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Cellules souches, organes d'animaux : les alternatives à la greffe humaine

Confrontés à une pénurie de dons d'organes, les chercheurs en médecine planchent sur plusieurs pistes pour sauver les patients en attente de transplantation.

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Un employé de la société Carmat vérifie un cœur artificiel, à Vélizy-Villacoublay (Yvelines), en 2009. (FRANCK FIFE / AFP)

De battre, son cœur artificiel s'est arrêté. Le premier porteur du système révolutionnaire conçu par la société Carmat, greffé en décembre, est mort à Paris, dimanche 2 mars. Malgré son échec, cette intervention inédite a permis de mettre en lumière les progrès de la médecine dans le domaine de la greffe d'organes et donne de l'espoir aux nombreux malades en attente de greffe. 

Selon France Info, plus de 12 000 greffons manquent chaque année pour pouvoir sauver les personnes en attente de transplantation, qu'elle soit cardiaque, rénale, hépatique ou pulmonaire. Face à cette pénurie de dons, les chercheurs planchent donc sur d'autres alternatives. 

L'espoir des organes artificiels

Bientôt tous bioniques ? Pour remplacer les organes défaillants, sans attendre un greffon compatible, les médecins travaillent d'abord sur la mise au point d'organes artificiels et autonomes, mêlant biologie et ingénierie. 

Les avantages. Le principal atout de ces organes d'un nouveau genre est de limiter le rejet. Ils sont en effet composés de biomatériaux compatibles avec le corps humain, parfois traités chimiquement. L'autre avantage de ces organes du futur est leur taille de plus en plus petite, qui facilite la vie du patient.

Les limites. Elles sont avant tout financières, explique Cécile Legallais, directrice de recherche au CNRS, interrogée par Les Echos. Selon elle, la France "n'investit pas assez" dans ces projets, "si l'on compare à d'autres pays comme l'Allemagne ou les Etats-Unis". Cela se met en place petit à petit, et la mise au point d'un rein, d'un foie ou encore de poumons artificiels nécessite aussi du temps.  

Les exemples. Le cœur artificiel autonome, conçu par la société française Carmat avec l'appui du chirurgien cardiaque Alain Carpentier, est l'un des principaux exemples d'organes artificiels récemment créés. Ce dispositif technologique reproduit à l'identique la physiologie du cœur et ses battements.

Son implantation en décembre 2013 sur un patient donne de l'espoir pour la mise au point d'autres organes. Les tests se multiplient. Un pancréas bio-artificiel, capable de produire de l'insuline pour les patients atteints de diabète de type 1, doit ainsi être testé sur l'homme d'ici à 2015.

Le futur chaotique des xénogreffes

Et si on se tournait vers les animaux pour pallier l'absence de solutions humaines dans certains cas de greffes ? Tel est le défi des xénogreffes, c'est-à-dire une greffe entre deux espèces différentes. Des valves cardiaques porcines sont déjà utilisées chez les humains, mais le scénario d'une greffe d'organe animal reste à accomplir. 

Les avantages. Faire appel aux organes d'animaux permettrait là encore de multiplier le nombre de greffons. A condition de choisir la bonne espèce pour rester compatible. Les primates non humains (chimpanzés, babouins ou singes) ont été exclus "pour des raisons éthiques", explique, sur Arte, le biotechnologue Heiner Niemann. C'est finalement sur le porc, dont le génome est très proche du nôtre et qui peut être élevé dans des conditions d'hygiène contrôlées, que les scientifiques travaillent.

Les limites. Malheureusement, cette technique s'est toujours soldée par des échecs. La raison ? Le corps humain reconnaît les organes provenant d'autres espèces. Et les rejette. Des solutions ont été trouvées pour bloquer ce réflexe, en modifiant génétiquement certains organes de porc afin qu'ils ne soient plus reconnus comme tels par le corps humain. Mais malgré ces organes "humanisés", les scientifiques se heurtent à une autre difficulté : les xénogreffes peuvent en effet entraîner des infections. "En l'état actuel, passer à des expériences sur l'homme ne serait pas simplement inutile, ce serait tout à fait irresponsable", tranche ainsi Gilles Blancho, directeur de l'institut de transplantation du CHU de Nantes, dans Le Figaro

Les exemples. La première xénogreffe réalisée sur un humain a eu lieu en 1905. Un chirurgien lyonnais a tenté d'implanter un rein de chèvre à une jeune femme, rappelle Le Figaro. En vain. D'autres essais de greffe de cœurs et de reins porcins sur des primates ont aussi échoué. Dans ce contexte, seule l'utilisation de cellules isolées reste la solution la plus prometteuse, note Le Figaro, qui revient sur un essai mené sur des singes en Nouvelle-Zélande. Les cellules pancréatiques porcines produisant de l'insuline ont été efficaces pendant un an après la greffe. 

