En Chine, des mesures radicales pour protéger la jeunesse accro aux écrans
La Chine lance une guerre pour protéger les enfants addicts au téléphone portable et aux jeux vidéo. Les autorités sont en train de mettre en place des mesures parmi les plus strictes au monde, comme le blocage des téléphones portables des mineurs la nuit. Cette politique fait débat dans la société chinoise.
À Pékin, dans le quartier de Dongzhemen, les jeunes patients du cabinet d'une psychologue des enfants ont tous un point commun : l’addiction aux écrans. La docteure Chen Qiushi confirme : "Les parents sont très angoissés parce qu'ils ne peuvent plus contrôler leurs enfants. Cela affecte leur vie et leurs études, surtout entre 12 et 15 ans. Cela peut même conduire certains à abandonner l’école."
"Ils ne font rien d'autre que regarder des écrans et jouer à des jeux tout le temps. Ils sont devenus accros, comme des consommateurs de drogue."
Chen Qiushi, psychologue pour enfantsà franceinfo
Les familles se retrouvent bien souvent désemparées face à un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur dans la société chinoise. "Ma petite-fille a joué au jeu Mini World avec mon portable, ça a duré trois ans depuis 2020, témoigne cette grand-mère d’une fillette de 10 ans. À cause de ce jeu, elle n’a pas bien travaillé à l’école, ses yeux sont abîmés et maintenant, elle doit porter des lunettes."
Pour faire face à cette tendance inquiétante, le gouvernement chinois a opté pour la manière forte. L’administration du cyberespace a dévoilé l’été dernier un projet avec une première mesure radicale : le blocage des téléphones portables pour tous les mineurs de 22h à 6h du matin. La durée quotidienne de connexion sera également limitée, à 40 minutes par exemple pour les moins de 8 ans. Un projet qui va dans le bon sens pour cette mère de famille : "Je soutiens ces mesures, parce que dans mon entourage, certains enfants se cachent sous la couverture le soir et utilisent l’écran très tard. Le lendemain ils sont fatigués à l’école. Je trouve que ces mesures seront appropriées. Il faut limiter le temps passé sur les jeux vidéo. Cela contribuera à la santé physique et mentale des jeunes. Je trouve aussi que l’école doit réduire l’utilisation des écrans."
Une réglementation utile et efficace ?
La psychologue Chen Qiushi nuance les effets de cette réglementation très stricte : "Les mesures forcées entraînent un état d'acceptation obligatoire. Mais cela n’aide pas l’enfant à gérer ses émotions et cela ne règle pas la dépendance aux écrans. Je pense qu'il faut traiter le problème sur le fond. Si nous considérons l'écran comme une personne très proche et que, soudainement, cette personne n'existe plus, il faut un soutien pour faire face à cette séparation."
Les plus hostiles à ces interdictions de portables, ce sont les adolescents. À la sortie d'un lycée de Pékin, les élèves ne semblent pas convaincus. "Je passe beaucoup de temps en ligne, plus de douze heures par jour le week-end, cinq heures par jour dans la semaine, seulement pour regarder des vidéos et des dessins animés, témoigne une lycéenne de 17 ans. C'est une partie essentielle de ma vie. Et si c’est interdit, de toute façon, je trouverai d’autres solutions. Avant j’ai déjà utilisé la carte d’identité de mes parents pour me connecter. Je suis contre ces mesures. Sans internet, je ne peux pas vivre", affirme-t-elle. "Je ne suis pas d’accord, complète un de ses camarades, je ne veux pas changer mes habitudes à cause de cette politique."
"Les écrans sont une chose inévitable à notre époque."
un lycéen de Pékinà franceinfo
Une de leurs camarades, 16 ans, ajoute : "Qu’ils s’occupent de leur vie et pas de la mienne. Àl’école, nous avons beaucoup de pression et de devoirs. Nous avons peu de temps pour nous amuser. Moi je regarde des petites vidéos sur le portable le soir pour m’amuser. Si on réduit ce temps de loisirs, nous serons déprimés et cela pourra augmenter le taux de suicide."
Certains parents sont, eux aussi, plutôt opposés aux mesures annoncées. "Ces politiques sont redondantes, estime un jeune père de famille. Si les parents ont peur de voir leurs enfants devenir accros à l’internet, il leur suffit de les contrôler. Il n'est pas nécessaire de mettre en place une politique globale, alors que chaque enfant est un cas à part. Moi je ne suis pas inquiet, mon fils travaille bien et il peut jouer autant qu'il le souhaite. Pourquoi dois-je le contrôler ?"
Mais le gouvernement chinois entend bien mettre en place toutes ces mesures anti-écran pour protéger sa jeunesse. Selon un rapport officiel de 2021, 24 millions de jeunes Chinois sont considérés comme addicts à l’internet.
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