Reportage "L'inondation la plus importante de toute ma vie" : les agriculteurs chinois confrontés à des phénomènes météos extrêmes de plus en plus récurrents

Sécheresses, inondations... Les derniers mois ont été particulièrement éprouvants pour les nerfs des paysans de la province du Henan, le "grenier de la Chine", qui craignent la multiplication de ces effets de la crise climatique.
Article rédigé par Sébastien Berriot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des champs s'étalent à perte de vue autour de la ville de Nanyang, dans la province chinoise du Henan. Mais cette année, après les terribles inondations du mois de juillet, la récolte est presque nulle. (SEBASTIEN BERRIOT / FRANCEINFO)

C'est un été particulièrement douloureux pour les agriculteurs chinois, confrontés à un paradoxe : des périodes de sécheresse extrêmes, suivies d’inondations destructrices. Le plus gros pollueur de la planète fait les frais des changements climatiques, avec des effets directs sur son agriculture, notamment dans les plaines de la province du Henan, surnommée le "grenier de la Chine".

Ici, sur des centaines de kilomètres, la vue est uniforme : des champs à perte de vue, autour de la ville de Nanyang. Au sud de cette province du centre-est du pays, on produit du blé, du maïs, des cacahuètes et des fèves. Mais cette année, après les terribles inondations du mois de juillet, la récolte est presque nulle. Cette agricultrice nous accueille dans sa petite exploitation d’un hectare : "Là-bas, c’est un champ de cacahuètes. Normalement, on en ramasse plein, plus de 20 pour chaque plant. Là, il y en a très peu. Et, en plus regardez, elles sont minces et toutes petites. Bien que les cacahuètes soient réputées résistantes à l’eau, le rendement est très réduit. Dans certains champs, il n’y a même pas de récolte", souligne-t-elle.

Jamais autant de pluie ne s’était abattue sur la région : trois jours et trois nuits de violentes précipitations ont noyé l’ensemble de la plaine, les champs de cacahuètes, mais aussi de maïs. 

"L’eau de pluie était si profonde dans les champs qu'il a fallu dix jours pour que tout soit absorbé. Et nous n'avons alors rien pu replanter…"

Une agricultrice chinoise

à franceinfo

"Ils ont dû venir nous chercher dans des camions"

Et pourtant, la pluie, les agriculteurs l’attendaient avec grande impatience : un mois à peine avant ce déluge, la région faisait face à une sécheresse inédite qui a duré trois mois et qui a anéanti la première récolte de l’année, celle du blé. L’arrivée de la pluie a donc fait naître des espoirs, mais avec autant d’eau, c'est la végétation sauvage qui a désormais remplacé les plantations, nous explique Jingrun, devant son champ de maïs détruit. "Les mauvaises herbes ont tout envahi, j'avais mal aux mains à force de les arracher. J'ai 60 ans et l'inondation de cette année est la plus importante de toute ma vie. Il y avait tellement d’eau que les chefs de village ont dû venir nous chercher dans des camions. Ils craignaient que l’on se noie."

Tous les agriculteurs dressent le même constat : ces phénomènes météos extrêmes à répétition commencent à peser sérieusement sur les revenus des familles. Jinmei, la quarantaine, exploite des parcelles de maïs : "Pour ce champ, là-bas, j'estime que la baisse de rendement est de 60% parce que le maïs est non seulement petit mais qu'il n'y a pas beaucoup de grains. Normalement, ce champ devrait me rapporter 500 euros. Mais je m’attends à gagner seulement un peu plus de 120 euros."

Dans le village voisin, nous suivons un paysan sur sa moto, avec ses chèvres. Il veut nous montrer l’ampleur des dégâts dans ses champs. Pour lui aussi, la récolte est gâchée, mais l'homme de 63 ans garde espoir. Il espère bénéficier bientôt de nouvelles semences, plus résistantes aux changements climatiques. "J'attends avec impatience une solution scientifique qui permettrait d’augmenter les rendements malgré les inondations. Je sais que l'Académie des sciences agricoles de la province du Henan étudie les moyens d'augmenter les rendements du blé, ils viennent souvent sur le terrain pour nous donner des conseils", glisse-t-il.

La crainte de l'approvisionnement alimentaire de la population

Reste que l'aggravation des conditions climatiques fait aussi craindre pour l’approvisionnement alimentaire de la Chine et son 1,4 milliard d’habitants, même si pour le moment, il n’y a pas d'alerte officielle. "Nous ne sommes pas inquiets d'une crise alimentaire, relativise Jinmei, la productrice de maïs. C'est vrai que les personnes les plus âgées, elles, redoutent de manquer de nourriture peut-être, parce qu'elles ont connu la famine en 1960. Mais je pense que ce n'est pas le cas aujourd'hui, parce que la Chine est maintenant développée et que ce n'est plus comme avant. Le pays va résoudre ce problème."

Et quand on demande à ces agriculteurs comment ils expliquent cette évolution du climat, la plupart, fatalistes, disent n’avoir aucune idée. Seul un jeune villageois de 20 ans évoque à demi-mot la pollution et la nécessité de mieux protéger l’environnement pour limiter tous ces dégâts destructeurs pour l’agriculture chinoise.

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