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Conflit syrien : le lourd tribut des reporters de guerre

Reporters sans frontières chiffre à 88, le nombre des journalistes tués en 2012 dans l'exercice de leur métier. Parmi les pays les plus dangereux pour cette profession : la Syrie, le Pakistan, l’Inde et le Mexique. C’est essentiellement en raison du conflit syrien que les chiffres sont aussi élevés avec dans ce pays 17 journalistes qui ont perdu la vie en 2012, selon RSF.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le photographe palestinien de l'agence AP, Nasser Shiyoukh, blessé et assisté par ses collègues près d'Hébron le 16 février 2007 (AFP - HAZEM BADER )

L’année 2012 s’est avérée particulièrement meurtrière, avec un nombre de journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions en hausse de 33 % par rapport à 2011. Le constat de Reporters sans frontière était alors sans appel : «Un journaliste tué tous les cinq jours»

Parmi les victimes, plusieurs Français. Gilles Jacquier, grand reporter de France 2 de 43 ans, a été tué le 11 janvier 2012 à Homs (Syrie) par un obus de mortier tombé sur un groupe de journalistes lors d’un voyage encadré par les autorités syriennes. Lauréat (avec Bertrand Coq) du prix Albert-Londres en 2003, il effectuait un reportage pour Envoyé spécial.

Un autre Français, le photographe Rémy Ochlik, 28 ans, est mort lui aussi à Homs, le 22 février 2012, lors du bombardement d’un centre de presse improvisé à Baba Amr, bastion de la rébellion. Cofondateur de l’agence IP3 Press, il «s’était taillé l’an dernier, en quelques mois des révolutions arabes, en Tunisie, en Egypte et en Libye, la réputation d’un grand».


Rémy Ochlik est mort en même temps de l’Américaine Marie Colvin, 56 ans, «l’une des figures légendaires de la profession». Elle était alors en mission pour le journal britannique Sunday Times. Celle dont le bandeau noir sur l’œil cachait une grave blessure reçue au Sri Lanka en 2001, se rendait là où les plus confirmés n’osaient pas forcément s’aventurer pour témoigner coûte que coûte des guerres et de leurs impacts sur les civils. «De la Tchétchénie à l’Irak, de l’Afghanistan à la Libye, elle était toujours parmi les premiers à arriver, et dans les derniers à partir».

La mort de Rémy Ochlik et Marie Colvin


France 2, février 2012

Rien qu’en 2012, plus d’une dizaine de journalistes, syriens comme étrangers, sont morts pour couvrir le conflit en Syrie. Sans compter les blessés, telle Edith Bouvier, l’envoyée spéciale du Figaro, grièvement touchée à la jambe à Homs le 22 février et seulement rapatriée le 2 mars «à la suite d’un dangereux périple».

Les révolutions arabes sont à l’origine du décès, en 2011, d’autres grands professionnels de la presse. Notamment les photographes Tim Hetherington, collaborateur britannique du magazine américain Vanity Fair, et son confrère américain Chris Hondros, tous deux âgés de 41 ans, victimes d’un tir de mortier le 20 avril 2011 à Misrata en Libye. Tim Hetherington avait couvert de nombreux conflits et remporté plusieurs prix, notamment le World Press Photo Award pour ses images de soldats américains en Afghanistan.


Quelques mois plus tôt, c’était un autre grand nom de la photographie, le Français Lucas Deloga, 32 ans, qui mourait à Tunis le 14 janvier 2011. Il a été tué par le tir «à bout portant» d'une grenade lacrymogène par un policier tunisien, quelques jours après la fuite du dictateur Ben Ali. Il travaillait pour l’agence EPA.

Ailleurs dans le monde...
Pour autant, ces figures de la profession ne doivent pas faire oublier leurs confrères moins connus ailleurs dans le monde.

C’est par exemple le cas de l’Irakien Ghazwan Anas (10), 27 ans, spécialiste des dossiers sociaux à la chaîne de télévision Sama Al Mosul. Il a été tué chez lui par des hommes armés alors qu’il rompait le jeûne du ramadan le 30 juillet 2012. Sa femme et leur fils de quatre mois ont été blessés. Selon l’Observatoire de la liberté de la presse en Irak, sa mort est liée à son activité professionnelle. Plus de 350 journalistes ont été tués depuis le début de l’invasion américaine en 2003.
 

Soldat somalien luttant contre les rebelles islamistes à Mogadiscio (28-7-2008) (AFP - NOTIMEX - FAUISAL ISSE - XINHUA)
 
Autre Etat particulièrement dangereux, la Somalie, «pays le plus meurtrier d’Afrique pour les professionnels des médias», selon Reporters sans frontières. Un cameraman malaisien, Noramfaizul Mohd Nor, 39 ans, qui travaillait pour la chaîne Bernama TV, est mort début septembre 2011 à Mogadiscio, la capitale, lors d’affrontements entre la force de l’Union africaine en Somalie (Anisom) et des hommes armés. Il se trouvait avec un confrère qui a été blessé. Selon RSF, il suivait en voiture le véhicule d’une organisation humanitaire au cours d’une mission. A signaler aussi la mort d’Ahmed Ado Anshur, présentateur d’une radio somalienne indépendante, Radio Shabelle, abattu le 24 mai 2012 près de sa maison. Plusieurs dizaines de journalistes ont été tués depuis 2007 en Somalie.

Parmi les autres pays où les journalistes sont persona non grata, le Honduras, rongé par la violence. Adonis Felipe Bueso Gutiérrez a été criblé de balles dans la nuit du 8 juillet 2012 à la sortie d’un cybercafé à Villanueva (nord). Il travaillait à Radio Stereo Naranja, une institution chrétienne. Selon la police locale, il s’agissait «d’un vol». Mais pour RSF, «la piste professionnelle ne doit pas être écartée». «Malheureusement, l’impunité prévaut pour tous les cas qui endeuillent la profession», ajoute l’ONG. Une vingtaine de journalistes ont été tués depuis 2009 dans le pays.

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