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Incendies au Canada : "Les peuples autochtones savaient utiliser le feu"

Au Canada, ce sont plus de 15 millions d’hectares de forêts qui ont brûlé depuis le début de l’année, attisés par des phénomènes météorologiques extrêmes.
Article rédigé par Julie Pietri, Jérémy Tuil
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Daniel Perrakis, du Service canadien des forêts (SFC). (DR)

Le Canada connaît la pire saison des feux de forêt de son histoire en raison notamment d'une très grande sécheresse dans une grande partie du pays et de températures élevées dans le nord. Pour le chercheur Daniel Perrakis, spécialiste du comportement du feu et membre du Service canadien des forêts (SCF), le pays gagnerait à s’inspirer des méthodes des "Premières Nations" pour entretenir les forêts et contrôler les incendies.

franceinfo : Quinze millions d’hectares brûlés cette année : c’est un record pour le Canada ?  

Daniel Perrakis : Oui, le précédent record c’était en 1989 : environ 7,5 millions d’hectares. Cette année, ça a doublé. Depuis cinq, six ans, nous avons d’énormes superficies brûlées et cette année est une saison assez remarquable. Les forêts sont très sèches. Il y a eu des tempêtes avec de la foudre et chez nous, ce sont souvent les éclairs qui allument les feux sévères. Quand il y a en plus des vents, c’est comme si la bataille était perdue tout de suite. C’est ça qui arrive. Quand les pompiers arrivent sur le feu, il a déjà parcouru des douzaines voire des centaines d'hectares.

>> EN IMAGES. Au Canada, les incendies laissent sur leur passage des paysages dévastés

Pourtant, notre capacité d’envoyer des pompiers, des camions, des avions très rapidement n’a jamais été aussi grande. Avec le réchauffement climatique, nous avons une augmentation de la fréquence et de l'intensité des conditions météorologiques extrêmes.  

Sentez-vous une prise de conscience dans le pays face à la gravité de la situation ?  

Tout le monde ici parle des feux de forêt comme jamais auparavant. D’habitude en été, les plus grandes superficies brûlées se trouvent au Québec, en Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest. Cette année, les feux sont partout. De la Colombie Britannique au Yukon jusqu'au Québec, à l'Est. En Nouvelle-Ecosse, en mai, la ville de Halifax a été en partie évacuée. Il y a eu des dommages, des maisons détruites. La population est affectée y compris dans les villes. Cette année, près de 300 000 personnes ont dû fuir les feux dans le pays, c’est quelque chose que l’on ne peut pas ignorer. C’est très traumatisant : la vie des gens est interrompue, l’économie, le tourisme, les industries. Ça coûte cher au pays. Actuellement, nous arrivons plutôt à la fin de la saison des feux même si ça ne serait pas étonnant d’avoir des incendies extrêmes jusqu’à la mi-septembre. Après, les journées ici deviennent plus courtes, les nuits sont plus longues, la température baisse, l'humidité augmente. Il y a une lumière au bout du tunnel.   

Les feux au Canada ne sont pas nouveaux…  

Il y a toujours eu des feux au Canada, c'est vrai. Presque tout le paysage est couvert de forêts. Et il y a toujours eu beaucoup de tonnerre et de foudre l'été et donc beaucoup d’allumages. Mais les Premières Nations [les peuples autochtones du Canada] savaient utiliser le feu. Dans des interviews, dans les années 1950, les anciens, dans les villages, racontaient que leurs ancêtres avaient toujours déclenché des feux de faible intensité, au printemps. Il y avait des raisons à cela : en brûlant régulièrement, les buissons à baies produisent ensuite beaucoup plus de fruits sauvages. Il y avait plus de nourriture aussi et ça attirait le gibier. Le feu était un bon outil. Et puisque les broussailles, les branchages étaient régulièrement brûlés, cela réduisait aussi les niveaux de combustibles au sol sans tuer les grands arbres.  

Mais ces feux de surface, récurrents, ont été stoppés depuis une centaine d’années. Maintenant, on a peur du feu. On ne veut pas de fumées et de risques.  

Quand un feu sauvage n'est pas contenu sur le terrain, il y a toujours une chance pour que le vent l’attise et qu’on perde le contrôle. J’aimerais que l’on s’inspire plus des techniques des Premières Nations.

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