Zardari élu président du Pakistan
Asif Ali Zardari, 53 ans n’est pas particulièrement apprécié par les Pakistanais. Cet homme à la réputation d’escroc incarne le symbole de la corruption du pouvoir. Et pourtant, c’est lui que le Parti du peuple pakistanais a désigné comme candidat à la présidentielle. L'assassinat de son épouse Benazir Bhutto en décembre dernier, et la victoire de sa formation, le PPP lors des législatives de février ont propulsé Zardari au premier rang de la scène politique dominée depuis neuf ans par Pervez
Musharraf, arrivé au pouvoir par la force en 1999. De plus en
plus isolé depuis l'alternance de février, celui-ci a renoncé à
démissionner le 18 août. Asif Ali Zardari lui succède donc.
Présenté par ses détracteurs comme un escroc sans parole,
Zardari suscite beaucoup de mépris au sein de l'opinion
pakistanaise. Il demeure un symbole de la corruption au sommet du pouvoir dans les années 90, quand son épouse, dont il était ministre, dirigeait le pays. Certains doutent même de sa solidité mentale, mise à mal par un séjour de onze ans en prison, bien qu'il n'ait jamais été condamné. La justice a en effet abandonné une partie des poursuites pour corruption et assassinat contre lui et il a été amnistié pour le reste des accusations il y a un an
par le président Musharraf, qui négociait alors avec Mme Bhutto un accord de partage du pouvoir. Jugeant ces allégations fabriquées de toutes pièces à des fins électorales, ses partisans accusent les grands groupes de presse de les relayer au profit de Sharif.
Les atermoiements de Zardari au sujet de la réintégration
des juges de la Cour suprême limogés par Musharraf n'ont pas
contribué à redorer son image. Pour beaucoup, le veuf de Benazir
Bhutto craint que les juges en question ne relancent les
poursuites pour corruption intentées à son encontre. Ces affaires ont été classées l'an dernier dans le cadre d'une amnistie négociée en vue d'une alliance entre Bhutto et Musharraf.
S'il est largement décrié, Zardari est toutefois parvenu à
forcer l'admiration de ses détracteurs en assurant la cohésion
de la coalition mise sur pied après les législatives de février,
ce qui a contraint Musharraf à la démission. Sharif a néanmoins mis fin à cette alliance quelques jours après le départ du président pour dénoncer son attitude envers les juges de la Cour suprême.
Un pays au bord du chaos
Les éditorialistes quasi-unanimes s'alarment déjà des "effets néfastes" de la désignation d'une personnalité si controversée au moment où les combattants islamistes semblent gagner du terrain et où Washington, exaspéré, multiplie les tirs de missiles et les attaques contre Al-Qaïda dans le nord-ouest, à partir de l'Afghanistan voisin. Très soucieux de préserver la stabilité de cette puissance nucléaire dont la coopération reste essentielle dans la lutte contre Al Qaïda et les taliban afghans, les Etats-Unis attendent de lui qu'il reprenne à son compte les engagements de Pervez Musharraf en la matière.
Les observateurs craignent aussi une résurgence des grandes rivalités des années 1990 qui ont conduit au coup d'état
militaire de 1999. Les jours de la coalition de Zardari semblent
en effet comptés: le gouvernement, formé en mars et incapable d'agir concrètement, est à la merci de petites formations aux intérêts très divergents, des laïcs progressistes aux fondamentalistes musulmans, en passant par des nationalistes
ethniques.
Enfin, les économistes prédisent la banqueroute dans deux mois si Islamabad ne redresse pas ses comptes publics: la population est excédée par une inflation
record en Asie de 25%, avec des hausses de quelque 60% depuis le début de l'année des
prix de l'électricité, des carburants et des principaux aliments de base.
Sur le terrain, la violence se poursuit.
Au moins 16 personnes sont mortes ce matin dans un attentat suicide. On compte également 80 blessés. Un véhicule piégé a visé un poste de contrôle de la police et de l'armée dans le nord-ouest du pays.
Edwige Coupez
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