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Cannes 2015 : une nouvelle esquisse du cinéma mondial
Le Festival de Cannes est le plus grand festival de cinéma au monde de par sa couverture médiatique et sa fréquentation. Chaque année, il redessine la carte mondiale du septième art. Géopolis vous fait découvrir le nouveau paysage cinématographique mondial tout au long de cette semaine cannoise.
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Dix-neuf films sont en lice pour la prestigieuse Palme d’or qui célèbre son 60e anniversaire en 2015. Outre la compétition, c’est une soixantaine de films qui constitue la sélection officielle de la 68e édition du Festival de Cannes (13 au 24 mai 2015). A travers les œuvres de leurs artistes, ce sont les Etats qui rayonnent aussi sur la Croisette. Les presses nationales guettent le nom de leurs représentants dans la liste des élus.
«Le 16 avril (jour de la conférence de presse du Festival de Cannes) fut un jour important pour le cinéma indépendant en Inde. Pour la toute première fois de son histoire longue de 69 ans, le Festival de Cannes a annoncé la sélection de deux films indiens (Masaan de Neeraj Ghaywan et Chauthi Koot – La quatrième voie – de Gurvinder Singh) à Un Certain regard», soulignait allègrement Times of India dans un article intitulé Yes, we Cannes (le célèbre slogan de Barack Obama en 2008 revu et corrigé).
L’Inde est peut être la première industrie au monde, en termes de production et d’entrées, mais être choisi par le plus prestigieux festival du septième art ne va pas de soi. Les sélections de films indiens restent un évènement. Times of India rappelle qu'il faut remonter jusqu'à 1994 pour trouver une œuvre en compétition. Une nouvelle vague de cinéastes indiens s’évertue depuis plusieurs décennies à faire savoir au monde que l'industrie ne se résume pas à Bollywood et à ses films «masala» (expression utilisée pour désigner ses longs films indiens entrecoupés d’intermèdes musicaux). Faire connaître le cinéma de genre «made in India» est toujours une victoire.
La fierté de figurer dans la sélection cannoise n’est pas l’apanage des grandes nations de cinéma. Celles d’Afrique, actrices mineures en dépit de la très prolixe Nollywood, sont les éternelles absentes. Alors le continent se réjouit dès qu’une de ses œuvres est admise dans le cercle très fermé des films dont les équipes ont l’honneur de monter les marches. En 2014, Timbuktu du Mauritanien Abderrahmane Sissako et, quatre ans plus tôt, Un Homme qui crie du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, étaient en lice pour la Palme d’or. Un an plus tard, c’est l’Ethiopie de Yared Zeleke qui goûtera ce plaisir. Son film Lamb est présenté à Un Certain regard. Ces cinéastes propulsent leur pays d'origine sur la scène cinématographique internationale.
«Poser des noms nouveaux sur la carte du cinéma mondial»
A Cannes, il y a les cas extrêmes d’un côté, et de l’autre une multitude de nouveaux horizons cinématographiques. «C’est une sélection qui a pour mission de poser des noms nouveaux sur la carte du cinéma mondial… Des noms, des films et des pays», insiste Thierry Frémaux. Dans le cru 2015, on retrouve ainsi les représentants des industries «frémissantes» du Mexique (Chronic de Michel Franco est en Compétition et Las Elegidas – Les Elues – de David Pablos est en lice à Un Certain Regard), de Corée du Sud (Madonna de Sun-Won Shin et Mu-Roe-Han de Seung-Uk Oh sont présentés à Un Certain regard), de Roumanie (Comoara – Le Trésor – de Corneliu Porumboiu et Un Etaj Mai Jos – L’étage du dessous – signé Radu Mutean sont également sélectionnés à Un Certain Regard). Ce sont quelques-unes de ces nouvelles régions du monde «qui, après la grande Europe de l’Est des années 60-70», «fournissent» la sélection.
«Le Festival de Cannes, en tant que premier évènement culturel français, est un élément central du soft power national», concluait Axel Scoffier dans la revue Ina Global en expliquant la puissance du Festival de Cannes. Avec cinq longs métrages en compétition, le constat est particulièrement vrai. Cependant, il vaut aussi pour chaque pays présent dans la sélection officielle, notamment quand il pourrait décrocher la récompense suprême.
A l'instar de la Chine, première puissance économique, qui entend profiter du marché du film de Cannes (en marge du festival) pour s'imposer sur la scène culturelle mondiale. L'exemple des Etats-Unis – la plus forte délégation sur le marché – est à suivre pour les Chinois qui les ont détrônés au niveau économique. La Croisette accueillera pour la première fois, cette année, le Cannes China Summit. Soit trois jours de rencontres pour permettre aux professionnels chinois de nouer des contacts avec leurs collègues du monde entier et réciproquement. L’évènement confirme une tendance lourde. En 2014, la délégation chinoise était la cinquième plus importante du marché. Le nombre d’accréditations demandées a augmenté de 22% et est en hausse d'année en année de 40%.
Cannes, un tremplin pour la Chine
Jérôme Paillard, délégué général du marché du film, estime que c'est un signe d'ouverture. Rapportant les propos d’un acteur clé de l’industrie cinématographique chinoise dans Cannes Market News en mai 2014, il indiquait que la censure et les quotas imposés dans l’Empire du milieu pourraient disparaître d’ici cinq ans. Ce qui ouvrirait la voie à plus de coproductions et à des opportunités de conclure des contrats de distribution. Pour l’heure, c’est Jia Zhang-Ke qui est victime de la censure. Celui qui est encore l’ambassadeur de la Chine dans la compétition, avec Shan He Gu Ren (Mountains May Depart), n’a pas eu l’occasion de voir son précédent film dans les salles chinoises. A Touch of Sin, qui a remporté le prix du scénario en 2013, et dénonce entre autres la corruption qui gangrène son pays. L’engagement du cinéaste sera salué par ses pairs français. Ils lui décerneront le Carosse d’or à la Quinzaine des réalisateurs, la section parallèle la plus ancienne du Festival de Cannes.
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