Violences et clivages religieux en Birmanie
Une querelle entre un vendeur musulman et des clients à Meiktila a dégénéré dans la ville placée sous état d'urgence après une trentaine de morts et des quartiers entiers détruits, dont des mosquées brûlées. Alors que l’armée y a repris la main, les affrontements se sont déplacés dans les jours suivants à d’autres localités, comme dans la région de Pago, le 26 mars 2013. Plusieurs quartiers de Rangoun, l’ancienne capitale birmane, ont également vécu au fil des tensions canalisées par la police. Selon l'ONU, plus de 12.000 personnes ont été déplacées par ces événements.
Le gouvernement au pouvoir depuis la dissolution de la junte il y a deux ans a promis de remettre de l'ordre et surtout a mis en garde contre l'«extrémisme religieux». Il craint une contagion communautaire comme ce fut le cas en 2012. Il y a un an, des affrontements dans l’Etat d’Arakhan entre bouddhistes de la minorité ethnique rakhine et musulmans de la minorité des Rohingyas ont fait plus de 180 morts et 110.000 déplacés dans l'ouest birman. Aujourd’hui, ils vivent séparés.
Ainsi, les Rohingyas ne sont pas reconnus par l'Etat (en vertu de lois restrictives sur la nationalité, ils sont exclus de la citoyenneté et sont donc apatrides) et sont considérés par la majorité de la population comme illégaux, voire méprisables. En Birmanie, la majorité bamar considère le bouddhisme comme faisant partie intégrante de l'identité nationale. Aujourd’hui, le pays est confronté à une montée du nationalisme. Ce qui peut expliquer, selon l'analyste Maël Raynaud, que «tout ce qui a été véhiculé comme clichés sur les Rohingyas est retombé sur les musulmans en général». Et de conclure que «le potentiel est là pour que ça dégénère».
Explication de Renaud Egreteau, de l'université de Hong Kong : la majorité ethnique birmane «a une conception raciale de la nation. L'appartenance à la nation se fait par le sang, la lignée, et donc la race. Etre birman, c'est d'abord répondre aux codes culturels de la majorité bamar, sa langue et sa religion bouddhique.»
En 2015, la Birmanie organise ce qui doit être ses premières législatives «libres». Une étape essentielle pour le président Thein Sein et la chef de l'opposition devenue députée, Aung San Suu Kyi.
Jusqu’à présent, le gouvernement Thein Sein est resté frileux pour faire taire la xénophobie. Des partisans de l’opposition et de la prix Nobel de la paix ont également critiqué le silence d’Aung San Suu Kyi sur cette question. Alors même que le risque d’escalade de la violence est réel, l'approche du scrutin législatif semble refreiner dans la classe politique toute prise de position pour ne pas s'aliéner l'électorat.
Et les responsables religieux ont eu beau lancer dans la presse officielle un appel au calme le 24 mars, cela sera-t-il suffisant pour calmer le jeu ? On en doute.
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