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En Chine, le culte de Mao n'est pas mort

Mao n’est pas mort en Chine. En tout cas, il est toujours délicat de s’en prendre au mythe du fondateur de la Chine moderne décédé en septembre 1976. Pour avoir oublié cette règle, un professeur d'université chinois a été limogé après avoir critiqué Mao Zedong à l'occasion du 123e anniversaire de la naissance de l'ancien président de la République populaire.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Image de la couverture d'une bande dessinée «Mao Zedong» (de Jean-David Morvan, Frédérique Voulyzé et Rafael Ortiz, avec les conseils historiques de Jean-Luc Domenach). (Glenat/Fayard)

Dans la Chine du président Xi Jinping, il ne fait pas bon de critiquer le fondateur de la République populaire, le père de la révolution chinoise, Mao Zedong. Le professeur Deng Xiaochao, 62 ans, qui enseigne l'art à l'université de Shandong Jianzhu, dans l'est du pays, en a fait l’amère expérience. Il a en effet perdu son poste pour avoir posté un commentaire sur le réseau social Weibo (le Twitter chinois) le 26 décembre, date de la naissance de Mao, en suggérant que le «Grand timonier», mort en 1976, était responsable d'une famine qui a fait trois millions de morts et du décès de deux millions de personnes pendant la Révolution culturelle.
 
Le commentaire a été supprimé, mais une capture d'écran a circulé sur internet. De telles critiques contre Mao sont rares en Chine et des partisans de l'ancien président, fondateur de la Chine communiste, sont descendus dans la rue pour protester contre les propos de l'enseignant.


M.Deng a été limogé le 5 janvier 2017 de son poste de conseiller du gouvernement provincial et le comité du Parti communiste au sein de l'université a fait savoir qu'il n'était plus autorisé à enseigner ni à organiser de réunions sur le campus, selon le journal chinois Globaltimes, peu éloigné de la ligne officielle de Pékin. 

L'image de Mao
Au-delà de cette affaire, la figure de Mao est toujours très présente en Chine. Son portrait géant trône toujours à Pékin sur la place Tiananmen, attirant encore des milliers de visiteurs chinois. 40 ans après sa mort, Mao semble bénéficier d'une image positive dans la mémoire populaire chinoise. 

Mao jeune dans la BD «Mao Zedong» (Glenat/Fayard)

Le culte de Mao avait largement dépassé les frontières de la Chine. Dans le monde entier, des adorateurs du Petit Livre rouge, recueil des pensées du président chinois, vantaient les succès de la révolution chinoise et défendaient les succès de la Grande révolution culturelle prolétarienne sans se poser trop de questions.  

Pourtant dans l’histoire officielle chinoise, la révolution culturelle a été appelé «grande catastrophe nationale», preuve que sans s'en prendre directement à Mao, il a été possible de s'en prendre à certaines de ses actions. Il est vrai que la Chine n'a pas connu de «déstalinisation» à la russe et que le verdict du PC chinois sur Mao a suffi à clore toute discussion: «Mao: 70% de bon et 30% de mauvais.» 

Xi Jinping, le nouveau Mao
Cette critique se faisait à l’époque de Deng Xiao ping. Aujourd’hui, dans la Chine capitalisto-étatique de Xi Jinping, l’image du chef redevient culte. Et le président entend bien montrer que lui aussi peut symboliser un Etat tout puissant dont il est l'incontestable dirigeant. 


«Mao Zedong reste donc l’alibi révolutionnaire d’une Chine qui a résolument tourné le dos à tout ce que professait le fondateur de la République populaire: en particulier dans le domaine économique où la planification et l’égalitarisme forcené ont cédé la place à un capitalisme d’Etat doublé d’un secteur privé digne du Far West, et d’un creusement des inégalités sociales qui figurent parmi les plus fortes au monde», notait déjà Pierre Haski, bon connaisseur de la Chine, en 2009, date du 60e anniversaire de la révolution chinoise.

Les dessins de cet article sont tirés de la bande dessinée
«Mao Zedong»,
Editions Glenat/Fayard, 

de Jean-David Morvan, Frédérique Voulyzé et Rafael Ortiz
(avec les conseils historiques de Jean-Luc Domenach).

Cet album de la collection «Ils ont fait l’Histoire» se concentre sur l’un des personnages les plus marquants de l'histoire contemporaine. Il dresse le portrait du héros qui a fait la Chine moderne. Mais aussi celui de l'homme qui se cache derrière le leader politique. Et là, on quitte l'image d'épinal. Il n'est pas sûr que les auteurs de la bande dessinée soient autorisés à enseigner à l'université de Shandong Jianzhu.

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