la montée en puissance de l’Etat islamique car il apparait comme "le seul recours ". En même temps, étant donné sa puissance, c’est une "menace stratégique très importante ". 

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