Le rôle à part des cellules souches

Dernière alternative à la pénurie de dons d'organes : l'utilisation des cellules souches et la médecine régénérative. Cette piste occupe de nombreux scientifiques et se révèle porteuse d'espoir pour guérir la maladie de Parkinson, l'arthrose ou encore la dégénérescence oculaire. 

Les avantages. Les cellules souches constituent une piste sérieuse du fait de leur caractère à part. Ces cellules peuvent se multiplier à l'infini et donner naissance à tous les organes et tissus humains. Manipulées, elles servent donc de "réserve" lorsqu'un organe se montre défaillant et pourraient, pourquoi pas, servir à recréer des organes tout entier. Avec, en prime, l'immense avantage de ne pas être rejetées par le système immunitaire du patient.  

Les limites. La recherche n'a pas encore atteint son paroxysme dans ce domaine. Par conséquent, personne n'a encore réussi à recréer des organes vitaux en 3D à partir de cellules couches, note Arte. Le foie, le pancréas ou encore le rein possèdent une structure encore trop complexes pour être reproduits à partir de ces cellules, qui permettent surtout de recréer des tissus.

Elles n'ont toutefois pas dit leur dernier mot. Avec l'imprimante 3D, on se prend à rêver. Grâce à elle, des chercheurs de l'université de Princeton (New Jersey, Etats-Unis) ont réussi à concevoir des prothèses auditives à partir de cellules souches. De la peau et du tissu musculaire ont même déjà été mis au point grâce à cette technologie, affirme le site Futura Sciences. Alors pourquoi pas un cœur ou un rein ? 

Les exemples. Un pas important a été franchi en 2012. Des scientifiques japonais ont réussi à fabriquer des tissus de foie "fonctionnels" grâce à des cellules souches reprogrammées. Leur étude, publiée dans Nature (article en anglais), explique le processus. Les chercheurs sont en fait partis d'une ébauche de foie, créée en laboratoire et implantée dans une souris. Elle s'est alors transformée en un organe vascularisé possédant les propriétés d'un foie humain. La souris a survécu. De plus, un premier essai clinique d'implantation de rétine artificielle, à base de cellules souches, sera mené au Japon en 2014, indique Bio Science Technology.com (en anglais).

Des organes difficiles voire impossibles à remplacer  

Toutes ces alternatives ne peuvent toutefois pas concerner tous les organes. Oublions les rêves de Mary Shelley et de son docteur Frankenstein : quelle que soit la méthode employée, la greffe de cerveau reste utopique à l'heure actuelle, même si des cellules souches ont permis de créer des "mini-cerveaux" humains.

Cela n'empêche pas certains, à l'instar du neurologue italien Sergio Canavero, de fantasmer. Selon lui, il sera bientôt possible de greffer une tête d'un humain à un autre, en restaurant les connexions neuronales. Outre les problèmes éthiques que pose le projet, rappelons que les neurones ne supportent pas le temps d'ischémie froide, c'est-à-dire la période séparant le prélèvement de l'organe de sa revascularisation chez le receveur. 

La médecine régénérative se heurte aussi à la composition complexe de la plupart des organes. Ainsi, les poumons, composés de plusieurs types de cellules rendant difficile leur reconstitution. A tel point que, jusque-là, personne n'avait réussi à recréer un poumon bioartificiel en laboratoire. C'est chose faite, depuis février, aux Etats-Unis, rapporte CNN (article en anglais). Leur implantation dans le corps humain n'est pas pour demain, mais l'un des chercheurs résume l'ampleur de l'avancée : "C'était de la science-fiction, et ça devient de la science."

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