Quand la télévision d'État chinoise utilise une expatriée française pour diffuser sa propagande en France
Une tribune publiée sur CGTN, le média d’État chinois récemment autorisé à émettre en France, développe la propagande chinoise sur le Xinjiang.
RECTIFICATIF. Dans une première version de ce texte, publiée le 1er avril 2021, "Laurène Beaumond" était présentée par erreur comme "une fausse journaliste française". Dans une mise à jour publiée le 4 avril, nous avons précisé que selon la chaîne CGTN, "Laurène Beaumond" était un pseudonyme. Notre correspondante en Chine a depuis cherché à contacter cette Française qu'elle a pu identifier, confirmant les informations du Figaro. Nous avons corrigé notre article en conséquence, et présentons nos excuses à nos lecteurs.
Dans une tribune parue sur le site de la télévision d’État chinoise CGTN, qui a obtenu récemment l’autorisation d’émettre en français, une jeune femme, présentée comme journaliste indépendante française basée en Chine, démonte les accusations de génocide et de persécution subies par la minorité ouïghoure. Une "note de l'éditeur" précède la tribune publiée sur le site en francais de la chaîne CGTN, pour en présenter l'auteure : "Journaliste indépendante basée en France, doublement diplômée d'histoire de l'art et d'archéologie à l'université de la Sorbonne-IV et détentrice d'un Master de journalisme, Laurène Beaumond a travaillé dans différentes rédactions parisiennes avant de poser ses valises à Beijing où elle a vécu presque 7 ans."
"Laurène Beaumond", qui dit s’être rendue plusieurs fois dans le Xinjiang, n’a pas de carte de presse, selon nos confrères du Monde qui n'ont pas retrouvé sa trace dans le fichier de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels français. Et en dehors de cette tribune, une recherche sur Google ne laisse apparaître aucun article avec l'occurrence "Laurène Beaumond".
De faux profils sur Twitter
"Laurène Beaumond", dans l'article publié sur le site en français de CGTN, réfute les accusations formulées par ceux qui dénoncent les stérilisations des femmes ouïghoures et le travail forcé de cette minorité musulmane. "D'où viennent ces nouveaux pasionarias de la 'cause ouïghoure', cette ethnie dont le sort ne préoccupait personne jusqu'ici ?", peut-on ainsi lire. Une "parodie de procès faite à distance à la Chine", écrit "Laurène Beaumond", sans "aucune preuve concrète". À l’en croire, il n’existe pas de camps de rééducation chinois, contrairement aux enquêtes documentées par certains chercheurs qu’elle qualifie donc de "nouveaux pasionarias de la cause ouïghoure". Et de décrire le bonheur qu’ont les Ouïghours à vivre dans le Xinjiang où elle dit s’être rendue une dizaine de fois entre 2014 et 2019. Un tableau idyllique qui reprend point par point la propagande chinoise.
Selon Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, qui a fait les frais récemment des attaques de l’ambassadeur de Chine, un profil au nom de Laurène Beaumond est apparu fin 2020. Sur Twitter, il a invité la journaliste à l’interviewer.
Je n'ose imaginer que @CGTNFrancais qui vient d'obtenir l'autorisation par le @csaudiovisuel d'émettre en France publie des articles sur le Xinjiang écrit par de faux profils se faisant passer pour des journalistes basés en France, comme "Laurène Beaumond"https://t.co/XNVB87YaWE
— Antoine Bondaz (@AntoineBondaz) March 31, 2021
Dans un article publié le 1er avril, la chaîne CGTN assure avoir "des preuves concrètes des différents séjours de Laurène Beaumond au Xinjiang, de très nombreuses photos et même une copie de son certificat de mariage, puisqu'elle s'est mariée à Urumqi en 2014 avec une personne originaire de cette ville". Et le site en français de la chaîne explique que Laurène Beaumond est un pseudonyme : "Laurène Beaumond a souhaité utiliser un pseudonyme et nous avons respecté son choix, parce que nous savons le risque que cela représente pour certains journalistes français d'exprimer leur opinion en faveur de la Chine". Le site en français de CGTN précise que "la journaliste officiant sous le pseudonyme de Laurène Beaumond a décidé de ne plus utiliser ce pseudonyme à l'avenir, craignant pour sa sécurité et celle de sa famille. Les comptes Twitter créés le 31 mars et après sont tous de faux comptes, Laurène Beaumond ayant fermé son compte Twitter qui était d'ailleurs à son vrai nom."
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