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La Chine, nouveau banquier du monde

La Chine a réussi à rallier 57 pays à son projet de Banque asiatique d’investissement. En dépit de l’opposition déclarée de Washington et de Tokyo, Pékin casse le monopole de la Banque mondiale et du FMI, sous domination américaine et européenne depuis 1945. La Chine assume son nouveau statut de grande puissance. Le basculement du monde vers l'Asie est en cours.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Lancement à Pékin de la Banque Asiatique d'Investissement des Infrastructures. Cérémonie de signature, en octobre 2014. (Reuters/Takaki Yajima )

Le refus américain de faire évoluer les droits de vote de la Chine au FMI et à la Banque mondiale, à hauteur de sa nouvelle puissance économique, a poussé Pékin à créer sa propre banque d’investissement. La nouvelle Banque Asiatique de Développement pour les Infrastructures (AIIB) se veut un concurrent à la Banque mondiale sous influence américaine et à la Banque Asiatique de Développement sous influence japonaise. Cette nouvelle banque régionale doit positionner Pékin au centre de l’échiquier asiatique et pousser ses grandes entreprises sur le gigantesque marché des infrastructures.
 
Concurrencer le FMI et la Banque mondiale
Ne pouvant se couper du formidable marché chinois et asiatique, le Royaume Uni, l’Allemagne et la France ont finalement décidé de rejoindre les pays fondateurs de l’AIIB, lancée en octobre 2014 à Pékin. Pour Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor américain, «on se souviendra de ce moment comme celui où les Etats-Unis ont perdu le contrôle du système économique mondial».
 
Les Etats Unis et le Japon tentent de freiner la montée en Puissance de Pékin. Ils arguent que cette nouvelle banque, dans laquelle la Chine sera le principal actionnaire, risque d’être moins regardante sur la bonne gouvernance, la corruption ou sur les risques environnementaux…
 
Collier de perles et route de la soie
Au-delà des 50 milliards de dollars qu’elle va mobiliser pour l’AIIB, la Chine va allouer 40 milliards à un fonds pour «la nouvelle route de la soie» destiné à relier la Chine à l’Europe par voie terrestre et maritime.
 
Un «collier de perles» portuaire qui doit relier le Yunan chinois à Vientiane (Laos), Bangkok, et Singapour… et l’autre axe stratégique doit relier la Chine à l’Inde et au Moyen Orient, en passant par le Pakistan.

Visite au Pakistan du président chinois. Xi Jinping a annoncé 57 milliards d'euros d'investissements.  (reuters/ Faisal Mahmood)

Le président Xi Jinping a annoncé le 20 avril 2015 à Islamabad un investissement de 57 milliards d’euros dans des infrastructures de transport : routes, chemins de fer, ports reliant l’Empire du milieu au Moyen-Orient. Long de 6000 kilomètres, l’axe reprend celui utilisé pour le commerce de la soie jusqu’au XVe siècle qui allait de la côte pacifique chinoise à l’actuelle Turquie. Cette route ouvre la voie à des approvisionnements stratégiques et donne accès à de nouveaux marchés.
 
Marchands de thé sur l'ancienne route de la soie, le 5 mai 2015. (AFP/wang jiang/imagine china)

«La chine ne manque aucune occasion d’étendre son influence dans ce qu’elle considère comme sa zone géographique naturelle face au concurrent japonais. Mais cela ne l’empêche pas de voir encore plus loin», affirme Jean-Louis Beffa dans son livre Les clés de la puissance.

Que mille ports et aéroports rivalisent 
En Afrique, la Chine continue à acheter des terres et des matières premières tout en construisant des routes et des ports pour les transporter. En 2009 et 2010, la Chine a accordé plus de prêts aux pays africains en difficulté que la Banque mondiale.
 
Pékin s’est également positionné comme le premier partenaire commercial du Brésil. Promettant 50 milliards de dollars d’investissements dans des réseaux de transports ferroviaires et routiers. Un projet destiné à sortir les exportations brésiliennes par la côte Pacifique. Ce couloir traversera une partie de l’Amazonie jusqu’au Pérou.
 
«Comme à son habitude, la chine valorise son excellence dans les infrastructures pour offrir ses services et s’implanter économiquement», écrit Jean-Louis Beffa. Grâce à cette nouvelle banque d’investissement, la Chine pourra se positionner sur le gigantesque marché des infrastructures qui représente 8.000 milliards de dollars pour le seul continent asiatique (selon la BAD).
 
Enfin, pour consacrer son statut de grande puissance, Pékin s’est lancé dans le chantier de l’internationalisation de sa monnaie, avec l’objectif de s’affranchir de la tutelle du dollar...

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